Le grand problème en Tunisie, c’est qu’il n’existe pas de lois sur le principe de précaution dans la pratique médicale. La justice ne réprime que lorsqu’il y a mort d’homme ou dommage corporel important. Mais les collègues condamnés obtiennent généralement en justice les levées des sanctions ordinales.
Dr Mounir Hanablia *
La dernière déclaration du Conseil national de l’Ordre des médecins a suscité chez les jeunes des réactions où l’angoisse le partage à la nervosité. Selon une habitude solidement ancrée dans ce pays, une catégorie de collègues essaie de mobiliser l’ensemble de la profession, en en suscitant l’émoi, afin de défendre ses intérêts spécifiques.
Il y a quelques années on avait eu les anesthésistes réanimateurs après l’arrestation de l’un de leurs confrères, suite à une erreur médicale. Certains avaient alors exigé la dépénalisation de la pratique médicale, ce qui avait démontré d’abord leur ignorance des réalités.
Un manque à gagner
Maintenant, les agitateurs sont tous ceux qui pratiquent l’échographie dans un but lucratif, hors toute qualification à le faire, c’est-à-dire hors tout cadre légal.
Si les radiologues se sentent légitimement lésés par le manque à gagner qui en résulte, cela ne signifie nullement qu’ils sont eux-mêmes le problème. En Inde, dans un récent documentaire, on a même vu des «faiseurs d’anges» s’acheter des appareils d’échographie. C’est dire que la question mérite d’être soulevée, puisqu’elle peut avoir des conséquences criminelles.
Maintenant, est-ce que des spécialités comme la cardiologie, l’angiologie, ou la gynécologie, sont concernées? Nullement! La formation d’échographiste y fait partie du cursus des spécialités, et sa pratique ne nécessite pas de diplôme spécifique, contrairement à la France par exemple.
Un rappel de principes
Si on examine le fondement légal de cette déclaration du Conseil de l’Ordre, il ne s’agit que d’un simple rappel de principes, afin que la pratique médicale soit conforme aux règles de la déontologie.
A mon avis le grand problème en Tunisie, c’est qu’il n’existe pas de lois sur le principe de précaution dans la pratique médicale. La Justice ne réprime que lorsqu’il y a mort d’homme ou dommage corporel important. Donc il ne faut pas s’attendre à beaucoup de changements, d’autant que les collègues condamnés obtiennent généralement en Justice les levées des sanctions ordinales, une habitude héritée de l’époque où les velléités corporatistes étaient étroitement assujetties aux intérêts du pouvoir politique.
Néanmoins, l’instance ordinale est parfaitement dans son droit et son rôle pour rappeler des règles de déontologie. On attend même qu’elle aborde des problèmes plus sérieux, comme par exemple la latitude laissée aux cardiologues de pratiquer l’angioplastie coronaire dès l’acquisition de leur diplôme alors que leur formation y est nettement insuffisante et que les conséquences en sont bien plus redoutables. Ou bien encore l’invasion de la radiologie interventionnelle par les chirurgiens vasculaires.
Enfin, avant de jeter la pierre à l’ensemble d’une spécialité, il ne faut pas oublier que les installations de radiologie nécessitent un investissement considérable, et que les radiologues depuis l’apparition de l’Intelligence Artificielle, ont le sentiment d’être une profession en sursis et s’inquiètent à juste titre de l’avenir.
* Médecin de libre pratique.
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