Dans le communiqué ci-dessous des associations tunisiennes et italiennes dénoncent les abus dont sont victimes les migrant.e.s tunisien.ne.s dans les centres de rétention en Italie et appellent les autorités tunisiennes à protéger leurs ressortissant.es.
Les parcours migratoires des personnes en déplacement sont souvent extrêmement étendus et pleins de obstacles. Aux difficultés du voyage en mer s’ajoutent de nombreux obstacles une fois arrivés dans les pays de destination. Ces dernières années, les États membres de l’Union européennes (UE) ont progressivement intensifié l’utilisation de la détention administrative comme outil de gestion de la migration.
En Italie, les Centres de Permanence pour le Rapatriement (CPR) sont des centres de rétention pour les ressortissant.e.s étranger.e.s arrivés ou séjournant irrégulièrement en Italie, dans le but de les rapatrier le plus rapidement possible vers le pays d’origine ou vers un pays tiers. S’agissant d’une détention administrative, les personnes enfermées ne bénéficient même pas des droits et garanties du système de justice pénale. Il existe actuellement neuf CPR fonctionnels en Italie avec une capacité théorique d’environ 1 000 places.
De nombreuses irrégularités des CPR et violations ont été dénoncées au fil du temps : cellules surpeuplées, insalubrité, absence d’activités récréatives, espaces exigus, mauvaises conditions d’hygiène; manque d’information et de défense, impossibilité pour les détenu.e.s de contacter leurs avocats, absence du certificat d’aptitude à la vie en communauté restreinte (condition incontournable pour la rétention dans les CPR), audiences de validation et de prolongation qui durent en moyenne 5 à 10 minutes. Même l’assistance sanitaire – exceptionnellement confiée à l’organisme gestionnaire du centre et non au système national de santé – a plié l’intervention médicale et pharmacologique aux nécessités de la discipline et de la sécurité des locaux. L’utilisation abusive de psychotropes et de tranquillisants est signalée dans la plupart des CPR; ils sont utilisés pour étourdir et rendre calmes les personnes détenues.
Au fil du temps, afin de réduire les coûts, la gestion des CPR a été confiée à des acteurs privés : d’abord des entreprises et des coopératives, puis des multinationales ont commencé à remporter des contrats pour des millions d’euros de fonds publics italiens avec la logique de l’offre économiquement la plus avantageuse. La minimisation progressive des coûts a contribué à un traitement de plus en plus dégradant des migrant.e.s détenu.e.s.
Alors que la présidence tunisienne renforce ses liens avec l’Union européenne, et avec l’Italie en particulier, le sort des ressortissant.e.s tunisien.ne.s en Italie reste dans l’ombre des discussions nationales et des négociations bilatérales. Ces dernières années, les ressortissant.e.s tunisien.ne.s représentent toujours la principale nationalité retenue dans les CPR italiens, avec environ 9 506 Tunisien.ne.s au cours des quatre dernières années sur un total de 17 767 migrant.e.s, ce qui représente le 53%. Dans le cadre des accords de réadmission, les ressortissant.e.s tunisien.ne.s sont également la principale nationalité à être rapatriée depuis l’Italie, environs 6 758 personnes représentant le 57%.
À la violence et aux violations perpétrées lors de la rétention ainsi qu’aux rapatriements forcés, s’ajoutent des cas de décès. Depuis leur ouverture en Italie, plus de 30 décès ont été enregistrés à l’intérieur de ces structures, tandis que l’incidence des actes d’automutilation est très élevée. Le 28 novembre 2021, Wissem Ben Abdellatif, un jeune homme de 26 ans originaire de Kebili, est décédé après avoir été attaché pendant près de 100 heures dans le service psychiatrique de l’hôpital San Camillo à Rome, suite à son transfert du CPR de Ponte Galeria.
Les organisations signataires :
– rappellent que la liberté de circulation est un droit fondamental, tel que stipulé à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme depuis 1948, dont toute personne doit pouvoir jouir ;
– soulignent que la situation d’irrégularité est exacerbée par une approche sécuritaire limitant l’accès sûr et régulier aux pays et mettent en cause l’ensemble du système de rétention administrative des personnes migrantes en Italie, dont les Tunisien.ne.s, en particulier, sont les principales victimes ;
– exhortent les autorités italiennes à respecter l’ensemble des procédures internationales de protection des personnes migrantes et à garantir les droits des personnes en mouvement sur le territoire italien ;
– font appel aux autorités tunisiennes pour assurer la protection de leurs concitoyen.ne.s à l’étranger ;
– réclament la vérité et la justice pour les personnes migrantes victimes de violences ou décédées dans les centres de rétention en Italie.
Les associations signataires :
EuroMed Rights
Oxfam Tunisie
Intersection Association for Rights and Freedom
Union des Diplômés Chômeurs
Damj Association Tunisienne pour la Justice et L’égalité
Organisation Mondiale Contre la Torture – OMCT
Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie
Association Beity
Aswat Nissa
Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives – FTCR
Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie
ActionAid Italia
A Buon Diritto
LasciateCIEntrare
Med Memoria Mediterranea
Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux – FTDES
Avocats sans Frontières – ASF
Ligue Tunisienne pour la défense des Droits de l’Homme – LTDH
Association Nachaz
Association Tunisienne de Défense des libertés individuelles
Association Tunisienne pour les Droits et les Libertés
Association Citoyenneté et libertés
Association MADA pour la citoyenneté et le développement
No Peace Without Justice – Tunisie
Organisation Contre la Torture en Tunisie
Coalition Tunisienne Contre la Peine de mort
Sentiers Massarib
Danseurs Citoyens Sud
Association pour la Promotion du Droit à la Différence – ADD Association Lina Ben Mhenni
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