Les chrétiens évangéliques américains (chaque peuple a ses intégristes) jubilent. Leur candidat a gagné. Pour eux, Dieu est derrière la victoire de Donald Trump et la défaite de Kamala Harris qu’ils considèrent comme guidée par «les forces sataniques». Ils estiment que Dieu a sauvé l’Amérique de la destruction et leur a donné une seconde chance.
Imed Bahri
Le journal britannique The Times a publié une enquête où l’auteure, Fiona Hamilton, revient sur la place de la foi et précisément celle des Évangéliques lors de la dernière élection présidentielle américaine. Elle rappelle que Donald Trump, lors de la Convention nationale républicaine à Milwaukee dans le Wisconsin, qui a débuté deux jours seulement après qu’il ait survécu à une tentative d’assassinat, avait levé le poing en signe de victoire. La conférence a été marquée par des discussions sur l’intervention divine en faveur de Trump avant même que ce dernier ne dise aux délégués: «Je ne suis pas censé être ici ce soir, je me tiens devant vous dans cette arène uniquement par la grâce de Dieu Tout-Puissant.»
Ce discours a galvanisé le vote chrétien évangélique avant qui a aidé à sa victoire aux élections et quatre mois plus tard, il émeut toujours Lauren Gleaton, qui a déclaré en essuyant ses larmes: «C’était très puissant! Je ne me souviens pas que Trump ait jamais parlé de Dieu auparavant. Nous pensions que c’était plutôt prophétique. Cela a eu un impact.»
Un mandat quasi-divin
Auparavant, Gleaton, 41 ans, mère de deux enfants et baptiste attachée aux prophéties de la droite chrétienne, ne pensait pas que Trump avait été élu par Dieu pour devenir président à deux reprises. Cela a changé. «Cela ne peut être nié. Il suffit de croire en Dieu et de lui faire confiance», a-t-elle déclaré.
Angela Bean, 68 ans, membre de la First Baptist Church de Peachtree City qui fait partie de la Bible Belt de Géorgie, croit fermement que la réélection de Trump représente un mandat divin ainsi qu’un mandat électoral. Elle explique: «Dieu contrôle tout dans la vie. Il y a des prophètes contemporains qui ont prédit que Trump serait notre président au moment où ce pays avait le plus besoin de lui pour nous sortir de l’obscurité qui l’entoure. Cela a été prouvé. Quand ils prophétisent et que cela se réalise, que faites-vous sinon croire?».
Les chrétiens évangéliques blancs constituent depuis longtemps une base importante pour les dirigeants du Parti républicain mais Trump est le premier à être considéré comme une figure quasi religieuse. Pendant la campagne, des prédicateurs fanatiques motivés par la perspective d’influencer le programme présidentiel de Trump ont présenté sa mission comme juste et ont exhorté leurs partisans à voter pour lui.
Sa rivale, Kamala Harris, a été décrite comme étant guidée par des «forces sataniques» et sous l’influence de «l’esprit de Jézabel», une référence à la méchante reine biblique. Il faut dire que ses positions favorables à l’avortement n’ont guère arrangé son image au regard de ces intégristes religieux.
Trump a exploité l’inquiétude de ces croyants conservateurs quant à l’élargissement des droits des transgenres par les démocrates et a joué sur son «travail historique pour protéger le fœtus», une référence à son rôle dans la nomination des juges de la Cour suprême qui ont voté pour annuler le droit fédéral à l’avortement en 2022.
La stratégie a fonctionné. Selon l’Associated Press, environ huit électeurs chrétiens évangéliques blancs sur dix -soit 20% de l’électorat total- ont voté pour Trump. C’est son socle électoral le plus solide.
La question est maintenant de savoir comment cela affectera son agenda au Bureau Ovale.
Robert Jones, président et fondateur du Public Religion Research Institute, a déclaré que Trump avait réussi à forger une alliance improbable avec des chrétiens conservateurs blancs malgré ses multiples mariages, ses paiements à une star porno et ses accusations d’inconduite sexuelle et d’autres actes répréhensibles.
Jones a déclaré qu’il y avait peut-être peu de preuves que Trump partage leur foi mais cette association étroite façonne inévitablement sa politique.
