La profanation du Coran, le 28 juin 2023, par un réfugié irakien en Suède, quelles que soient les motivations du profanateur, Salwan Momika, interpelle par le fait que ce pays a autorisé cet acte. Et, pis encore, a tout fait pour le médiatiser afin qu’il parvienne aux oreilles de tous. Était-ce raisonnable ?
Par Dr Mondher Azzouzi *
Pour ne rien arranger, ce n’était pas la première fois qu’un tel acte a été commis et médiatisé en Suède : le 21 janvier dernier, un responsable suédo-danois d’extrême droite, Rasmus Paludan, avait brûlé un exemplaire du Coran, dans le cadre d’une manifestation organisée devant l’ambassade de Turquie, à Stockholm.
La Suède, ce pays nordique toujours pris comme référence en matière de civisme, de tolérance et de respect de la dignité humaine, et qui n’avait jamais montré d’animosité envers les musulmans, se trouve au centre d’une polémique pour avoir permis une offense envers plus d’un milliard d’humains sur toute la planète, qui ont du mal à digérer le fait qu’on ait permis la médiatisation à outrance d’un tel acte au nom du sacro-sainte droit à la liberté d’expression. Lequel droit s’est révélé sélectif quand un résident musulman du même pays, et qui aurait agi non par conviction mais pour avoir le cœur net, s’est vu interdire de brûler les deux livres saints des deux autres religions monothéistes. De là à voir dans cette interdiction un parti-pris évident…
Liberté d’expression et offense d’autrui
La très grande majorité des musulmans, y compris les non-pratiquants parmi eux, ont vécu cela comme une provocation inspirée par une inacceptable volonté d’humiliation.
La question qui me paraît tout de même essentielle est de savoir si la liberté d’expression, aussi respectable soit-elle en tant que principe régissant le vivre ensemble, est permise quand elle se donne clairement pour objectif d’offenser autrui à travers ses croyances religieuses? Ce qui revient à pointer du doigt, de manière négative et péjorative, une différence basée sur la religion. Cette manière d’attenter à la croyance et à la spiritualité des autres provoque forcément des incompréhensions et des conflits dont on se serait bien passé. La liberté d’expression ne saurait en aucune manière justifier la stigmatisation des adeptes d’une croyance religieuse, quelle qu’elle soit.
Par ailleurs, les polémiques stériles, telle que celle provoquée par la profanation du Coran, génèrent inévitablement des haines et des violences. Est-ce que cela en valait vraiment la peine, qui plus est, au moment où la population mondiale fait face à de graves problèmes, climatiques, alimentaires et autres, et a besoin de plus de compréhension et moins de division ?
La bonne foi doit prévaloir
Il ne s’agit pas ici de défendre l’islam en tant que tel. Demain, ce pourrait être le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme ou l’hindouisme qui seraient visés. Il s’agit plutôt de rappeler qu’aucun abus n’est acceptable au nom de la liberté d’expression. Et d’appeler les autorités suédoises à s’expliquer sur cet incident qui a beaucoup terni son image auprès des musulmans et à prouver leur bonne foi, sans jeu de mots aucun, dans la manière pour le moins douteuse avec laquelle elles l’ont géré jusque-là.
Cardiologue à Lyon.
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