Benjamin Netanyahu se cassera les dents au Liban comme à Gaza

Bombarder, pilonner, détruire et tuer sont les maîtres mots de la méthode du très belliqueux et obstiné Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui continue de croire qu’avec la force, il peut écraser le Hamas et le Hezbollah. De leur côté, les observateurs et les analystes considèrent que cette méthode de brute est complètement inefficace car la force militaire et les astuces du Mossad à la James Bond restent tentantes et trompeuses mais ne rapporteront que des gains à court terme et ne résoudront aucun problème d’un point de vue stratégique. 

Imed Bahri

La revue britannique Newstatesman a publié une analyse de Rajan Menon et Daniel R. Dipetris dans laquelle ils affirment que ce que «la doctrine de guerre de Netanyahu» échouera au Liban comme cela a été le cas à Gaza. Une guerre sans merci n’apportera pas de succès. Ils écrivent: «Donnez à quelqu’un un marteau et il découvrira que tout ce qu’il rencontre a besoin d’être frappé.» Différentes versions de ce proverbe restent valables pour comprendre de nombreuses décisions humaines notamment celles prises par le Premier ministre israélien à Gaza et au Liban. Sa conviction reste ferme en estimant qu’il est capable de plier le Hamas et le Hezbollah à sa volonté en s’appuyant de plus en plus sur l’énorme machine de guerre israélienne militaire contre ses deux ennemis.

À l’approche de la première année depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le Hamas n’a pas accepté les conditions de cessez-le-feu de Netanyahu qui comprenaient une présence israélienne permanente dans l’axe de Philadelphie à la frontière sud de Gaza avec l’Égypte et des points de contrôle sur l’axe de Netzarim, qui coupe la bande de Gaza en deux. Quelle que soit la force militaire utilisée par Netanyahu, le Hamas continue de rejeter fermement ces conditions.

L’objectif plus large du Premier ministre israélien, la destruction complète du Hamas, reste encore plus bizarre comme le reconnaissent même les hauts responsables de l’armée et des renseignements israéliens. Cependant, Netanyahu continue de frapper avec son marteau.

Ce qui a commencé comme des représailles contre le Hamas après l’opération Déluge d’Al-Aqsa le 7 octobre s’est transformé en une punition collective contre l’ensemble de la population de Gaza avec plus de 41 000 personnes tuées. Cela a laissé Israël isolé au niveau international comme le reconnaissent les commentateurs israéliens eux-mêmes. Cela n’a pas d’importance puisque les dirigeants de l’armée israélienne se préparent à une opération terrestre au Liban. Une fois de plus, Netanyahu semble déterminé à miser sur la puissance militaire israélienne estimant que cela écraserait le Hezbollah, sur les plans aussi bien militaire que politique.

Des gains à court terme

Personne ne doute que l’armée israélienne est la plus meurtrière et la plus avancée du Moyen-Orient à une époque où les renseignements israéliens ont révélé leur supériorité à plusieurs reprises, la plus récente étant l’explosion des bipeurs et des talkies-walkies au Liban. Israël maintient également ce que les experts appellent «une  domination de l’escalade» ce qui veut dire qu’il est capable de bombarder le sud du Liban avec une force bien supérieure à celle que le Hezbollah peut imposer au nord d’Israël. Par conséquent, l’armée israélienne nuit au Hezbollah, tue ses dirigeants et frappe quotidiennement un si grand nombre de cibles militaires au Liban qu’il est difficile de déterminer les dégâts qu’elle cause.

Toutefois, New Statesman considère que la force militaire et les astuces du Mossad à la James Bond restent tentantes et trompeuses car Israël souffre du même problème fondamental au Liban qu’à Gaza: une stratégie militaire ne rapportera probablement que des gains à court terme. Benjamin Netanyahu est dans le courtermisme. 

En fait, la comparaison avec Gaza, même si elle n’est pas exacte, est assez claire. Si Gaza est une blessure béante alors la zone frontalière entre le Liban et Israël peut être décrite comme une blessure douloureuse, du moins pour le moment.

Depuis le 8 octobre 2023, le Hezbollah a lancé des missiles et des drones qui ont contraint au moins 60 000 Israéliens à fuir la zone frontalière (de même, plus de 100 000 habitants du sud du Liban ont été déplacés en raison de la campagne aérienne de représailles israélienne). Pour Netanyahu, créer la sécurité qui leur permet de rentrer n’est pas seulement une question de principe (il considère qu’Israël a le même droit à la pleine souveraineté que tout autre pays) mais aussi une nécessité politique.

Une escalade contreproductive  

Cependant, l’escalade des frappes aériennes israéliennes pousserait certainement le Hezbollah à continuer d’utiliser lui aussi son marteau même s’il est plus petit. Ceci, à son tour, rendra impossible le retour des Israéliens déplacés vers le nord et pourrait même accroître le mouvement d’exode à partir de là. De ce fait, la méthode Netanyahu est contre-productive. 

Les opérations de combat dans le sud du Liban surpeuplé entraîneront une augmentation du nombre de victimes car les propos d’Israël sur des attaques précises contre les positions du Hezbollah réparties dans les zones civiles relèvent du fantasme. De nombreux civils mourront dans le sud, même si le parti libanais, comme le Hamas, peut justifier ces victimes comme un prix nécessaire à payer dans une guerre. À mesure que le nombre de morts augmente, l’isolement d’Israël au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde va s’accentuer. Comme lors de la guerre à Gaza, des manifestations massives contre les frappes aériennes israéliennes ont déjà commencé dans le sud du Liban.

La diplomatie reste le moyen le plus efficace pour atteindre les objectifs de Netanyahu mais les négociations indirectes menées par les États-Unis visant à convaincre le Hezbollah de retirer ses forces au nord du fleuve Litani ont échoué en raison de son insistance à lier les attaques de missiles sur le nord d’Israël à l’arrêt de la guerre à Gaza.

