L’heure aujourd’hui est à la criminalisation de la normalisation des relations avec Israël. Pourtant, le courage politique inconnu des populistes parmi nous dicte de normaliser pour espérer rétablir les Palestiniens dans leurs droits et préparer l’avènement d’un Etat palestinien indépendant.
Par Faik Henablia *
Et pourtant elle tourne, aurait dit Galilée, forcé par l’église d’abjurer sa théorie selon laquelle c’est bien la terre qui tourne autour du soleil.
Face au déferlement des passions, suscitées, à juste titre par les atrocités commises en ce moment au Proche-Orient et relayées par les médias du monde entier, une solution pacifique semble plus que jamais éloignée, tant il est vrai que les intransigeants prennent le pas sur les modérés.
Peu importe, l’effet dévastateur de leur attitude sur la cause qu’ils prétendent défendre, peu importent les conséquences tragiques sur le pauvre peuple palestinien qui n’en peut mais…
Le plus cocasse est que certains s’obstinent dans ces discours enflammés ne laissant de choix qu’entre la victoire et le martyre, martyre jusqu’au dernier Palestinien s’entend.
N’ont-ils pas retenu les leçons des funestes années 60 vers lesquelles nous semblons retourner?
Criminaliser la normalisation, qu’ils disent, oubliant que si leurs aides faméliques sont bien parvenues à Gaza, c’est précisément parce que l’Egypte avait «normalisé».
Hypocrisie quand tu nous tiens!
Et pourtant, pourquoi ne pas s’accorder le temps de la réflexion dans ce brouhaha électrisé?
Ceci s’adresse à ceux qui croient toujours, malgré tout, à la solution des deux États tant il est vrai que cette solution implique, par définition, une normalisation assortie, cependant, d’un bémol, à savoir qu’elle aurait lieu consécutivement au rétablissement des Palestiniens dans leurs droits; normalisation ex post, en somme.
Cette attitude, en apparence modérée, est en réalité tout aussi improductive que celle des jusqu’au-boutistes car elle favorise le maintien du statu quo actuel dont profite Israël pour poursuivre ses annexions.
Dans ce même souci de réalisme qui faisait craindre Bourguiba à Golda Meir, il est permis de se demander si, à l’instar de pays tels que la Maroc, il ne faudrait pas que cette normalisation précède le rétablissement de Palestiniens dans leurs droits, bref une normalisation ex ante qui ne signifierait nullement l’abandon de la cause palestinienne, mais l’exploration d’une autre voie pour la faire avancer. Elle aurait le mérite de montrer à Israël les avantages qu’il pourrait tirer d’une solution juste du problème.
Beaucoup doutent de l’efficacité d’une telle stratégie. Le fait est, cependant, que nous ne disposons pas de suffisamment de recul pour en apprécier les résultats. Les 75 ans de stratégie opposée ne laissent, en revanche, aucun doute sur leur inefficacité, voire leur dangerosité.
Cette voie va indiscutablement à l’encontre des vues de la quasi-totalité de la rue arabe, de même que l’établissement du Code du Statut Personnel s’était fait en 1956 contre l’opinion tunisienne d’alors. On se souviendra également que Bourguiba s’était, dans les années 40 du siècle dernier, rangé du côté des alliés, alors que l’opinion tunisienne était favorable aux forces de l’Axe.
Plus proche de nous encore, Bourguiba s’était fait huer et insulter suite à son discours de Jéricho, en 1965.
Les rendez-vous avec l’histoire, supposent un courage politique inconnu des populistes actuels en charge et l’heure est plutôt à la criminalisation de la normalisation.
Et pourtant, il faut normaliser. . .
* Docteur d’Etat en droit. Ex-gérant de portefeuille associé.
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