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Bloc-notes : Pas de municipales avant la mise en œuvre de la Constitution!

Les voix qui appellent à l’organisation des élections municipales au nom de la Constitution ont tort; son strict respect impose justement le report des élections.

Par Farhat Othman *

C’est la saine compréhension de l’esprit et de la lettre d’un État de droit.

La Constitution, dans ce qu’elle a d’essentiel en démocratie, les droits et libertés, est encore lettre morte. Aussi, juridiquement, politiquement et logiquement, sa remise en vie est un préalable absolu qu’impose la saine conception de l’État de droit.

Cela concerne aussi les élections régionales et locales, ces municipales qu’on veut hâter à tout prix, et ce du fait des retombées négatives sur l’esprit et la pratique démocratiques que cela ne manquera pas d’avoir.

Une ubuesque situation de non-droit

Déjà, les droits et libertés consacrés par le texte fondamental n’ayant pas encore été repris dans les lois qu’on applique, celles de la dictature; cela donne des jugements illégitimes, leur base légale étant frappée de nullité absolue par le texte de la Constitution qui leur est supérieur.

On vit donc en plein dire juridique qui sera appelé à être aggravé par l’indépendance qu’auront les pouvoirs locaux issus des élections. En effet, ils surgiront dans un cadre de non-droit qu’ils conforteront. Ce qui démultipliera l’illégalité du régime à tous les échelons du pays.

Si l’on n’a pas été en mesure d’octroyer ses libertés et ses droits légitimes au peuple dans un État encore centralisé, on n’y parviendra assurément point dans un État décentralisé, où le pouvoir sera diffracté entre des groupes d’intérêts dont les plus actifs font tout, aujourd’hui, pour que les acquis constitutionnels ne voient jamais le jour.

De plus, le Code des collectivités locales sur la base duquel s’orchestre toute la vie locale n’a pas encore été adopté. C’est une autre raison légale majeure qui empêche que les élections municipales aient lieu à la date précipitée du 17 décembre 2017.

L’adoption et l’entrée en vigueur d’un nouveau Code des collectivités locales est un impératif juridique catégorique, l’actuel datant d’avant la révolution n’ayant plus aucune légitimité ni le moindre intérêt pour les exigences actuelles du peuple et les nouveaux défis à relever pour le pays. Sauf à se soucier comme d’une guigne des attentes populaires. Ce qui est le cas de qui veut hâter les élections municipales malgré l’ubuesque situation actuelle de non-droit.

Conformer la législation en vigueur à la Constitution

Nul juriste honnête ni sincère politique ne saurait contester l’affirmation de bon sens que c’est altérer la saine transition démocratique que de précipiter les élections municipales. Ainsi que prévues, celles-ci ne serviront en aucun cas la patrie et l’État de droit, plutôt les ambitions égoïstes des partis de contrôler encore mieux à leur seul profit ce qui leur échappe aujourd’hui du pouvoir dans les régions et les localités.

Car la démocratie ne s’est jamais réduite à un simple mécanisme électoral, une opération dont le but est juste de se donner une légitimité apparente nonobstant sa finalité ; elle est d’abord et avant tout des droits et des libertés. Or, qui contesterait que les acquis constitutionnels en termes de droits et libertés citoyens n’existent encore qu’en théorie dans un texte fondamental que d’aucuns veulent garder lettre morte l’ayant voulu déjà mort-né?

Cela a même été solennellement déclaré par un député du parti le plus empressé à voir organisées ces élections, en l’occurrence le parti islamiste Ennahdha. Et ce parti, ainsi que ses prête-noms, n’ont pas honte de se prévaloir du respect de certains textes de la Constitution qu’ils font tout pour qu’elle ne soit pas appliquée dans sa totalité, ce qu’impose la bonne compréhension de sa lettre et de son esprit.

Au vrai, l’objectif de ceux qui en appellent au texte fondamental est moins le respect de la primauté de la Constitution que l’envie pressante d’avoir au plus vite le pouvoir dans les régions pour en abuser.

