L’impôt sur la fortune ne mène pas nécessairement à l’équité fiscale

L’impôt sur la fortune, qui cible une catégorie sociale bien déterminée, ne traduit pas réellement l’équité fiscale, a indiqué le conseiller fiscal, Mohamed Salah Ayari, membre de l’Union arabe des experts en fiscalité, dans un entretien avec l’agence Tap. Pour aboutir à cette équité, il y a lieu de passer d’abord par la répartition de la charge fiscale sur le plus grand nombre de contribuables, ajoute-t-il, sachant qu’un pan entier de l’économie tunisienne, représenté par le marché parallèle, échappe toujours au contrôle des services d’impôt   

L’article 50 du projet de la loi de finances 2026, régissant «l’impôt sur la fortune», vient d’abroger et remplacer les dispositions de l’article 23 du décret-loi n° 2022-79 en date du 22 décembre 2022, portant loi de finances pour l’année 2023.

La nouvelle disposition, qui vise à concrétiser l’équité fiscale, à travers l’élargissement du champ d’application de l’impôt sur la fortune, selon un régime d’impôt progressif, demeure théorique, estime M. Ayari.

Ainsi, d’après l’article 50 susvisé, un impôt sur la fortune des personnes physiques est dû, au 1er janvier de chaque année, y compris les biens immobiliers et mobiliers, revenant en propriété à leurs enfants mineurs à leur charge (les personnes physiques).

L’impôt sur la fortune est calculé au taux de 0,5 % de la fortune, dont la valeur est comprise entre 3 millions de dinars (MD) et 5 MD, et de 1% pour la fortune dont la valeur dépasse 5 MD.

L’article 50 prévoit également l’élargissement du champ d’application de cet impôt, car il n’est plus appliqué uniquement aux biens immobiliers, mais également aux fonds de commerce, aux biens mobiliers acquis sous toutes leurs formes, y compris les fonds déposés dans les banques, les établissements financiers, ainsi que la Poste Tunisienne, en plus des titres de valeurs mobilières et de capitaux mobiliers.

Sont exceptés de l’impôt sur la fortune, la résidence principale du redevable, ainsi que le mobilier qui y est utilisé, les biens immobiliers destinés à un usage professionnel et les fonds de commerce effectivement exploités, ainsi que les véhicules non utilitaires (de tourisme), dont la puissance fiscale ne dépasse pas les 12 chevaux.

«L’impôt sur la fortune, dont l’objectif est d’assurer l’équité fiscale ne traduit pas en réalité cette équité, car pour atteindre cette finalité, il faut d’abord répartir la charge fiscale sur le plus grand nombre de contribuables», a souligné M. Ayari.

L’expert a rappelé, dans ce contexte, que le salarié est soumis à un impôt sur le revenu, retenu à la source, et dont le recouvrement est effectué par un prélèvement assuré par l’employeur.

«De ce fait, le salarié assume son devoir fiscal, par le biais de la retenue à la source, alors que les autres contribuables, exerçant des activités commerciales, non commerciales, artisanales ou de services, exploitent les failles du système pour ne pas payer d’impôts à travers l’évasion fiscale», a expliqué Ayari.

«En 2025, et selon la loi de finances initiale, l’impôt sur le revenu a été estimé à 12,7 milliards de dinars alors que la retenue à la source sur les salaires était de l’ordre de 8,7 milliards de dinars, ce qui fait que l’impôt sur le revenu supporté par les salariés représente près de 70% de l’enveloppe globale», a-t-il précisé. Et d’ajouter, qu’en contrepartie, les autres activités (non commerciales, commerciales, artisanales, de services…) n’assurent que 30 % de cette enveloppe, ce qui n’est pas un signe d’équité fiscale.

Pour assurer la justice fiscale, il faut réduire le phénomène de l’évasion fiscale, à travers l’élargissement du champ d’application de l’impôt et le renforcement du contrôle fiscal, dans le but d’élargir au maximum l’assiette imposable, a recommandé l’expert.

Selon lui, les 2200 agents chargés du contrôle fiscale n’assurent qu’un taux de vérification approfondie de seulement 2,5%, très en deçà de la moyenne internationale variant entre 8% et 10%.

La digitalisation permet d’identifier les fortunes des redevables et de d’augmenter ainsi les ressources fiscales, a préconisé M. Ayari. Lorsque le budget est suffisamment alimenté, nous pouvons réduire les taux d’imposition pour les salariés et les autres catégories à moyen et faible revenu, a-t-il conclu.

D’après Tap.

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