Tunisie : les banques publiques doivent-elle financer les entreprises citoyennes ?

Les entreprises citoyennes, constituées dans le cadre du projet politique du président Kaïs Saïed et non sur la base de business plans dignes de ce nom, sollicitent des financements bancaires que, très logiquement, elles ont du mal à obtenir. Va-t-on contraindre les banques de la place à les financer ou de les maintenir sous perfusion ?

N’anticipons rien ! Nous nous contenterons pour le moment de reproduire ci-dessous un article consacré à ce sujet publié par l’agence Tap, qui plaide clairement en faveur d’un engagement plus fort des banques publiques, «coupables» de faire des bénéfices, aux côtés desdites entreprises citoyennes. Les lecteurs se feront leurs propres idées sur la question.

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Les entreprises citoyennes, qui font face à des besoins de plus en plus croissants en termes de financements et d’appui, sont encore loin de satisfaire aux exigences des banques publiques qui réalisent des résultats annuels significatifs, pour obtenir les financements nécessaires.

En effet, depuis la publication, le 21 mars 2022, au Journal officiel de la République tunisienne (Jort), du décret présidentiel n°15-2022 relatif aux entreprises citoyennes huit sociétés ont été créés.

Ces entreprises sont aujourd’hui en quête de financements que ce soit auprès du gouvernement ou des banques publiques, à l’heure où l’intérêt est porté aux startups à travers les structures d’appui ou les lignes de financement.

L’agence Tap met l’accent sur la question de la réticence des banques publiques, chargées de booster les projets économiques, à soutenir ces entreprises alors qu’elles répondent aux exigences.

Les défis des entreprises citoyennes

Néjib Souri, propriétaire d’une entreprise citoyenne à Gafsa spécialisée dans les services et les produits agricoles, a fait savoir que sa société composée de cinq usines (fourrages, légumes, céréales et lait), a besoin d’un financement d’environ 15 millions de dinars. La Banque nationale agricole (BNA) a refusé même d’ouvrir un compte au nom de l’entreprise, tandis que la Société tunisienne de banque (STB) lui a proposé un financement plafonné à 200 000 dinars.

Souri a souligné que ceux qui souhaitent créer des entreprises citoyennes affrontent des difficultés notamment au niveau de la mobilisation de l’autofinancement, vu qu’ils sont en chômage.

De son côté, Amin Hafoudhi, dont la société est spécialisée dans la valorisation des impuretés des phosphates, attend l’obtention des financements nécessaires.

Les entreprises citoyennes revendiquent la facilitation de l’accès aux financements, l’adhésion des banques, notamment publiques, au processus de leur accompagnement vu qu’elles contribueront à l’impulsion du développement économique des régions, outre la simplification des procédures administratives.

D’autres entreprises à Nabeul et à Mahdia attendent la création de la ligne de financement programmée dans le cadre de la loi de finances pour l’exercice 2023, outre la ligne d’appui aux Petites et moyennes entreprises (PME).

L’article 29 de la loi de finances pour l’exercice 2023 prévoit la création d’une ligne de financement de 20 millions de dinars (MD) dédiée aux entreprises citoyennes régionales ou locales. Cette ligne permettra l’octroi de crédits à des conditions préférentielles, et ce, jusqu’au 31 décembre 2023. La BTS a été chargée de la gestion de cette ligne.

Les banques réalisent des résultats annuels importants

Les banques tunisiennes n’ont pas alloué de financements aux entreprises citoyennes et n’ont pas annoncé de procédures ciblant ces sociétés qui représentent un potentiel au niveau de la création d’emplois et de développement des régions.

Selon les états financiers consolidés de l’année 2022, les banques tunisiennes assurent la gestion de 83,2 milliards de dinars de crédits dont 35,7 milliards de dinars (soit 42,9% des crédits) sont détenues par les banques publiques.

Un certain nombre de défis s’est imposé, face à cette situation, aux entreprises citoyennes dont le nombre a atteint 8 sachant que 30 autres entreprises sont en cours de création, selon les données publiées, en janvier 2022, par le ministère des Affaires sociales.

Ces défis concernent, principalement, l’exclusion des entreprises citoyennes du système de financement structuré malgré la forte présence des banques publiques dans ce système, d’une part, et les problèmes bureaucratiques liés, essentiellement, au système d’autorisation, d’autre part.

En fait, il est difficile de trouver des raisons qui expliquent l’absence de financement des banques publiques au profit de l’entreprise citoyenne d’autant plus que les articles 3, 4 et 5 du décret de création de cette dernière stipulent qu’elle vise à réaliser le développement régional, et ce, selon la volonté collective.

Les mêmes articles indiquent que les entreprises citoyennes exercent des activités économiques et disposent d’un régime juridique qui leur confère un statut de client bancable auprès des banques publiques.

Selon les articles 63 et 64 du décret présidentiel, les entreprises citoyennes disposent d’un conseil d’administration composé de 6 membres et soumis à l’encadrement local. Ces entreprises sont appelées, également, à élaborer les états financiers et les rapports du contrôle de leurs comptes.

Malgré toutes ces garanties, les banques publiques n’ont pas traité les entreprises citoyennes sur un pied d’égalité avec les sociétés anonymes ou les sociétés à responsabilité limitée (SARL)…

Il semble que les banques publiques préfèrent travailler, d’une manière générale, avec les grandes entreprises et les holdings, surtout, que les dépôts de cette catégorie ont atteint environ 29,5 milliards de dinars, à fin 2022, selon données publiées par les banques sur le Conseil du marché financier (CMF).

Les dépôts et les prêts des banques publiques accordés aux grandes entreprises et holding qui ont progressé respectivement, à la fin de l’année dernière, de 10,4% et 10,1%, ont réussi à réaliser un intérêt net de 1,2 milliard de dinars, des commissions facturées aux clients de 384,1 MD et des taux d’intérêt sur les crédits accordés à l’État d’environ 655,1 MD, ce qui signifie une hausse de 25,1% en 2022 par rapport à 2021.

La réalisation de ces bénéfices et gains a permis aux banques publiques d’enregistrer, en 2022, un produit net bancaire (PNB) d’une valeur de 2234,9 MD, soit une hausse de 8% par rapport l’année 2021.

Il est certain que ces banques publiques, qui opèrent dans le cadre d’une logique de mobilisation des intérêts, des commissions et des excédents par l’octroi des crédits à l’État, ne peuvent pas réaliser ces bénéfices si elles travaillent avec les entreprises citoyennes créées dans un contexte différent au niveaux du principe de rentabilité et des bénéfices limitées aux actionnaires. La création de l’entreprise citoyenne qui vise à réaliser l’équité sociale et une répartition équitable des richesses, selon l’article 2 du décret n°15-2022 de sa création, n’a pas réussi à présenter des bases solides pour que cette société soit soutenue par les sociétés de crédit ce qui explique qu’elle soit très loin du principe de l’économie de rente.

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