Youssef Chahed a reçu un soutien encourageant du secrétaire américain à la Défense Jim Mattis, lors de son séjour à Washington visant à éviter la réduction de l’aide US à la Tunisie.
Par Jack Detsch *
Youssef Chahed a choisi de faire de sa visite au Pentagone la première étape de son déplacement officiel aux Etats-Unis, soulignant là l’importance des relations tuniso-américaines à un moment où la jeune démocratie est confrontée à la menace terroriste à l’intérieur de ses frontières et aux retombées de l’instabilité en Libye voisine. Le succès du voyage du chef de gouvernement tunisien aux Etats-Unis dépendra, dans très large mesure, de sa capacité à inverser la proposition faite par le nouveau locataire de la Maison Banche de réduire de 82% l’aide militaire américaine à la Tunisie.
Message reçu par le Pentagone
Dans une tribune, publiée le week-end dernier par l’agence United Press International (UPI), M. Chahed a écrit: «Nous souhaitons pouvoir compter sur un soutien régulier de nos partenaires stratégiques aux Etats-Unis. (…) Pour l’Amérique et toutes les nations qui ont intérêt à voir la Tunisie mener à bien son expérience démocratique, parier sur la Tunisie signifie être du bon côté de l’Histoire.»
Mattis semble avoir été réceptif à cet argument. Selon un communiqué sur cette rencontre, le secrétaire à la Défense a salué «le leadership de la Tunisie dans la promotion de la sécurité et la stabilité dans la région d’Afrique du nord» et «exprimé son souhait d’une coopération plus étroite en matière de défense.»
«Les deux responsables ont évoqué l’importance du partenariat militaire américano-tunisien, la situation sécuritaire en Tunisie et l’assistance à la lutte anti-terroriste», poursuit ce compte-rendu lu à la presse. «Ils ont aussi salué les progrès accomplis et l’étendue de la formation militaire, l’échange de renseignements et la coopération en matière de défense entre les deux pays.»
Jim Mattis a «affirmé l’engagement des Etats-Unis pour un soutien continu de la Tunisie.»
Depuis le début du Printemps arabe, en 2011, la Tunisie a fortement compté sur le gouvernement des Etats-Unis pour renforcer son armée. D’importants contrats d’armements ont été signés, y compris notamment la cession de patrouilleurs de gardes-côtes et la vente d’hélicoptères Black Hawk devant servir dans des opérations anti-terroristes. L’administration de Barack Obama a également attribué à la Tunisie le statut privilégié d’allié majeur non-membre de l’Otan, lui accordant ainsi la position de pays prioritaire en matière de coopération sécuritaire.
Sharan Grewal, doctorant à l’Université de Princeton, a déclaré à ‘‘Al-Monitor’’ qu’en 2016 l’aide militaire des Etats-Unis à la Tunisie a représenté près de 10% du budget du ministère tunisien de la Défense. La Tunisie souhaite que les Etats-Unis aident au financement, l’an prochain, de l’installation d’un système de surveillance électronique le long du mur frontalier avec la Libye.
«Pourquoi diable réduire cette aide?»
Nombre d’observateurs estiment que les coupes d’aide étrangère proposées par Donald Trump pourraient porter notamment préjudice à la capacité de la Tunisie à faire front au danger que représente l’organisation terroriste de l’Etat islamique (EI, Daêch).
Sarah Yerkes, collaboratrice principale auprès de la Carnegie Endowment for International Peace et ancienne responsable du Pentagone, a écrit récemment: «L’EI est présent à la frontière (de la Tunisie, ndlr), et cette administration nous dit qu’elle a fait de la lutte contre Daêch une priorité cruciale de la sécurité nationale. (…) Si vous êtes vraiment sérieux en affirmant cela, pourquoi diable réduiriez-vous l’aide (à la Tunisie, ndlr)?»
Malgré les coupes proposées par l’administration Trump, la présence lors de l’entretien Chahed-Mattis de hauts cadres du Pentagone, y compris le conseiller principal du secrétaire américain à la Défense, laisse comprendre que les Etats-Unis gardent leur engagement à considérer la Tunisie comme un allié militaire de première importance.
«Cela indique clairement, selon Sarah Yerkes, qu’ils prennent cette rencontre au sérieux. Il ne s’agit simplement d’une séance de photos. Ils abordent la chose du point de vue stratégique à plus long terme. Ce n’est pas un conflit qui va finir. C’est quelque chose dans lequel les Etats-Unis ont tout intérêt à s’investir.»
Outre cet intérêt entretenu par Pentagone, la Tunisie a vu un nombre disproportionné de ses citoyens rejoindre les rangs de l’EI en Irak et en Syrie, semant ainsi l’inquiétude qu’à leur retour ces djihadistes mèneraient des attaques dans leur propre pays ou en voyageant en Europe.
«La Tunisie exporte le nombre le plus important de combattants étrangers dans le monde arabe», déclare Ben Fishman, chercheur à l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient et ancien responsable de Conseil américain de la Sécurité nationale, qui ajoute: «C’est là qu’un programme d’aide sécuritaire et de sécurité des frontières devrait aller de pair avec un soutien économique. Décider de réduire à zéro cet appui aurait des conséquences dévastatrices.»
Article traduit de l’anglais par Marwan Chahla
* Jack Detsch est correspondant au Pentagone pour ‘Al-Monitor’.
** Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
Source: ‘‘Al-Monitor’’.
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