Dans une lettre ouverte à Kaïs Saïed, diffusée lundi 12 juin 2023, le Parti destourien libre (PDL) interpelle le président de la république en ces termes: «Il est temps d’observer vos limites, de respecter le peuple et de comprendre que nous sommes des citoyens et non des sujets».
Le parti de Abir Moussi fait ici allusion aux décisions unilatérales que prend le chef de l’Etat depuis la dissolution de l’assemblée élue en 2014 et la proclamation de l’état d’urgence, le 25 juillet 2023, et la promulgation, un an plus tard, d’une nouvelle constitution qui lui attribue tous les pouvoirs dans le pays, dirigé depuis par décrets présidentiels.
«La Tunisie est une république civile et ne sera jamais un Etat califal», lance le PDL au président Saïed qu’il soupçonne de poursuivre l’œuvre d’islamisation rampante entamée en 2011 par le parti Ennahdha, mais avec d’autres moyens et sous de nouvelles appellations.
«Vous n’avez aucune légalité ni aucune légitimité pour conclure des accords au nom de l’Etat tunisien», lance encore le PDL à Saïed, faisant allusion au projet d’accord entre la Tunisie et l’Union européenne discuté lors de sa rencontre, la veille, au Palais de Carthage, avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni et le Premier ministre néerlandais Thomas Rutte, et qui prévoit, entre autres, des dispositions relatives au contrôle des frontières maritimes de la Tunisie pour contrer les flux de migration irrégulière.
Le PDL va plus loin encore en menaçant de ne pas reconnaitre toutes les mesures prises sous le règne de l’actuel président, dans ce qui s’apparente à un message envoyé aux partenaires étrangers, et notamment européens, de la Tunisie.
Evoquant ladite rencontre du Palais de Carthage, le PDL écrit dans sa lettre : «Nous avons vu l’atteinte criarde à notre souveraineté et comment la patrie est vendue devant les objectifs des caméras et comment le Palais de Carthage est piétiné devant nos yeux et comment on se félicite devant les étrangers de l’outrage fait à notre citoyenneté et le traitement qui nous est infligé en tant que sujets». Et le parti présidé par Abir Moussi d’ajouter : «Nous avons eu la confirmation que les Européens, qui ont créé la Commission de Venise, les organisations des droits de l’homme, les instituts dédiés à la défense de la démocratie et les instances de contrôle de la conformité des élections aux normes internationales se pressent pour traiter avec ceux qui ont violé le pouvoir dans leur pays, blanchir les tenants du pouvoir personnel absolu qui n’ont que faire des libertés, du pluralisme et du réel respect des droits de l’homme».
S’adressant, plus loin, au président Saïed, le PDL élève encore plus le ton en lui lançant: «Vous quitterez le pouvoir par la volonté du peuple qui s’élèvera pacifiquement contre tous les instruments visant à vous blanchir, à l’intérieur et à l’extérieur, et empêchera votre maintien au pouvoir en dehors des cadres légaux pour soumettre davantage le pays et poursuivre le gaspillage de ses ressources. Vous ferez alors face à l’accusation de haute trahison parce que vos politiques destructrices au cours de ce qui reste de notre mandat auront porté atteinte à la sécurité du territoire national que vous avez la charge de préserver conformément à l’article 91 de la constitution que vous avez écrite vous-même et conformément avec votre seule volonté».
A travers cette lettre ouverte, la présidente du PDL pense visiblement à la prochaine élection présidentielle à laquelle elle sera sans doute candidate, encore faut-il qu’elle ait lieu conformément aux délais constitutionnels. Or, à moins d’un an et demi de cette échéance, rien ne confirme la volonté du président de la république de mettre son mandat en jeu. Et Mme Moussi n’est pas la seule à soupçonner Saïed de vouloir s’éterniser à la tête de l’Etat en provoquant ce que la lettre ouverte du PDL qualifie de «désert politique». Désert ou le cri du PDL résonne comme un signal de détresse…
I. B.
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