«Plus largement, son slogan Make America Great Again (Rendre à l’Amérique sa grandeur) avec son mélange de griefs raciaux et de nostalgie d’une époque où les chrétiens blancs constituaient la majorité culturelle et politique incontestée du pays est fait sur mesure pour un groupe qui se considère comme privé de sa place divine en tant que peuple élu en Amérique qu’ils considèrent comme une terre promise pour les chrétiens blancs», a-t-il expliqué.
Vers l’interdiction de l’avortement
Jusqu’à présent, on ne sait pas dans quelle mesure le zèle messianique de Trump pendant la campagne évoluera vers une politique caractérisée par une théologie ultra-conservatrice. Ses promesses de campagne incluent la résistance aux droits des transgenres, les politiques d’immigration restrictives et le droit de prier et de lire la Bible à l’école.
Parmi ses partisans les plus fervents se trouve Lance Wallnau, le célèbre évangéliste qui a affirmé avoir prédit la victoire de Trump des années plus tôt et a déclaré que «cela faisait partie du plan de Dieu visant à inaugurer une nouvelle ère de domination chrétienne dans le monde (sic!)». Dutch Sheets, un apôtre autoproclamé, a salué la victoire de Trump dans le cadre du Troisième Grand Réveil, un réveil religieux qui aurait son origine dans les années 1850.
Jones évoque le Projet 2025, une feuille de route ultra-conservatrice pour la deuxième présidence de Trump. Même si ce dernier s’est distancié du document, celui-ci a été rédigé par des personnes appartenant à son entourage.
Jones pense que Trump est susceptible d’assouplir les restrictions sur la participation des églises aux campagnes politiques, de saper le système d’éducation publique laïque américain et d’éroder les programmes d’action positive entre autres choses. «Il y aura une pression énorme de la part des nationalistes chrétiens pour interdire l’avortement à l’échelle nationale et d’autres restrictions aux droits reproductifs», affirme-t-il.
Après s’être vanté de la décision de 2022 sur l’avortement, Trump a fait marche arrière sur la question et a fait des déclarations contradictoires pendant la campagne, sentant peut-être le potentiel de réactions négatives de la part de sa base électorale féminine plus large. Sa position le jour du scrutin était que la question devait être laissée à chaque État pour déterminer sa politique.
À la First Baptist Church de Peachtree où se trouve une congrégation anti-avortement, l’affaire n’est pas passée inaperçue. Madison Sly, 25 ans, a déclaré que certains chrétiens avaient eu des difficultés à voter pour Trump parce qu’il n’était pas assez dur sur l’avortement. «Ce serait merveilleux si un président était élu qui croit tout ce que dit la Bible et tout ce que je défends en tant que chrétien. Mais en l’absence de cette personne, Trump était la meilleure alternative», a-t-elle ajouté.
De nombreux membres d’Église soutiennent les politiques de Trump visant à réduire les impôts, à stimuler l’économie et à réduire l’immigration mais voient en fin de compte sa réélection comme une intervention de Dieu. Tom Hegan, 73 ans, détective à la retraite, a regardé à plusieurs reprises la vidéo de la fusillade en Pennsylvanie et a déclaré que le brusque tour de tête de Trump signifiant qu’il a été écorché par la balle était «un acte de Dieu». Il espère que Trump continuera à promouvoir des politiques chrétiennes conservatrices et des valeurs morales bibliques. Il ajoute: «J’ai lu la Bible d’un bout à l’autre et elle ne parle pas du fait que les hommes sont des femmes et que les femmes sont des hommes. Dieu a créé le mâle et la femelle. Il n’a rien créé de neutre. Ce n’est pas quelque chose de biblique.»
Joseph Smith, ingénieur en mécanique, a distribué un passage du Deutéronome qui met l’accent sur le choix entre le bien et le mal. Il a fait référence à Harris et à la «foule satanique» qui assistait à ses rassemblements électoraux. Il a déclaré: «Avorter un enfant est un sacrifice humain à Satan. Ceci est décrit dans la Bible. Trump, il est pro-vie. Dieu est dans le pays maintenant. Le résultat de nos élections aurait pu détruire ce pays. Dieu nous a donné une seconde chance.»
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