Le développement économique n’est pas la résultante de discours aussi pompeux et enflammés soient-ils, mais d’actes quotidiens d’abnégation et de patriotisme par tous sans exception, avec l’importance du modèle et de l’inspiration venant du haut de la hiérarchie. C’est de cette abnégation et de ce patriotisme que la Tunisie a besoin pour espérer sortir de la crise où elle se morfond depuis 2011.
Par Elyes Kasri *
De nombreux Tunisiens se plaignent du parti-pris des milieux politiques et parlementaires européens et américains contre le processus de correction de la transition démocratique opéré par le président Kaïs Saïed depuis le 25 juillet 2021 et jalonné par la consultation électronique du 20 mars 2022 et le référendum du 25 juillet 2022 sur la nouvelle constitution.
Beaucoup de Tunisiens imputent ces positions critiques à un chantage sioniste ou aux manigances des milieux islamistes ou francs-maçons et toute sorte de cercles internationaux malveillants.
Où sont passés les amis de la Tunisie ?
Il reste quand même étrange que l’on n’entende pas parler de positions d’appui et de soutien de la part des amis traditionnels de la Tunisie soit au sein des partis politiques ou des parlements à Paris, Bruxelles, Rome, Berlin, Londres, Washington et Ottawa par exemple.
Il serait légitime de se demander où sont passés les amis de la Tunisie et que faisons-nous pour les mobiliser afin de faire face à la vague déferlante de critiques qui commence à prendre l’allure d’un consensus international sur la perception de dérive du processus démocratique en Tunisie?
Par ailleurs, notre pays vit depuis 2011 une surenchère verbale de patriotisme qui, en dépit des discours flamboyants sur la souveraineté et l’indépendance de la décision nationale, se traduit très souvent par son contraire dans les actes.
Dans ma carrière diplomatique, j’ai vécu de nombreuses situations où des peuples ont démontré leur patriotisme par leur comportement et leurs sacrifices.
Le patriotisme à la coréenne
Le peuple coréen est celui qui m’a marqué le plus particulièrement par son amour de sa patrie et le sursaut national sans réserve ni concession lorsque la Corée a été prise en 1997 dans la tourmente de la crise financière asiatique.
Après une chute brutale des réserves en or et en devises étrangères de la banque centrale coréenne (la Tunisie n’est pas encore arrivée à une pareille situation, mais au rythme où vont les choses, elle ne saurait tarder d’y arriver, Ndlr), les femmes coréennes ont fait don à la banque centrale de leurs bijoux en or et les Coréens se sont interdits de consommer des produits étrangers pour préserver les entreprises, les emplois et les réserves en devises du pays.
Je me rappelle des stations service qui refusaient de vendre du carburant aux propriétaires de véhicules automobiles fabriqués à l’étranger. Des propriétaires de véhicules de marques étrangères trouvaient des graffitis sur leurs véhicules avec la mention «traître».
Tant que les Tunisiens ne considèreront pas la défense du «Made in Tunisia» comme un acte patriotique de la plus haute importance, la Tunisie ne fera que s’enfoncer davantage dans la dépendance financière et commerciale et l’érosion continue de sa souveraineté nationale.
Le développement n’est pas la résultante de discours aussi pompeux et enflammés soient-ils, mais d’actes quotidiens d’abnégation et de patriotisme par tous sans exception, avec l’importance du modèle et de l’inspiration venant du haut de la hiérarchie.
* Ancien ambassadeur.
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