Etats-Unis : le «char rapide de la démocratie»

Tututut, l’avertissement sonore devenu familier qui annonce l’entrée du train en gare. Le sous-sol du Capitole, siège du pouvoir législatif américain, et ses environs grouillent de vie, reflets d’une vie trépidante à la surface. C’est l’unique instance à disposer de son propre système de métro léger, à la fois un moyen de transport et une attraction touristique. Le pouvoir est très bien desservi aux Etats-Unis.

Par Mohsen Redissi *  

L’espace initial du Capitole n’était pas assez grand pour suivre l’adhésion de nouveaux États à l’Union. L’élargissement a gonflé le nombre d’élus obligeant l’Etat fédéral à louer des bureaux à la périphérie du Capitole pour les parlementaires et leurs assistants. 

Le vote des élus n’était pas une sinécure. L’éloignement rendait leur travail fastidieux; les parlementaires se déplaçaient à pas rapides entre les différents bâtiments pour ne pas rater les séances de vote. Ils arrivaient souvent essoufflés, hors d’eux, des retardataires aux yeux de leurs pairs. Des lois votées, d’autres refusées indépendamment de leur volonté. La distance en est la cause.

Des trains et des hommes

L’histoire du réseau du métro léger est étroitement liée à l’histoire moderne du Capitole et de ses multiples extensions. L’objectif de ce moyen de transport est de rendre la vie parlementaire plus agréable, moins stressante pour plus d’efficacité. Le circuit souterrain privé a eu d’autres atouts cachés:

– il évite aux usagers le passage par l’extérieur par mauvais temps;

– il offre un court moment de détente avant d’entamer la suite;

– il offre aussi un temps additionnel crucial pour des accords de dernière minute;

– les quais sont transformés en plateaux par les journalistes pour recueillir en avant-première une information à utiliser pour un reportage ou un papier.

Fast and furious

Le cheval d’acier est le témoin de la transformation du Capitole. Il a suivi sa ruée vers l’Ouest comme vers l’Est en plantant ses rails à la recherche d’espace vital pour ses nouveaux arrivants, élus et leurs collaborateurs. Il est aussi la réflexion de l’essor du pouvoir législatif au sous-sol du Capitole. 

Trois lignes, six stations, un kilomètre de voies environ composent le système ferroviaire actuel du Capitole. Une interconnexion entre la maison mère et les trois annexes facilite le va-et-vient des élus. Trois grandes étapes marquent la transformation de l’édifice et celle du métro léger, le sol et le sous-sol.

Débuts difficiles

A l’exigu dans ses anciens murs, le Congrès s’ouvre à l’extérieur et loue un bâtiment qu’il transforme en bureaux. Un passage souterrain relie le Capitole à son annexe. Très vite, les allées et venues ont eu raison de la patience des parlementaires, obligés de se presser afin de rejoindre l’hémicycle. Leurs plaintes répétées ont fini par payer.

Les architectes du Capitole lancent en 1909 la première navette composée de deux voitures électriques à piles entre le Capitole et les nouveaux bureaux. Le cortège se déplace lentement dans la pénombre dans un tunnel étroit et sinueux de 232 mètres de long. 

La vitesse de croisière

Un monorail électrique suspendu à un rail aérien remplace les premières voitures, composé au départ par une seule voiture puis deux; avec assez d’espace pour dix-huit passagers et un conducteur assis au centre sur un siège réversible.

Une deuxième annexe est rattachée au Capitole dans les années cinquante du siècle dernier. Deux voies courent en parallèle avec quatre wagons pour un circuit plus fluide, diminuant ainsi les délais d’attente et faisant taire pour un certain temps les complaintes des sénateurs pris par leurs obligations.

L’exploitation d’un troisième immeuble en 1982 a imposé de nouvelles contraintes. La refonte de la desserte est devenue une nécessité. Le coût élevé a dissuadé certains sénateurs. La nouvelle ligne n’entre en service qu’en 1994, un train à trois voitures transportant 25 personnes à la fois à 14 miles/h réduisant ainsi le temps d’attente et le temps de parcours. Une ligne accessible aux personnes à mobilité réduite et aux fauteuils roulants. 

Dans l’Amérique d’aujourd’hui, une visite au Capitole n’est complète qu’avec un tour dans le métro. Des quais, des tunnels et des trains pas comme les autres circulent et relient en continu le Capitole aux trois annexes. Pas besoin de ticket pour ses usagers, l’autorisation d’entrer dans l’enceinte est leur sauf-conduit.
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Char rapide de la démocratie” est l’exclamation de l’aumônier du Sénat en voyant le monorail s’élancer pour la première fois en 1960. 

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