Il est douteux que le propriétaire de Twitter fasse aujourd’hui le poids devant les exigences du Premier ministre israélien d’éradiquer de la plateforme tous les contestataires de la vérité sioniste ou de celle de leurs amis. Néanmoins leur entretien sera sans aucun doute décisif pour l’avenir de la liberté d’expression dans le monde.
Par Dr Mounir Hanablia *
Elon Musk avant sa rencontre avec Netanyahu aujourd’hui en Amérique semble bloquer toutes ou certaines pages antisionistes de Twitter, sans doute dans un geste de bonne volonté. Ainsi depuis vendredi après-midi, je ne pouvais plus accéder à la mienne.
Messieurs dames, s’il y a une chose que les sionistes supportent encore moins que le terrorisme, c’est l’ironie. Ce n’est pas létal mais cela met à mal leur égo, et par là même, leur confiance en soi. Demander à un rabbin de bénir les Palestiniens le jour du nouvel an juif n’est en effet pas très apprécié. Faire un vœu ce même jour de voir un Etat démocratique établi en Palestine frise la provocation.
Les sionistes ont inventé un formidable concept, l’antisémitisme, qui leur permet de disqualifier pratiquement tous ceux qui n’acceptent pas leurs thèses. Un sioniste peut prétendre que le Coran a reconnu l’attribution divine de la Palestine au peuple d’Israël, mais le contester en arguant de la perte de ce droit après le culte du veau d’or et celui des dieux de Canaan n’est pas acceptable à leurs yeux.
Les extrémistes se servent la soupe
Récemment Mahmoud Abbas a commis une gaffe monumentale, plus en excusant Hitler pour la Shoah, qu’en rappelant que les Ashkenaz originaires d’Asie Centrale n’avaient aucun droit en Palestine. Le livre de l’écrivain juif Arthur Koestler, La Treizième tribu, relativement aux Ashkenaz, le prouve et semble faire partie des ouvrages instantanément occultés par un algorithme dès que sa couverture est publiée.
Évidemment si le but de Mahmoud Abbas est de faire resurgir la question palestinienne au premier rang des préoccupations internationales, les critiques suscitées ont fait passer au second plan les exactions quotidiennes des colons et des soldats israéliens dont est victime la population civile.
A côté de l’affrontement israélo-palestinien, il y a les extrémistes hindous, les extrémistes musulmans, et la faune bigarrée de l’extrême droite européenne. L’un de mes préférés est un politicien dénommé Geert Wilders qui a fait l’objet de menaces de mort de la part des talibans pakistanais, ses pendants musulmans. On ne peut pas s’empêcher de penser que Geert Wilders et son pendant taliban tirent chacun avantage de la situation en termes de célébrité et de dividendes politiques.
C’est un peu comme au temps du conflit d’Irlande du Nord dont les services secrets britanniques avaient besoin pour bénéficier des crédits, de l’armement, et de l’influence sur l’autorité politique nécessaires à leurs ambitions, qui étaient exactement celles de l’IRA dans le camp opposé.
Pour jouer une partie il faut toujours être deux. Mais Geert Wilders à la différence des talibans prétend mener pacifiquement son combat au nom de la liberté d’expression, ou du blasphème, dont la conséquence est d’interdire l’immigration essentiellement musulmane, selon lui inassimilable, d’abord aux Pays-Bas, ensuite en Europe. Une photo publiée par lui montrant l’île de Lampedusa prise d’assaut par les migrants africains, s’accompagne d’un commentaire accusant un dictateur (!!!) d’avoir grugé les Européens en empochant l’aide financière sans respecter ses engagements.
Une dame fière d’être blanche et dénuée de toute culpabilité, publiant les mêmes photos en se plaignant que des jours sombres attendent l’Europe, suscite inévitablement une réplique relativement à la peau encore plus sombre des enfants destinés à y naître.
