Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées à Gaza, dont des milliers d’enfants. Beaucoup d’autres meurent de faim. L’argent des contribuables américains est en partie responsable. Pourquoi ne faisons-nous pas tout notre possible pour arrêter les massacres ?
Par Robert Reich *
Tard [dans la soirée du 12 février 2024, Ndlr], le sénateur démocrate Chris Van Hollen a prononcé un discours remarquable au Sénat, condamnant le gouvernement de Benjamin Netanyahu pour avoir délibérément bloqué l’aide aux civils à Gaza. Van Hollen a dit : «Des enfants à Gaza meurent aujourd’hui à cause du refus délibéré de leur fournir de la nourriture. Outre l’horreur de cette nouvelle, l’autre vérité est qu’il s’agit d’un crime de guerre. Il s’agit d’un crime de guerre classique. Et cela fait de ceux qui le commettent des criminels de guerre… Les responsables des secours humanitaires ont déclaré que leurs organisations n’avaient jamais connu une catastrophe humanitaire aussi désastreuse et terrible que celle dont le monde est témoin à Gaza.»
Soyons clairs. Prendre une position morale claire contre Netanyahu ne signifie pas être pro-Hamas, ni anti-israélien, ni antisioniste, ni antisémite. Il s’agit d’être partisan des droits de l’homme.
Je suis juif. Je déteste le Hamas et ce qu’il représente. Je sais ce que c’est que de voir des membres de sa famille assassinés en raison de leurs croyances et de leur appartenance ethnique.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je prends si au sérieux la justice sociale et les droits de l’homme. Et c’est pourquoi, comme des dizaines de millions d’autres personnes en Amérique et dans le monde, je suis engagé en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza – et d’une aide humanitaire à Gaza. Et c’est pourquoi je suis également favorable à un État palestinien.
Comme l’écrivait hier Thomas Friedman : «Si Israël détruit le Hamas, puis décide d’occuper définitivement Gaza et la Cisjordanie, rejetant toute forme d’État palestinien, Israël deviendra un paria mondial pour la prochaine génération, et en particulier dans le monde arabe. Cela obligera les alliés arabes d’Israël à prendre leurs distances avec l’État juif. Et si Israël reste en conflit perpétuel avec les Palestiniens, toute l’architecture de la stratégie américaine au Moyen-Orient – en particulier les traités de paix transversaux que nous avons forgés entre Israël et l’Égypte, la Jordanie et les pays du Golfe – sera mise sous pression, ce qui compliquera notre capacité à opérer dans la région et l’ouvrir à une influence beaucoup plus grande de la Russie et de la Chine. Compte tenu de la mort de milliers de civils à Gaza, les États-Unis ont déjà du mal à utiliser leurs bases militaires dans les pays arabes pour contrer le réseau malveillant iranien composé du Hamas, du Hezbollah, des Houthis et des milices chiites en Irak.»
La semaine dernière [début février, Ndlr], le président Biden a déploré que la conduite d’Israël dans la bande de Gaza «ait été exagérée» et que «cela doit cesser».
Biden a déclaré qu’il essayait d’amener Israël à accepter un cessez-le-feu, mais Netanyahu «lui fait vivre un enfer» et il est impossible à gérer, selon des proches de Biden, qui ont tous demandé à ne pas être nommés.
En réponse aux lamentations de Biden, Netanyahu a déclaré [le 11 février, Ndlr] dans l’émission ABC que malgré la pression de Biden, il lancerait toujours un assaut sur Rafah, la ville du sud de Gaza qui abrite quelque 1,3 million de Palestiniens désespérés qui n’ont littéralement aucun autre endroit où aller pour éviter d’être massacré.
Netanyahu a déclaré qu’une «victoire totale» était possible à Gaza en quelques mois. Il s’est engagé à vaincre les hommes armés du Hamas qui se cachent à Rafah et a ordonné aux troupes israéliennes de se préparer à étendre leurs opérations terrestres.
Pourquoi Biden ne s’exprime-t-il pas avec plus de force contre le gouvernement de Netanyahu – condamnant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, et menaçant de suspendre toute aide supplémentaire si Netanyahu continue son déchaînement?
Pourquoi les responsables du Département d’État n’appliquent-ils pas la partie de la loi sur l’aide étrangère qui bloque l’assistance à la sécurité des pays qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire américaine?
Pourquoi une majorité de sénateurs ont-ils voté [le 12 février, ndlr) en faveur de l’envoi de quelque 14 milliards de dollars à Israël – dont [un peu plus de 9 milliards pour répondre à des crises humanitaires, y compris à Gaza, Ndlr], qui n’aidera personne si Netanyahu ne laisse pas entrer cet argent? (Même Chris Van Hollen a voté pour cette mesure, arguant qu’elle était liée à l’aide à l’Ukraine. Mais les démocrates du Sénat auraient pu bloquer la mesure et forcer le Sénat à examiner chaque élément de dépense – Israël et l’Ukraine – séparément.)
Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées, dont des milliers d’enfants. Beaucoup d’autres meurent de faim. L’argent des contribuables américains est en partie responsable. Où est la clarté morale ? Où est l’autorité morale ? Pourquoi ne faisons-nous pas tout notre possible pour arrêter les massacres ?
* L’un des analystes et commentateurs politiques les plus influents auprès de l’électorat démocrate aux Etats-Unis. Plus de 560.000 personnes sont abonnés à son bulletin journalier dont nous avons traduit cet article.
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