Avec la montée des nationalismes en Europe, la Tunisie pourrait jouer un rôle plus actif dans son environnement géostratégique et conséquemment pour promouvoir un nouveau paradigme de coopération internationale tenant compte des mouvements tectoniques sur la scène internationale et en se fondant sur la communauté d’intérêts avec l’Europe et la position charnière de la Tunisie avec l’Afrique, loin des discours creux et incantatoires du passé. (Illustration : la candidate du parti d’extrême droite Giorgia Meloni vient de remporter les législatives en Italie).
Avec la montée des nationalismes en Europe, la Tunisie pourrait jouer un rôle plus actif dans son environnement géostratégique et conséquemment pour promouvoir un nouveau paradigme de coopération internationale tenant compte des mouvements tectoniques sur la scène internationale et en se fondant sur la communauté d’intérêts avec l’Europe et la position charnière de la Tunisie avec l’Afrique, loin des discours creux et incantatoires du passé.
Par Elyes Kasri *
Lors des dernières élections, l’Italie confirme à son tour la montée du nationalisme en Europe au détriment du pan-européanisme qui n’est plus considéré refléter la volonté des peuples européens et menace d’oblitérer le mandat des élus locaux par des fonctionnaires à Bruxelles appelés eurocrates. Parmi ses nombreuses dérives perçues, la bureaucratie paneuropéenne de Bruxelles menace de mener les peuples européens, contre leurs volonté et intérêts, dans un affrontement destructeur avec la Russie pour quelques pans de la lointaine Ukraine.
Entretemps, les reliques des courants panislamistes et panarabistes ne cessent d’ébranler ce qui reste de l’Etat national tunisien qui, en dépit des faibles atouts naturels du pays, a réussi à mettre sur pied un Etat fonctionnel considéré avec envie par beaucoup, malgré ses insuffisances qui sont inhérentes à toute œuvre politique.
A contre-courant de la géopolitique
Après l’échec ailleurs des tentatives panarabistes et panislamistes de même que l’internationalisme communiste soviétique, la Tunisie semble s’entêter, à contre- courant de l’histoire, à tenter depuis 2011 une expérience à un fort relent supranationaliste, d’abord par un discours et un projet panislamistes et, plus récemment, par différents passages de la constitution et des références idéologiques et comportementales de son seul et unique rédacteur et dirigeant politique (le président Kaïs Saïed en l’occurrence, Ndlr).
La prétention d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire de l’humanité semble s’associer géopolitiquement, économiquement et socialement à une régression à contre-courant de l’économie et de la géopolitique.
Dans sa critique de l’idéalisme platonicien, le philosophe grec Socrate a bien dit que les faits sont têtus.
Les habitants des quartiers populaires du grand Tunis (qui s’insurgent depuis quelques jours contre la mal-vie et la cherté de la vie, Ndlr) semblent, à leur manière et pour des motifs qui leurs sont propres, lancer un cri similaire.
Stabilisation du sud Méditerranée
Le réveil des nationalismes en Europe présente des menaces et des opportunités pour la Tunisie qui a, plus que jamais, besoin d’une diplomatie intelligente et visionnaire pour minimiser les pressions extérieures notamment au sujet de la migration et du mouvement des personnes et maximiser les avantages susceptibles d’être tirés de la concurrence des pays ciblés par la migration en vue d’une vision avant-gardiste de stabilisation et de développement de la rive sud de la Méditerranée loin des calculs froids et idéologiques des eurocrates de Bruxelles.
Il est temps de se départir des postures défensives, à la limite du pitoyable, et de la rengaine de la générosité internationale pour présenter la Tunisie comme un contributeur important à la stabilité et à la sécurité régionale euro-méditerranéenne dans le cadre d’un partenariat égalitaire gagnant-gagnant.
L’Europe doit se rappeler que la première grande bataille de la deuxième guerre mondiale entre les armées de terre des forces de l’axe et des alliés sous commandement américain s’est déroulée en Tunisie et à Kasserine précisément (février 1943 : 2e corps d’armée US vs Afrikakorps) et que la libération de l’Europe par le débarquement de Normandie (juin 1944) n’aurait pas pu avoir lieu sans le débarquement de Sicile, principalement à partir de la Tunisie (juillet-août 1943).
Ce n’est pas par hasard si lors de la conduite des combats de la deuxième guerre mondiale, l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill a qualifié la Sicile, qui est à moins de cent kilomètres des côtes tunisiennes, de «ventre mou de l’Europe».
Un nouveau paradigme nord-sud
La position stratégique de la Tunisie est plus que jamais de mise au moment où les pays du Sahel africain qui souffrent, en plus du découpage colonial des frontières et des séquelles des échecs de la politique européenne de voisinage et d’aide au développement, des aléas du réchauffement climatique et sont dans l’incapacité d’offrir des perspectives d’avenir à leur population dont l’âge médian tourne autour de 16 ans.
Une vague migratoire en provenance des pays du Sahel africain pourrait constituer une menace existentielle pour l’Europe tant pour son architecture politico-économique d’après-guerre que des équilibres sociaux et politiques intérieurs dans chaque pays européen.
Si des dirigeants européens commencent à admettre le déclin de l’Europe, un nouveau paradigme nord-sud de la Méditerranée pourrait contribuer à ralentir ce processus et aider éventuellement la zone euro-méditerranéenne à se repositionner à la faveur du nouvel ordre mondial qui se profile à l’horizon.
La Tunisie est appelée à jouer un rôle plus actif dans son environnement géostratégique et conséquemment pour promouvoir un nouveau paradigme de coopération internationale tenant compte des mouvements tectoniques sur la scène internationale et en se fondant sur la communauté d’intérêts avec l’Europe et la position charnière de la Tunisie avec l’Afrique, loin des discours creux et incantatoires du passé.
Toutefois, la Tunisie ne pourra pas être en mesure de réaliser cette mutation et relever ce défi historique avec les rebuts de la troïka (la coalition dominée par le parti islamiste Ennahdha entre 2012 et 2014, Ndlr) et les hommes de main de la décennie noire.
Nos interlocuteurs étrangers pourraient y voir de la duplicité et même de la schizophrénie si la Tunisie prétendait prôner une vision d’avenir pour la région Euro-med-Afrique avec les mêmes visages et discours du passé surtout si ce passé est assimilé à la mauvaise gouvernance, à l’échec socio-économique et à la complaisance, pour ne pas dire plus, avec le radicalisme et le terrorisme.
* Ancien ambassadeur.
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