La Tunisie n’est pas le garde-frontière de l’Europe

La Tunisie n’a pas vocation à servir de digue ou de muraille l’immigration illégale des Subsahariens. Si l’Europe veut éviter d’être une terre de refuge pour les Africains, ce n’est pas en compromettant la Tunisie dans une politique policière de garde-frontières qui dépasse ses moyens matériels.

Par Elyes Kasri *

La gestion de l’immigration illégale comprend plusieurs étapes qui commencent par les voies d’accès au territoire national. Si la voie aérienne offre des moyens de vérification du motif du séjour et des moyens d’y subvenir, la voie terrestre semble plus problématique. Or, pour ce faire, les immigrés subsahariens, en provenance ou transitant par le Tchad, le Mali ou le Niger, doivent traverser des centaines de kilomètres en Libye et en Algérie.

Eviter la stigmatisation des émigrés

Ainsi, outre le renforcement des contrôles aux frontières terrestres, une coopération plus accrue gagnerait à être instaurée avec les autorités libyennes et algériennes pour endiguer ce flux migratoire illégal et éviter cette atmosphère de tension qui fait craindre à tous les ressortissants subsahariens en Tunisie, même ceux en situation régulière, une stigmatisation administrative et populaire, exacerbée des fois par des réflexes primaires et abjects à cause de la couleur de la peau.

La Tunisie est plus grande que les pseudo-nationalistes qui se trompent de pays et d’époque. Elle n’a pas non plus vocation à servir de digue ou de muraille pour éviter à l’Europe de subir les conséquences de l’échec de sa politique postcoloniale et d’artifices d’aide au développement qui ont constitué un modèle pervers de domination, d’exploitation et d’appauvrissement des peuples africains.

Les conséquences d’un échange inégal

Si l’Europe veut éviter d’être une terre de refuge pour les Africains, ce n’est pas en compromettant la Tunisie dans une politique policière de garde frontières qui dépasse ses moyens matériels et l’obligation de solidarité morale avec les peuples de son continent, mais en engageant un véritable plan Marshall de développement endogène et durable dans toute la région sahélienne africaine et en Afrique du nord.

Ceux qui sont si sensibles aux droits de l’homme en Ukraine en déversant, sans la moindre hésitation, des dizaines de milliards d’euros en aide militaire et autres, devraient penser à faire de même pour ces anciennes colonies qui subissent encore les séquelles de la colonisation et d’un échange inégal avec l’Europe en plus des aléas du réchauffement climatique.

* Ancien ambassadeur.

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