Double discours à usage interne et externe
Mais l’Inde, dont les dirigeants actuels veulent changer le nom en celui de Bharat, peut aussi provoquer des commentaires sarcastiques. Modi son Premier ministre, accusé d’avoir commandité un massacre contre les musulmans du temps où il était gouverneur de l’Etat du Gujarat, a établi une politique de nettoyage ethnique systématisée les visant, appliquant en cela le programme du parti suprémaciste hindou RSSS, dont un militant, Godsé, s’était rendu tristement célèbre en assassinant le Mahatma Gandhi. Cela n’a pas empêché Modi d’emmener les dirigeants du G20 réunis à New Delhi à s’incliner sur sa tombe. Donald Trump aurait évidemment pu aussi bien rendre hommage de la même manière à Martin Luther King.
Après cela, les commentaires sarcastiques ne pouvaient pas manquer, relativement à la duplicité et au double discours à usage interne et externe du Premier ministre indien, accusé d’assister les bras croisés à la progression chinoise dans l’Aksai Chin, ce territoire frontalier contesté.
L’Histoire de l’Inde constitue toujours un sujet passionnant, particulièrement pour les provocateurs, ceux qui veulent enfoncer un coin entre les musulmans et les Sikhs, deux minorités soumises au diktat de la majorité hindoue et dont l’intérêt est de s’allier malgré un antagonisme historique et religieux.
Ainsi on nous rappelle de nouveau que Ranjeet Singh le maharajah du Penjab, avait interdit l’adhaan, l’appel à la prière musulman dans les mosquées, et ceux qui avaient enfreint l’interdiction avaient été décapités séance tenante. Peut-on pour autant l’accuser d’avoir été antimusulman? Son ministre Aziz, les concubines de son harem, de nombreux officiers de l’armée et fonctionnaires du Royaume du Penjab , la majorité des soldats, tous musulmans, prouvent le contraire. Mais dans un pays à majorité musulmane, l’État sikh considérait que les manifestations publiques de la foi musulmane, qui avait été celle des Mogols, les précédents empereurs de l’Inde, ne pouvait pas être tolérée sans remettre en cause sa propre autorité. Et ceci est évidemment absolument contraire à la tolérance prônée par le fondateur du Sikhisme, le Gourou Nanak.
Aujourd’hui le Premier ministre canadien Trudeau est devenu la bête noire de Modi parce qu’il tolère les indépendantistes sikhs du Khalistan. Relativement à l’islam, il est toujours pénible de voir une étudiante portant le niqab intégral recevoir son diplôme dans une université américaine avec des commentaires élogieux relativement à son engagement moral. Et il sont non moins pénibles tous ces versets antijuifs du Coran utilisés en dehors de leur contexte, celui des guerres de Muhammad, et auxquels on confère la pérennité de la vérité éternelle, sous peine d’apostasie. Encore des provocateurs. Mais le Prince Saoudien Mohammed Ben Salman n’en est pourtant pas un. Néanmoins il a refusé de s’incliner sur la tombe de Gandhi ou d’y placer des fleurs pour des raisons qu’on devine aisément. Dans ce cas, pourquoi a-t-il fallu qu’il y aille? Et plus encore pourquoi a-t-il accepté d’engager son pays dans la nouvelle alliance économique avec l’Inde et Israël?
Une caisse de résonance pour façonner l’opinion
Évidemment, il se dégage de tout ceci que Twitter est une formidable caisse de résonance pour façonner l’opinion publique, surveillée par les services secrets et travaillée par la propagande de nombreux Etats ainsi que les inévitables provocateurs. Son propriétaire Elon Musk a été accusé d’y donner la parole aux antisémites, à la Goyim Défense League, le pendant de la Jewish Defense League, cette organisation inquisitoriale qui intente des procès à ceux qui ne lui reviennent pas. Lui s’en est défendu en invoquant le respect de la liberté d’expression. Maintenant ce sont les Ukrainiens qui prétendent qu’il leur a refusé l’accès d’un de ses satellites, empêchant ainsi une opération militaire majeure contre la Russie, choix qu’il a justifié par l’absence de guerre entre l’Amérique et la Russie.
Il est douteux que le propriétaire de Twitter fasse aujourd’hui le poids devant les exigences du Premier ministre israélien d’éradiquer de la plateforme tous les contestataires de la vérité sioniste ou de celle de leurs amis. Néanmoins leur entretien sera sans aucun doute décisif pour l’avenir de la liberté d’expression dans le monde.
* Médecin de libre pratique.
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