La folie colonialiste israélienne s’abat sur la Cisjordanie

Considérée dans l’idéologie colonialiste et suprémaciste sioniste comme le cœur d’Israël et surnommée la Judée-Samarie, la Cisjordanie est la proie d’un déchaînement de violence et de terrorisme des colons israéliens désinhibés par la complicité du gouvernement d’extrême droite depuis son avènement au pouvoir en janvier 2023 mais surtout depuis octobre 2023. Alors que les regards sont rivés sur Gaza, la folie colonialiste s’abat sur la Cisjordanie. Le poids des colons a également considérablement augmenté au sein de l’armée israélienne.  Selon le magazine britannique The Economist, les colons juifs ont obtenu des gains sans précédent avec la guerre à Gaza. Ils contrôlent le territoire et exercent une influence sur l’armée, la police et la politique. 

Imed Bahri

«En conduisant votre voiture le long de la 60e rue qui traverse la Cisjordanie du nord au sud, votre voyage ressemble à un voyage le long de l’artère de l’immobilier. Elle est décorée de panneaux écrits en hébreu: ‘‘Les deux derniers appartements à Mitzpe Levona’’, ‘‘Votre prochaine maison est Ofra’’ et un autre promettant que ‘‘Votre herbe sera verte’’ et que vous la verrez depuis une villa à Tzvim. Ce sont des temps prospères pour les colons en Israël qui gagnent des terres, une influence militaire et un pouvoir politique», annonce d’emblée l’enquête du magazine britannique, ajoutant que la guerre contre Gaza a «enhardis» les colons qui se croient désormais les maîtres à bord.

Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu s’appuie sur les partis soutenus par les colons pour former une coalition au Parlement ce qui lui confère une large influence sur la gestion du conflit et un veto sur le cessez-le-feu. Dans le même temps, la guerre a accru l’influence grandissante des colons sur l’armée et leur a fourni un prétexte pour confisquer des terres en Cisjordanie.

Un haut responsable gouvernemental avoue avec forfanterie: «Alors que tout le monde était occupé l’année dernière avec des manifestations contre les réformes judiciaires et maintenant contre la guerre, nous avons fait des choses sans précédent pour les colonies.»

«C’est comme un miracle», se permet de dire Orit Strook, la ministre en charge des colonies et membre du Parti sioniste religieux. «J’ai l’impression que quelqu’un attendait au feu de circulation et que les feux verts se sont allumés», a-t-il ajouté s’adressant aux colons dans un avant-poste au sud d’Hébron, l’une des nombreuses colonies que le gouvernement a décidé d’agrandir en juin. Les nouvelles colonies comprendront 5 295 maisons sur plus de 2 965 acres. Depuis 2022, le gouvernement a «légalisé» la planification dans les avant-postes d’implantation qui n’étaient pas reconnus.

Peace Now, une organisation non gouvernementale israélienne qui surveille la construction de colonies, considère qu’il s’agissait de la plus grande confiscation de terres en Cisjordanie depuis la signature des accords d’Oslo entre Israël et les Palestiniens en 1993.

Le magazine britannique rappelle qu’il existe un consensus parmi les experts du droit international selon que toutes les colonies en Cisjordanie sont illégales en vertu de la Quatrième Convention de Genève qui interdit aux pays de transférer des résidents vers les territoires occupés ce que la Cour internationale de Justice a confirmé en juillet dernier.

Cependant Israël ne partage pas cette opinion et se permet d’affirmer que le statut de la terre est «contesté» et qu’elle comprend en tout cas des communautés juives vieilles de plusieurs milliers d’années. Ce qui est entièrement faux. Aujourd’hui, environ un demi-million de colons occupent certaines parties de la Cisjordanie. 200 000 autres colons vivent dans les quartiers de Jérusalem, à l’est des frontières de 1967, officiellement annexées par Israël.

The Economist ajoute que certaines de ces colonies ont été établies et construites avec les encouragements des gouvernements de l’époque.

Il existe d’autres colonies qui ont été établies pour défier les gouvernements et les hommes politiques et nous ne devons pas ignorer la position du gouvernement actuel rappelle le magazine britannique. En plus du ministère de Strooke qui transfère les financements gouvernementaux vers les colonies, le chef de son parti, Bezalel Smotrich, un colon, est le ministre des Finances d’Israël et est responsable d’une grande partie de l’administration non militaire de la Cisjordanie au sein du ministère de la Défense.

Le magazine britannique affirme que tous les colons de Cisjordanie ne sont pas des extrémistes religieux qui voient que vivre en Cisjordanie fait partie d’une mission sacrée consistant à occuper l’ancienne terre biblique mais qu’ils agissent pour des raisons pécuniaires. Certains juifs laïcs et orthodoxes ont bénéficié des bas prix des logements et ont construit dans les frontières de 1967.

