Seulement les 2/5 des Tunisiens s’identifient encore à la classe politique du pays. Indifférence, désertion, désaveu ou… colère.
Par Marwan Chahla
C’est, en tout cas, ce qui ressort du baromètre politique du bureau d’études Emrhod Consulting, dont les résultats ont été publiés jeudi 21 septembre 2017 : des instantanés sur la popularité de nos dirigeants, l’influence des partis politiques et l’humeur générale dans le pays.
Trois images brèves qui, si on s’y attarde, en disent long sur la lassitude du public, la confiance de moins en moins importante qu’il accorde à la classe politique et la distance de plus en plus grande qu’il met entre ses soucis quotidiens et les tragi-comédies qui se jouent à Carthage, à la Kasbah et au Bardo.
Même si la fiabilité scientifique de ce type d’enquête n’est pas entièrement incontestable, ces instantanés peuvent servir à établir un état des lieux même approximatif, à tirer des enseignements et faire de la prospective.
Limitons notre réflexion aux résultats du volet «popularité des hommes politiques» de cette enquête qui a retenu 13 personnalités, une femme (la députée du Courant démocratique Samia Abbou) et 12 hommes – et nous ne commenterons ni le sexisme de cette distribution des rôles ni les prises de position de «la mégère du Bardo»…
Ce qui semble intéressant dans ce sondage c’est qu’en additionnant tous les pourcentages de la popularité des 13 personnalités politiques nous nous trouvons avec seulement un total de 41,1%. Cela signifie qu’un peu plus des 2/5 des personnes interrogées par Emrhod Consulting ont trouvé «chaussures à leurs pieds». Les autres – près de 60% – ont soit choisi des politiques à popularité insignifiante, c’est-à-dire inférieure à 1%, ou préféré s’abstenir.
Conclusion: nos politiciens ont du mal à convaincre; ils ont du mal à mobiliser.
Un autre constat s’impose aussi: le classement des 13 personnalités politiques est marqué par un déséquilibre flagrant. Béji Caïd Essebsi (BCE) et Youssef Chahed, qui se détachent nettement en haut du tableau, totalisent à eux deux 21,4% (11%, pour le 1e, et 10,4%, pour le second), c’est-à-dire plus que tous les 11 autres concurrents, qui doivent se contenter des 19,7% restant.
Cependant, le duo BCE-Youssef Chahed, même s’il domine de la tête et des épaules les autres compétiteurs, n’arrive, chacun de son côté, à convaincre qu’un peu plus d’un Tunisien sur dix.
Le premier groupe de poursuivants comprend 4 concurrents – les époux Mohamed et Samia Abbou, avec leurs 4,8% ensemble, Hamma Hammami, avec 2,6%, et Moncef Marzouki, avec 2,5% – qui totalisent ensemble 9,9%, soit moins de la moitié du total des deux meneurs de la course. Autant dire, donc, que ce quartet pèse peu face aux poids lourds de Carthage et de la Kasbah.
Au bas du tableau, figurent les 7 autres personnalités les moins dont les taux de popularité se situent entre 1,7% et 1%. Un total de 9,8% est partagé entre Rached Ghannouchi, Safi Saïd, Mohsen Marzouk, Slim Riahi, Mehdi Jomaa, Néji Jelloul et Hachemi Hamdi.
Sur la base des résultats de ce sondage, si l’élection présidentielle se tenait aujourd’hui, l’électeur tunisien serait, le moins que l’on puisse dire, dans l’embarras. Au final, 11 postulants seraient éliminés et il ne resterait, dans cette course, que BCE et Youssef Chahed, le père et son fils spirituel.
Le père, qui fêtera son 91e anniversaire le 29 novembre prochain et qui a à son actif son expérience et sa magie politicienne, et le fils spirituel, qui n’a pour lui qu’un vague sentiment de sympathie de l’opinion, un préjugé favorable et un programme de réformes approximatif.
Si, en 2019, BCE se laisse tenter par un 2e mandat présidentiel et que Youssef Chahed s’essaie à croiser le fer avec son faiseur, nous aurons droit à un scénario électoral des plus ubuesques…
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