Dans un article publié le 26 mars 2024 intitulé «Les nations arabes hésitent à financer l’Agence d’aide de l’Onu vitale pour les Palestiniens», le Wall Street Journal affirme que les pays arabes «s’abstiennent» de financer l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) qui est pourtant très importante pour les opérations humanitaires à Gaza. Où sont passés les fervents soutiens de la cause palestinienne dans la région, ou cette cause n’est-elle qu’un fond de commerce politique qu’ils utilisent pour leur propre compte ?
Par Imed Bahri
Le journal indique dans l’article écrit par Margherita Stancati et Stephen Kalin que «l’avenir de l’agence des Nations Unies est en suspens après l’échec des pays arabes à combler le vide laissé par les États-Unis».
L’article ajoute que le directeur de l’agence, Philip Lazzarini, s’est rendu une semaine après la décision des États-Unis et d’autres pays de geler leurs contributions financières à l’UNRWA fin janvier dans des pays arabes riches dans l’espoir que ces derniers contribueraient à sauver l’agence à un moment où elle était devenue l’agence humanitaire la plus importante à Gaza.
Ses efforts n’ont pas abouti puisqu’il est revenu avec 85 millions de dollars collectés auprès de l’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis pour l’année 2024 soit moins que le financement que l’organisation a perdu lorsque les États-Unis ont gelé son aide en raison des allégations d’Israël de l’implication de 12 employés de l’agence dans l’opération Déluge d’Al-Aqsa le 7 octobre 2023. L’année dernière, les États-Unis ont fourni 422 millions de dollars à l’agence.
Le montant que Lazzarini a pu obtenir est suffisant pour financer les dépenses de l’agence jusqu’au mois de mai et sans nouveau soutien, l’agence pourrait être contrainte de réduire ses activités humanitaires à Gaza qui consistent notamment à nourrir et à fournir un abri à plus d’un million de personnes.
Lazzarini a déclaré précédemment que les contributions arabes et d’autres donateurs ont aidé l’UNRWA à aider les Palestiniens tout en nuançant: «Mais dans quelle mesure? Nous travaillons au jour le jour et sans financement supplémentaire, nous nous retrouverons dans une situation inconnue.»
Une population déplacée au bord de la famine
La majorité de la population de Gaza -soit 2,3 millions de personnes- souffre de déplacements, d’être sans abri, sans eau potable, sans soins médicaux et au bord de la famine ce qui a convaincu des pays comme l’Australie, la Finlande, la Suède et le Canada de reprendre leur aide ces dernières semaines.
Les États-Unis quant eux ne reprendront pas de sitôt leur financement de l’UNRWA car le programme de dépenses approuvé par le Congrès ratifié par le président Joe Biden et devenu une loi comprend une clause qui empêche l’UNRWA de recevoir le soutien américain jusqu’en mars 2025. Des dispositions d’une grande sévérité et injustice et aux conséquences désastreuses bien que les renseignements américains ont considéré que les allégations israéliennes concernant l’UNRWA sont infondés. Et la situation pourrait davantage se compliquer à l’issue des élections présidentielles américaines qui vont avoir lieu au mois de novembre de cette année. Si le candidat républicain Donald Trump remporte les élections, il est peu probable que le financement reprenne. Son administration a réduit le financement en 2018 de l’agence onusienne affirmant que son modèle économique était irréparable.
La porte-parole de l’UNRWA Tamara Al-Rifai a déclaré: «Rien ne peut combler le vide qui restera si les États-Unis décident de ne pas reprendre leur financement», ajoutant: «Ces mesures d’urgence nous aident à faire face aux besoins immédiats et nous devons avoir une longue période de temps de dialogue à long terme sur la durabilité de l’UNRWA.»
Sans le financement de l’UNRWA, les Nations Unies pourraient être contraintes de reconsidérer les pouvoirs de l’agence.
Cette année, les États-Unis ont fourni 71 millions de dollars à l’UNRWA avant d’arrêter le financement selon un responsable du Département d’État américain. Les États-Unis versent généralement leur contribution en trois versements ce qui signifie que l’impact de la réduction de l’aide n’apparaîtra que dans les mois à venir. Quant à l’Allemagne qui est le deuxième pays donateur à l’UNRWA, elle n’a apporté aucune contribution cette année.
Arabie saoudite : 400 M$ à l’Ukraine, 40 M$ à la Palestine
L’Arabie saoudite a annoncé l’allocation de 40 millions de dollars à l’UNRWA ce qui constitue le don le plus important depuis les allégations israéliennes à l’encontre de l’agence onusienne néanmoins un chiffre dérisoire par rapport aux 400 millions de dollars que le Royaume a promis à l’Ukraine en 2022. Les Émirats arabes unis ont rapidement transféré 20 millions de dollars au fonds de l’UNRWA comme ils l’avaient promis l’année dernière cependant ces fonds n’ont pas été envoyés. Les Émirats ont fourni le montant à condition qu’il ne soit pas annoncé comme une nouvelle aide. Le Qatar a promis 25 millions de dollars. Quant au Koweït, il n’a encore promis aucun montant.
À l’heure où les États-Unis et d’autres pays occidentaux continuent de couper les vivres à l’UNRWA et où des pays arabes qui ne manquent pas de moyens traînent les pieds pour financer l’agence onusienne, tous ces pays ont opté pour le largage des aides humanitaires par voie aérienne qu’ils considèrent comme la panacée alors que les largages aériens sont très coûteux tout en étant inefficaces, insuffisants et dangereux pour leurs destinataires en l’occurrence les populations civiles palestiniennes.
Mardi 26 mars 2024, le bureau médiatique du gouvernement de la bande de Gaza a annoncé que 18 Palestiniens avaient été tués à cause des largages ratés d’aide humanitaire depuis des avions. Le bureau a déclaré dans un communiqué: «Au cours des dernières heures, 18 civils palestiniens sont tombés en martyrs à cause des opérations de largage ratées depuis les avions, 12 parmi eux se sont noyés dans la mer au large du nord de la bande de Gaza et 6 à la suite d’une bousculade pour obtenir de l’aide.» Le communiqué ajoute: «Les largages aériens d’aides constituent un danger réel pour la vie des citoyens affamés. Nous avons toujours averti tous les pays qui effectuent des parachutages d’aide du danger que représentent ces opérations». Selon le communiqué, «une partie de cette aide est jetée à la mer tandis qu’une autre partie est jetée dans les territoires palestiniens occupés et une autre partie est déversée dans des zones dangereuses ce qui expose la vie des citoyens affamés à un grave danger».
Par conséquent, le bureau médiatique a appelé à «mettre fin aux opérations de fourniture d’aide de cette manière offensive, ratée, inappropriée et inutile» et a demandé «l’ouverture immédiate et rapide des points de passage terrestres afin d’acheminer l’aide humanitaire vers notre peuple palestinien qui souffre de la faim et de graves pénuries alimentaires pour le sixième mois consécutif».
Donnez votre avis