Tout est fait pour empêcher la création d’un État palestinien

Dans tous les plans visant à un règlement basé sur la solution à deux États, les colonies israéliennes resteront partie intégrante d’Israël mais les avant-postes de colonies établis au plus profond de la Cisjordanie dont les membres attaquent les habitants des villages palestiniens sont entièrement religieux. Ceux qui y résident croient que «leur mission sacrée» est d’empêcher la création d’un État palestinien en ce qu’ils appellent la Terre Sainte. La «mission» est devenue de plus en plus violente.

Depuis l’opération Déluge d’Al-Aqsa le 7 octobre 2023, la violence des colons en Cisjordanie a considérablement augmenté.  Le 26 août, des colons armés ont attaqué un petit village palestinien au sud de Bethléem tuant un Palestinien de 40 ans et en blessant trois autres.

Le 15 août, des colons armés ont attaqué le village palestinien de Jit incendiant des maisons et des voitures et tuant un homme de 22 ans. Mais les résidents locaux ont déclaré que des soldats israéliens étaient présents lors de l’attaque et ont laissé faire.

Selon les Nations Unies, c’est la onzième fois qu’un Palestinien est tué par des colons depuis le début de la guerre à Gaza en octobre. La violence croissante commise par les colons a contraint les Palestiniens à fuir un certain nombre de petits villages situés dans des zones reculées de Cisjordanie. Selon les autorités israéliennes, seul un certain nombre de colons participant à ces actes de violence ont été arrêtés. Et aussitôt relâchés.

Les Occidentaux pourront continuer à glapir

Depuis la nomination d’Itamar Ben Gvir, chef du parti Pouvoir juif, au poste de ministre de la Défense, la police israélienne est devenue réticente à mener des enquêtes sur les violences commises par les colons. C’est pourquoi l’Agence israélienne de sécurité intérieure (Shin Bet) a été chargée d’enquêter sur cette affaire de meurtre de Git. Les forces de l’ordre et les agences de sécurité israéliennes travaillent dans deux directions opposées, s’il ne s’agit pas d’une distribution de rôles visant le même objectif : «légaliser» l’occupation de fait de plus en plus de territoires palestiniens, afin de réaliser le rêve sioniste d’un grand Etat juif.

La police est sous le contrôle de Ben Gvir, et dans le même temps, le Shin Bet consacre des ressources importantes à prévenir ce que son directeur Ronen Bar a appelé le «terrorisme juif» comme il l’a expliqué dans une récente lettre à Netanyahu et au reste des ministres du gouvernement.

Les procureurs israéliens n’ont pas fait preuve non plus de sérieux dans leurs enquêtes sur les attaques contre les Palestiniens même si le gouvernement s’inquiète du fait que ses alliés occidentaux imposent des sanctions contre les colons. Une menace visiblement destinée rester lettre morte.

Les généraux israéliens ont manifesté leur inquiétude. En juillet, le général Yehuda Fuchs, qui a démissionné de son poste de commandant du commandement central de Tsahal et de facto gouverneur militaire de la Cisjordanie, a prononcé un discours dans lequel il a accusé les colons de permettre à une minorité de s’engager dans des activités criminelles extrémistes nationalistes. Il a déclaré que sous couvert de guerre et de désir de vengeance, ils terrorisent des civils palestiniens qui ne représentaient aucune menace.

Les soldats prennent part aux violences contre les civils palestiniens  

Au milieu de ces avertissements, de nombreux soldats ont pris part à ces violences en portant des uniformes militaires et en utilisant les armes distribuées par l’État. Certains le font pendant leurs vacances mais de nombreux colons servent dans les brigades de «Défense territoriale», basées en Cisjordanie, et ont été observés en train de participer à des attaques contre des Palestiniens.

Le magazine britannique affirme que les colons sont devenus une partie importante de l’armée israélienne. À l’Académie Benny David qui est la première académie militaire préparatoire créée dans la colonie d’Eli en 1988 et qui dispense une formation militaire et religieuse, des milliers d’étudiants ont rejoint l’armée israélienne et un certain nombre de ses diplômés ont travaillé comme conseillers militaires de Benjamin Netanyahu.

Les colons de Cisjordanie ne représentent que 5% de la population israélienne mais ils sont largement représentés dans les unités de combat de l’armée israélienne et gravissent progressivement les échelons. Le nouveau général du commandement central a vécu enfant dans une colonie et a étudié à l’Académie Eli. En tant qu’officier de l’armée, Ron Schapsberg a retracé l’emprise des sionistes religieux sur l’armée et a déclaré: «Ils sont bien éduqués, motivés par l’idéologie et la force mentale et planifient une révolution tranquille.»

The Econmist estime que les colons sont en train de changer le caractère laïc de l’une des armées les plus puissantes du Moyen-Orient. Cela peut être vu dans la guerre à Gaza où de nombreuses unités prient avant de partir au combat et où les soldats décorent leurs uniformes de combat avec des slogans représentant l’ancien temple juif de Jérusalem ou le terme «Sauveur».