Pour cela, ils veulent profiter de la législation de l’ancien régime toujours en place alors qu’elle aurait dû être abolie aussitôt la Constitution entrée en vigueur. Cela n’a pas été fait et ne l’est toujours pas du fait de l’opposition de certains, les mêmes qui précipitent l’organisation des élections. Ce qui, assurément, ne fera que démultiplier dans les régions et localités l’actuelle dictature de l’État central qui continue d’abuser de l’arsenal répressif de l’ancien régime.

Aussi, si l’on ose se détourner de l’essentiel et dilapider du temps précieux pour mieux agir et de l’argent pour des élections en cette fin d’année, on n’aura plus une seule dictature dans le pays, mais autant que de communes sur le territoire de la République. Avec l’arsenal législatif de la dictature, nos communes et régions deviendront une constellation de sphères d’influence aux mains de «zaïmillons» locaux.

On pourra alors dire adieu aux droits et libertés consacrés par une Constitution que l’État encore centralisé n’arrive pas à consacrer et qui relèvera de l’impossible dans une État décentralisé où la contre-révolution régnera en maîtresse sans des lois nationales justes et éthiques pour l’en empêcher.

Adopter le nouveau Code des collectivités locales

Il existe bien un projet de loi portant Code des collectivités locales, mais les calculs politiques empêchent son examen par le parlement. On indique que cela sera fait en septembre; mais quel intérêt de le faire dans la précipitation alors la vie locale en dépendra?

C’est de démocratie qu’il s’agit dans sa déclinaison la plus utile, décentralisée et participative. Aussi, cela ne doit pas se faire à la légère ni avec les seuls micmacs politiciens habituels. Il s’agira de bâtir pour l’avenir. Ce qui nécessitera d’être responsable pour honorer l’intégrité de la démocratie locale devant naître de ce nouveau Code qui ne doit pas reprendre ce qui existe.

Surtout que la législation communale actuelle est inconstitutionnelle, à l’instar des lois scélérates de l’ordre déchu. Aussi, prétendre organiser des élections selon ses dispositions ne fera que détourner davantage les électeurs d’un scrutin qui n’aura plus guère d’intérêt pour eux; or, le taux des inscrits a déjà été très en-deçà des attentes.

Consolider et sauvegarder la démocratie

Si, le 17 décembre, il doit y avoir un décret présidentiel, son but sera non pas d’appeler aux élections municipales et locales, mais d’inviter les députés à accélérer la validation législative de la Constitution, en plus de l’adoption d’un nouveau Code des collectivités locales. Il pourrait aussi suggérer, afin d’accélérer la tenue des élections, de commencer par décider d’un moratoire à l’application des lois les plus liberticides.

C’est fatal, à moins de vouloir garder la législation malhonnête de la dictature en l’état. Ce qui est l’intention de certains nostalgiques de l’ordre déchu et de ses nouveaux profiteurs, tous ceux qui ont hâte de disposer au plus vite des leviers du pouvoir dans les régions et les communes pour maximiser leurs profits en usant des lois de la dictature propices aux abus.

Comme le mal sera encore plus grand que dans la situation actuelle de concentration de l’autorité à l’échelon central, la situation deviendra encore plus ingérable, l’État étant encore faible et devant être encore plus affaibli. On pourra alors enterrer la Constitution et ses acquis.

Par conséquent, pour tout vrai démocrate, il ne doit y avoir qu’une seule urgence : ranimer une constitution en mort clinique avant la moindre élection qui ne sera qu’une nouvelle diversion par rapport à l’essentiel qui est la consolidation de l’État de droit. Aussi, autant on conformera au plus vite la législation nationale à la Constitution dans les lois effectivement appliquées, autant on rapprochera la date des élections municipales.

Par conséquent, la date du 17 décembre doit être reportée sine die et le double slogan des démocrates authentiques en Tunisie doit être : L’État de droit d’abord ! La mise en oeuvre de la Constitution avant les élections!

* Ancien diplomate et écrivain.

 

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