Vengeance d’outre-tombe: Qassem Soleimani hante Israël

Qassem Soleimani, le général qui dirigeait les Forces Al-Qods qui a constitué et formé les groupes militaires de l’axe pro-iranien dans le Moyen-Orient surnommé l’Axe de la Résistance et qui a été tué sur ordre de Donald Trump le 3 janvier 2020, n’est plus de ce monde mais les maillons de la chaîne qu’il a constituée lui ont survécu et sa stratégie de Ceinture de feu autour d’Israël porte ses fruits et épuise l’armée israélienne d’après l’analyse du général israélien Giora Eiland. 

Imed Bahri

Il y a dix ans a eu lieu l’offensive israélienne sur Gaza, opération surnommée par les Israéliens «Bordure protectrice» qui était fortement meurtrière coûtant la vie à plus de 2000 Palestiniens et dirigée à l’époque aussi par le génocidaire Benjamin Netanyahu.

Dans une tribune publiée dans le journal israélien de droite Yediot Aharonot, le major général à la retraite et ancien président du conseil de sécurité israélien Giora Eiland écrit: «L’opération ‘‘Bordure protectrice’’ a duré deux mois (8 juillet – 26 août 2014, Ndlr) au cours desquels 68 soldats et 6 civils israéliens ont été tués. Selon les normes de l’époque, l’offensive était considérée comme particulièrement longue et le prix à payer en morts était considéré comme élevé. La guerre à Gaza est aujourd’hui plus grave et plus douloureuse. Même si cela se situe entre les deux protagonistes et dans la même région, il est utile de comprendre les changements dramatiques survenus au cours de la dernière décennie et qui affecteront également la décennie suivante.»

«Ceinture de feu» autour d’Israël

Le point de départ du «changement stratégique négatif» pour les Israéliens est le plan élaboré par Qassem Soleimani, le commandant de la Force Al-Qods iranienne (une unité d’élite du Corps des Gardiens de la révolution islamique) il y a environ dix ans. Il a appelé son plan «Ceinture de feu» autour d’Israël et il comporte cinq dimensions: 1- créer une menace contre Israël de la part des milices pro-iraniennes en Syrie, en Irak et au Yémen; 2- doter ces milices d’armes iraniennes très avancées notamment des missiles de précision à large portée, des drones, des hélicoptères et des missiles antichars et antiaériens avancés; 3- établir une force commando composée de milliers de combattants entraînés et déployés près des frontières israéliennes au Liban et à Gaza en ayant un œil également sur le plateau du Golan; 4- apporter le plein soutien iranien y compris la volonté de participer directement au conflit avec Israël; 5- renforcer la capacité iranienne de coordination et de timing entre toutes les forces. Du point de vue de l’Iran, ce cinquième élément est ce qui permettra de réaliser la vision de l’anéantissement d’Israël.

Giora Eiland constate en se lamentant: «Il est décevant de savoir que les services de renseignements israéliens ont correctement diagnostiqué les éléments de la vision iranienne et ont même su en faire part publiquement en mars 2023 mais n’ont pas pris soin de se préparer correctement.

Celui qui a identifié d’autres éléments inquiétants depuis le début de l’année 2023 était le chef de la division de planification de l’époque le général de réserve Yaakov Benjo, accompagné de deux de ses officiers : Nir Yanai et Yonatan Nabo. Dans un article qu’ils ont publié dans Maarakhot, ils ont souligné la fin de l’âge d’or au cours duquel Israël jouissait d’une capacité limitée à gérer les confrontations avec l’hégémonie américaine.

Détérioration de la position stratégique d’Israël

Eiland poursuit: «Ce que nous n’avions pas compris à la veille de l’attaque du 7 octobre et nous devrions le comprendre et l’assimiler maintenant, c’est la détérioration de la position stratégique d’Israël et le renforcement de la position de l’Iran du fait de l’axe avec la Russie et la Chine. L’ennemi iranien a réussi à combler une grande partie du retard technologique que nous avions et, en plus de cela, il est prêt à entraîner Israël dans une longue guerre d’usure dans plusieurs domaines.»

Eiland estime dans son analyse qu’aujourd’hui encore et après neuf mois de guerre, les dirigeants israéliens n’ont pas encore compris le dangereux mélange que représente la poursuite de la guerre à Gaza jusqu’à la «victoire absolue», la poursuite de la guerre d’usure au nord (qui ne s’arrêtera pas tant que les combats à Gaza se poursuivent) et la politique suivie en Cisjordanie (qu’ils appellent comme tous les suprémacistes sionistes Judée Samarie) qui pousse vers une Intifada en retenant l’argent de l’Autorité palestinienne et en harcelant les Palestiniens, ainsi que la détérioration de la situation internationale d’Israël avec un avenir économique dangereux et une crise des relations militaro-sociales principalement autour de la loi sur la conscription (polémique autour de l’obligation des ultraorthodoxe à servir dans l’armée).

Dans cet état des choses, selon lui, il est légitime d’aspirer à la fin de la guerre à Gaza qui est une condition nécessaire pour améliorer tous les autres aspects. Il explique: «Cela est justifié avant tout en raison de la nécessité urgente d’un accord pour libérer les otages mais pas seulement. D’un point de vue militaire, le Hamas a été assez durement touché et si nous savions comment l’isoler politiquement et financièrement, il ne sera pas en mesure de reconstruire sa force menacée. Même si cela se produit, après le retour des otages, nous pourrons rendre la situation encore plus douloureuse.»

Eiland considère que la différence en 2014 et 2024 c’est qu’aujourd’hui Israël est en conflit contre ce qu’il appelle «l’empire iranien» et que poursuivre les conflits c’est s’épuiser et ne plus avoir la force nécessaire pour contrer l’Iran. Il écrit: «Nous devons comprendre que contrairement à l’opération ‘‘Bordure Protectrice’’ de 2014, nous avons un autre round contre une organisation terroriste et même une lutte de défi existentiel contre un empire iranien qui a en partie réussi à créer un cercle de feu autour de nous. Nous ne pourrons pas faire face à cette menace au cours de la prochaine décennie si nous poursuivons la guerre d’usure au sud et au nord, si nous épuisons nos capacités économiques et si nous ne savons pas comment restaurer l’armée, notre situation internationale et la crise interne.»

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