L’Utica propose des réformes radicales de l’économie portant sur la digitalisation, la formalisation, l’ouverture du capital des sociétés publiques et la révision de la compensation.
Par Khémaies Krimi
Une fois n’est pas coutume, l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), généralement discrète et parcimonieuse en informations, a choisi les concertations informelles sur le projet de Loi de Finances 2018, pour nous inviter à un débat sur plusieurs dossiers d’intérêt national. Parmi ces dossiers, quatre méritent qu’on s’y attarde en raison de leur transversalité, de leur rendement immédiat et de leur effet multiplicateur.
Les bienfaits de la digitilisation
Le premier concerne la digitilisation (numérisation) de l’administration tunisienne. La a centrale patronale propose de «mettre en place, au niveau de l’administration et de tous les secteurs publics ou privés, des systèmes d’informations numériques orientés citoyen, client, touriste, industriel, consommateur, consommateur de service…».
Mieux, la centrale patronale suggère de lancer annuellement, à partir de 2018, un nouveau programme de numérisation mobilisateur, tels que e-Sante, e-Tourisme, e-Justice, e-Education, e-Patrimoine, e-cadastre…, autant de programmes annoncés depuis plusieurs années et ui tardent à être mis en œuvre.
Concrètement, elle préconise qu’à partir de 2018, chaque ministre soit tenu de repenser l’organisation de ses actions avec pour objectif de réduire les dépenses de fonctionnement de 7% par an, notamment par la dématérialisation des procédures.
Formalisation de l’économie
La deuxième a trait à la formalisation de toute l’économie tunisienne par des actions structurelles touchant la valorisation du «capital mort».
Plus simplement, il s’agit de faire accéder à la légalité de la propriété tous ceux qui ont un bien non-enregistré.
C’est une pensée économique innovante prônée, depuis 2005, par le célèbre économiste péruvien Hernando de Soto, classé parmi les six premiers innovateurs du monde en la matière.
Selon ce penseur, auquel l’Utica avait confié, en 2012, une étude fort intéressante intitulée : «L’économie informelle, comment y remédier : une opportunité pour la Tunisie», «les révolutions arabes ont été déclenchées par des micro-entrepreneurs comme Bouazizi qui avaient consenti le sacrifice suprême (immolation, suicide) par crainte d’être exproprié d’un espace qu’ils ne possèdent pas». D’où l’enjeu pour eux, toujours d’après Hernando de Soto «de disposer d’instruments légaux pour protéger leurs biens et s’associer en vue de se développer».
Sur le terrain, c’est ce que fait, aujourd’hui, Mabrouk Korchid, ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, en faisant accéder à la propriété des centaines de milliers d’exploitants agricoles locataires de terres domaniales depuis les années soixante et d’habitants résidant dans des logements construits sur des terres de l’Etat.
Cet accès à la légalité de la propriété ne manquera d’impacter, à moyen terme, et le micro-investissement (accès au crédit bancaire, possibilité d’hypothéquer…), et l’amélioration des conditions de vie de personnes démunies, et l’ouverture de nouveaux horizons pour les sans- emploi.
Moralité: la formalisation ou la possibilité d’accéder à la légalité de la propriété est de nature à donner un nouveau souffle à l’économie tunisienne, note la centrale patronale.
Coter en bourse les entreprises publiques
La troisième consiste à céder, dès 2018, sur le marché boursier, «20% du capital des entreprises publiques au profit du grand public». L’objectif étant de conférer dorénavant à ces entreprises, aujourd’hui toutes mal gérées et déficitaires, bonne gouvernance et transparence, qualités exigées par la bourse.
Pour mémoire, ces entreprises traînent actuellement un déficit de 5,5 milliards de dinars. Pour certains experts, ce déficit, qui n’est pas inscrit dans le budget de l’Etat, peut atteindre le double si on lui ajoute les garanties de l’Etat.
La suppression de la compensation
La quatrième porte sur les dépenses de compensation. Pour la centrale patronale, ces dépenses recèlent d’importantes possibilités de rationalisation, et donc d’économie. «Leur poids nécessite la mise en place de solutions courageuses et urgentes afin de les contenir». Et la centrale d’ajouter: «Compte tenu de l’extrême sensibilité de ces dépenses, elles devront faire l’objet d’un débat franc et éventuellement d’un consensus sur les moyens avec la participation des professions concernées. Il y a lieu de ne pas retarder d’avantage le traitement de cet épineux problème».
Toujours à propos de la compensation, l’Utica relève que des économies substantielles peuvent déjà être réalisées au niveau de la gouvernance du système de compensation, tant les surcoûts dus à l’intervention des entreprises publiques sont importants et les possibilités d’utilisation frauduleuses nombreuses. «Le renforcement des moyens de prévention et de répression doit être mis en œuvre conjointement avec la lutte anticorruption», estime la centrale.
Pour limiter la progression des dépenses de compensation, et à côté de l’effort de ciblage, l’Utica préconise «la mise en œuvre d’une politique contractuelle de développement de filières économiques est une solution alternative qui permet une amélioration progressive de la productivité et autorise par la même une réduction des coûts».
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