Les autres nous piquent nos compétences, ou c’est nous qui ne savons pas les retenir ?  

Parler de l’impact négatif de la fuite des cerveaux sur les carences de gestion observées en Tunisie depuis quelques années est une chose, et trouver des solutions efficaces et durables à ce fléau en est une autre. Les paroles ne suffisent pas, quand ce sont des actes forts qui sont nécessaires. Et dans l’urgence.

Imed Bahri

En rencontrant, hier, vendredi 5 juillet 2024 à Carthage, le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar, le président de la République, Kaïs Saïed a, une nouvelle fois, souligné «l’attachement de la Tunisie à sa souveraineté nationale et son rejet de toute ingérence étrangère dans ses choix.»

Evoquant les préparatifs pour l’organisation du traditionnel Forum national des compétences tunisiennes à l’étranger, le chef de l’Etat a déclaré : «La Tunisie regorge de compétences, dont la valeur est inestimable, qui suscitent les convoitises des pays développés. C’est la Tunisie qui prête à ces pays et non le contraire», a-t-il ajouté. Mais face à la fuite à l’étranger des meilleures compétences tunisiennes dans les domaines les plus pointus, comme la médecine ou la technologie, le chef de l’Etat ne nous dit pas quelle politique notre pays entend mettre en route pour essayer de retenir ses meilleures compétences afin qu’elles l’aident à sortir du sous-développement.

Cessons d’imputer nos torts aux autres !

On ne peut en effet continuer à nous défausser sur les autres et à leur imputer la responsabilité de nos défauts et de nos défaillances. On ne peut également reprocher aux pays développés de nous prendre nos compétences si nous sommes dans l’incapacité de les retenir au pays, de leur garantir une carrière décente et d’assurer leur avenir et celui de leurs enfants.

Dans une étude intitulée «Fuite des cerveaux des ingénieurs en Tunisie : causes, conséquences et propositions de politique économique», publiée début juillet courant, l’Institut tunisien d’études stratégiques (Ites) a attiré l’attention sur le taux de migration alarmant parmi les ingénieurs tunisiens qui a de graves conséquences sur le développement économique et social ainsi que sur la capacité du pays à gérer ses transitions énergétiques, numériques et écologiques, à assurer la durabilité du modèle économique et à améliorer sa compétitivité internationale.

Le rapport souligne que la migration des ingénieurs tunisiens constitue une menace considérable pour la croissance, avec près de 3 000 personnes qui quittent le pays chaque année. Ce nombre a culminé en 2022, atteignant 6 500, ajoute le rapport, en citant des statistiques fournies par l’Ordre des ingénieurs tunisien (OIT).

Par où et par quoi commencer ?

L’Ites identifie, par ailleurs, les actions prioritaires pour la rétention des ingénieurs et la prévention de la fuite des cerveaux. Celles-ci méritent d’être mises en œuvre rapidement. Car la perte sèche d’expertise est en train de prendre une telle ampleur dans notre pays qu’elle semble être l’une des principales causes de l’incapacité que montre l’administration publique, vidée de ses meilleurs éléments, à trouver des solutions aux problèmes quotidiens dans pratiquement tous les domaines.

C’est peut- être par là qu’il faut commencer afin qu’il y ait de bon médecins spécialistes dans nos hôpitaux régionaux, que les équipements tombés en panne dans nos sociétés de transport soient très rapidement réparés et remis en état et que les fuites d’eau dans le réseau de la Sonede soient identifiées et réparées dans les meilleurs délais. Pour cela, on a besoin de bons ingénieurs et d’excellents techniciens, et non de bureaucrates endurcis qui se soucient davantage de la qualité de la climatisation de leur bureau que de la solution des problèmes quotidiens des citoyens. Des bureaucrates qui parlent, mais qui ne font pas grand-chose, comme on en trouve à la pelle dans notre chère administration publique.

  

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