En dépit de l’insoutenabilité des images et des récits en provenance de Gaza, il serait judicieux de penser à un scénario de sortie de crise en résistant à la tentation de la haine et de l’exclusion : juifs et arabes peuvent continuer à coexister comme ils l’ont toujours fait jusqu’à 1948, date de la création de l’Etat d’Israël. (Photo tirée du film documentaire »Juifs et Musulmans, si loin si proches », 2013).
Par Elyes Kasri *
En dépit des images et récits atroces du pilonnage israélien de la population de Gaza, Michel Boujenah, humoriste français d’origine tunisienne, traditionnellement un fervent tunisophile, a fait des déclarations malheureuses dont il assume la responsabilité morale.
Conséquemment, certaines voix en Tunisie, minoritaires fort heureusement, ont commencé à poser des questions sur ce que pensent les juifs tunisiens des événements tragiques de Gaza en espérant obtenir de leur part une critique de la politique israélienne ou une position pro-palestinienne.
A mon humble avis, il serait prudent d’éviter de s’ériger en police de la conscience et de se mettre à poser des questions susceptibles de stigmatiser des concitoyens et d’enflammer une atmosphère déjà suffisamment lourde.
Des ambassadeurs de tolérance et de coexistence harmonieuse
Nos concitoyens de confession juive qui ont fait preuve d’attachement à leur pays d’origine en refusant de succomber au chant des sirènes pour s’installer en Palestine occupée ou ailleurs alors que près de la moitié du peuple tunisien rêve d’émigrer ailleurs, sont les meilleurs ambassadeurs de la tolérance et du respect des musulmans pour les gens du livre qui a toujours prévalu en Tunisie et dans les autres pays arabes et musulmans.
Il faut bien garder à l’esprit que s’il y aura un jour une relance sérieuse du processus de paix, et j’ose penser que c’est inéluctable, en vue d’une coexistence harmonieuse et équitable entre juifs et arabes au Moyen Orient, le témoignage des juifs installés depuis l’antiquité dans les pays qui sont devenus au fil du temps de confession musulmane ou après la Reconquista de la Péninsule ibérique, sera un facteur non négligeable d’apaisement des craintes et des appréhensions.
Il importe de surmonter l’émotion du moment quel que soit son bien-fondé car elle risque d’égarer certains d’entre nous et de les pousser au pire.
La véritable bataille est contre la haine
En dépit de l’insoutenabilité des images et des récits en provenance de Gaza, il serait judicieux de penser à un scénario de sortie de crise en résistant à la tentation de la haine et de l’exclusion. Le grand défi sera de penser plutôt à l’histoire commune et à un avenir pacifique et prospère pour les enfants de toutes les confessions.
La véritable bataille à laquelle se trouve confrontée notre région est contre la haine, l’orgueil personnel et racial, la rancœur et l’instinct de vengeance et de domination.
* Ancien ambassadeur.
Donnez votre avis