Rétrospective : la chute de Grenade

Il y a 530 ans, dans la nuit du 1er au 2 janvier 1492, Grenade est tombée. Sans combats. Ainsi s’achève, par la faute de ses gouvernants, l’histoire d’Al Andalus : 1 million de musulmans et de juifs disparus, assassinés, chassés de leurs terres. Leur destin tragique n’a cessé depuis de torturer la mémoire de leurs descendants. (Illustration : La capitulation de Grenade par Francisco Pradilla y Ortiz – Boabdil remettant les clés de Grenade à Ferdinand II d’Aragon et Isabelle de Castille).

Par Abdellaziz Guesmi *

Mohammed XII de Grenade ou Boabdil, connu aussi sous le nom de Abou Abdallah Mohammed Ben Abî Al-Hasan Ali est le vingt-deuxième et dernier émir de Grenade. Il est surnommé Az-Zughbî (l’infortuné) ou El Chico (Le Jeune) par les Castillans.

Avide de gloire, imbu de sa personne et vaniteux, l’imbécile de Boabdil décide d’attaquer Lucena, un mois après son accession au trône de Grenade. Mais pour Az-Zoughbi qu’il était, là malchance est au rendez-vous, et c’est une défaite sévère.

Son beau-père, Ali Atar est mort au combat. Boabdil est fait prisonnier par les Castillans. Dès qu’il est informé de la catastrophe de Lucena, El Viejo (le père, donc), se hâte de reprendre son trône en 1484, mais pas pour longtemps, car il le perd de nouveau en 1485 au profit de… son frère Mohammed Az-Zaghal (le courageux), qui se fait proclamer sultan avec l’appui du sinistre vizir Abou Al-Qasim Bannigas.

En 1487, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille finissent par libérer Boabdil et l’aident même à reprendre le trône, à la condition que Grenade devienne vassale et qu’il renonce à défendre Malaga, (dirigée par son… oncle !!). En outre, Boabdil est obligé par les rois catholiques de donner Ahmed, son bébé de deux ans, en otage.

Les villes musulmanes tombent les unes après les autres. La chute du port de Malaga coupe les relations du royaume avec le Maghreb et empêche toute aide. Fin 1487, Almeria/AlMariya  et Guadix/ Wadi-Ich tombent. En 1489, Almuñécar/Hisn Al-Munkkab et Salobreña/Salubania tombent.

Le 26 avril 1491 commence le siège final de Grenade. Ce jour-là, la reine Isabelle de Castille jure de ne pas se baigner ni changer de vêtements jusqu’à ce que la ville soit prise.

Fin 1491, la situation dans Grenade devient très précaire quand le blé, l’orge, le millet et l’huile viennent à manquer. Le passage par l’Alpujarra/Abou Charra est devenu impraticable, la neige ayant commencé à tomber et ayant coupé les communications avec cette région musulmane.

Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1492, guidés par Ibn Koumasa et Abou Al-Qasim Al-Moulihe, deux vizirs de Boabdil, le grand commandeur de Léon, Don Gutierrez de Cardenas et quelques fonctionnaires castillans, entrent secrètement dans Grenade par un chemin peu fréquenté.

Au petit jour, Boabdil livre les clés de l’Alhambra à Don Gutierrez dans la tour de Comares. Sans combatte, le lâche.

La capitulation de Grenade est proclamée le 2 janvier 1492. Le comte de Tendilla et ses troupes entrent ensuite dans l’Alhambra. Boabdil laisse sa ville intacte aux mains de ses adversaires, moyennant un traité de capitulation qui garantit les droits des habitants : ceux-ci peuvent rester en conservant leur religion, leurs autorités juridico-religieuses, leurs biens et même leurs armes (sauf les armes à feu). En théorie…

Bannières et armoiries Nasrides de Grenade.

Les musulmans restent encore quelques temps, dispersés un peu partout dans la péninsule. Les Roi catholiques finissent pourtant par renier les capitulations signées avec Boabdil, car cette population avait attiré sur elle les jalousies des nobles et grands d’Espagne qui voulaient s’accaparer ses biens. Et elle est, surtout, toujours… musulmane !

On oblige assez rapidement les musulmans à faire un choix, soit de partir au Maghreb, soit se convertir au christianisme. Ils refusent. Ils mourront.

S’ensuit une terrible répression qui pousse les anciens Andalous à se rebeller. Plusieurs centaines de milliers sont assassinés. En 1609 un édit du roi Philippe II d’Espagne oblige tous les descendants de musulmans de quitter l’Espagne sous peine de mort. Ils résisteront seuls. Ils mourront seuls.

* Proviseur à Grenoble.

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