Netanyahu, quant à lui, ne reculera pas car il croit en la force de ses desseins. De plus, signer un accord qui laisse le Hamas au pouvoir signifie l’effondrement de son alliance extrémiste ce qui conduit à sa sortie du pouvoir et à faire face aux accusations de corruption dont il fait l’objet ainsi que son épouse.

Actuellement, la solution israélienne au problème du Hezbollah repose sur la coercition et Israël suppose que lui causer de grandes souffrances pousser son chef Hassan Nasrallah à la table des négociations.

Cependant, les souhaits de Netanyahu sont déplacés car il est peu probable que le Hezbollah abandonne le Hamas. Nasrallah a réitéré cette position le 19 septembre lorsqu’il a prononcé un discours au lendemain des attaques des bipeurs et des talkie- walkie et sa  position demeure la même depuis que le groupe chiite libanais a entamé une confrontation avec Israël un jour après l’opération Déluge d’Al-Aqsa du Hamas le 7 octobre 2023. «Si vous voulez le calme le long de la frontière israélo-libanaise, vous devez arrêter la guerre à Gaza et en retirer vos forces», tel est le mantra du Hezbollah. Rien, dans les semaines qui ont suivi, n’a indiqué que la position du Hezbollah était devenue plus flexible puisque le retrait face à la pression militaire israélienne équivalait à l’aveu public de la défaite de Nasrallah.

Si le Hezbollah refuse de capituler et qu’une solution diplomatique semble impossible, Israël n’aura que des options militaires qui ne sont pas du tout de bonnes. Israël pourrait accélérer sa campagne aérienne en frappant à plusieurs reprises les bastions de la direction du Hezbollah à Beyrouth et en étendant ses frappes dans la vallée de la Bekaa. Ces frappes causeront des dégâts importants à l’arsenal de missiles du Hezbollah mais le groupe a une grande expérience pour résister à de telles attaques et rester debout. Qu’il s’agisse de la Accountability operation en 1993 ou de l’opération Grapes of Wrath en 1996, les campagnes aériennes israéliennes contre le Hezbollah n’ont apporté que quelques années de dissuasion. Le Hezbollah s’est reconstruit, avec le soutien de l’Iran, et il le fera encore.

Deux guerres et demie

Pour l’instant, Israël a fait monter les enchères. Même si la stratégie derrière les raids qui ont débuté lundi n’est pas claire, les dirigeants israéliens espèrent éloigner le Hezbollah de la frontière nord et créer une zone tampon comme l’a réclamé un certain nombre de ministres extrémistes. Cependant, comme l’a prévenu il y a quelque temps un général de l’armée israélienne à la retraite dans le journal Haaretz, peut-être avec un brin d’exagération, «le Hezbollah est des centaines de fois plus fort que le Hamas.»

En fait, l’armée israélienne n’est pas suffisamment nombreuse pour contrôler et conserver des territoires sur deux fronts car le nombre des effectifs de ses forces terrestres s’est divisé par rapport à ce qu’il était il y a vingt ans.

En outre, les précédentes actions terrestres contre le Liban n’ont pas abouti. Lors de la première invasion en 1978, Israël a cherché à créer une zone tampon et cette tentative n’a abouti qu’à une mission de maintien de la paix des Nations Unies au sud du Liban qui s’est révélée incapable de maintenir la paix.

Quant à la deuxième tentative, en 1982, elle a conduit à une occupation israélienne qui a duré dix-huit ans. Le processus a échoué et a contribué à l’émergence du Hezbollah. L’occupation n’a pas obtenu de soutien en Israël au point d’inciter le Premier ministre Ehud Barak à y renoncer.

Par conséquent, croire que la troisième invasion produira un résultat différent n’est rien d’autre qu’un fantasme d’autant plus que le Hezbollah a passé les années qui ont suivi la guerre de 2006 entre lui et Israël à construire son arsenal de missiles et à préparer des défenses dans le cas d’une invasion terrestre israélienne qu’envisagent maintenant de hauts responsables militaires israéliens.

La question est de savoir si l’armée israélienne ainsi que la société israélienne sont prêtes pour une nouvelle et longue occupation du Liban? Actuellement, Israël mène une guerre à Gaza qui épuise ses ressources et est confronté à des troubles en Cisjordanie, notamment au renforcement du Hamas, du Jihad islamique et des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa à la lumière de l’escalade de la colère palestinienne dans un contexte sans précédent  de construction de colonies, de confiscation de terres et d’attaques de colons israéliens armés contre les Palestiniens.

Les prochains jours connaîtront de nombreuses spéculations sur le nombre de cibles bombardées par le Hezbollah, sur le nombre de sorties aériennes effectuées par l’armée de l’air israélienne et le nombre de combattants du Hezbollah tués. Il ne fait aucun doute que la poursuite par Israël de sa campagne aérienne causera davantage de dégâts au Hezbollah même si celui-ci a fait ses preuves en matière de résistance aux frappes. Nous ne devons pas oublier les détails et le fait qu’Israël est désormais engagé dans deux guerres et demie en même temps: une guerre à Gaza qui est une guerre qui n’est pas encore terminée, une seconde guerre au Liban où la situation risque d’empirer que ce soit avec une invasion terrestre ou non et ce qui ressemble à une guerre en Cisjordanie.

Tout cela soulève trois questions pour Netanyahu alors qu’il se prépare à accroître la pression sur le Hezbollah. Comment se terminera cette confrontation? Quelle est la définition du succès? Cette définition est-elle raisonnable et réalisable? Alors qu’Israël se bat sur plusieurs fronts, Netanyahu n’a encore répondu à aucune de ces questions.

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