Par ses errements, Nidaa Tounes a ouvert un boulevard devant Ennahdha.
Le vote sanction de la législative partielle de la circonscription d’Allemagne est un désaveu de toute la classe politique tunisienne et surtout de Nidaa Tounes.
Par Néjib Tougouri *
Toute la classe politique du pays vient d’essuyer un cinglant désaveu, après la publication des résultats de la législative partielle d’Allemagne et son taux de participation, quasi nul.
Ce test électoral, imprévu, le premier après les élections de 2014, a été provoqué par une manœuvre politicienne, malencontreuse, de Nidaa Tounes, le parti majoritaire agonisant.
Un parti au pouvoir moribond
L’issue du scrutin n’a, finalement, servi, qu’à dévoiler, au grand jour, ce que la plupart des Tunisiens soupçonnent déjà: le parti politique qui a remporté les dernières élections législatives et présidentielles ne représente, aujourd’hui, pratiquement, plus rien, désertée qu’il est par sa base et la plupart de ses cadres fondateurs.
La défaite du parti au pouvoir est révélatrice de l’intensité de la réaction de rejet et de défiance qu’il a provoquée chez la plupart des Tunisiens.
L’épreuve a, aussi, mis à nu des carences énormes, au niveau de ses structures et de son organisation, qui seront très rapidement exploitées par ses nombreux adversaires.
On sait, maintenant, que sa fameuse «machine» électorale est en panne, hors d’usage, immobilisée à jamais.
L’élection d’un jeune indépendant, ennemi juré et bête noire de l’ordre établi, a-t-elle, réellement, pris au dépourvu les stratèges du parti au pouvoir? Ont-ils pressenti la défaite sans pouvoir l’éviter? L’ont-ils anticipée et intégrée dans un nouveau calcul, qui prévoit de nouvelles alliances? Leurs dernières déclarations et accusations contre leur principal allié dans la coalition gouvernementale, le parti islamiste Ennahdha en l’occurrence, le laissent croire. Même si un tel changement, est bien au dessus des moyens de leur parti, moribond.
La voie est libre pour Ennahdha
A moins d’un an des élections municipales, d’une importance cruciale pour les prochaines échéances, législatives et présidentielles prévues en 2019, celle qui fut la principale force politique du pays, par les maladresses répétées de sa nouvelle direction, a fini par compromettre, sérieusement, ses chances de rester aux commandes.
Sans le vouloir, elle a ouvert la voie à une large et prochaine victoire du parti Ennahdha, qui n’aura aucune difficulté à remporter, avec une forte majorité, les prochaines élections.
Le taux de participation au scrutin, très faible, de 5%, est, également, un carton rouge, un rejet ferme et absolu, opposé, par nos expatriés d’Allemagne, non seulement au parti au pouvoir, mais à toute la nouvelle classe politique du pays, qui a émergé après la révolution de janvier 2011. Le taux d’abstention record est à la mesure de l’intensité des sentiments de déception et de désenchantement, causés par son rendement au cours des trois dernières années.
Le candidat vainqueur, Yassine Ayari, un proche du Harak de l’ex-président par intérim Moncef Marzouki, qui vit en exil, après avoir purgé une peine d’emprisonnement pour diffamation et atteinte au moral des forces armées tunisiennes, est un incorruptible, pur et dur. Il dénonce dans ses blogs, et non sans courage, l’establishment du pays, son népotisme, ses préjugés de classe, ses magouilles et son refus de tout changement.
Carton rouge pour les délinquants politiques
Avec sa barbe mal rasée, son regard fiévreux, la ferveur intense dans sa voix, et son discours ponctué de références religieuses, il incarne le rôle du jeune révolté, mi-radicalisé, mi-moralisateur, qui est loin de déplaire à tous les représentants de sa génération.
Son élection dénote une demande de plus en plus forte, d’une moralisation de la vie publique dans le pays.
Des scandales de transactions illicites, de marchandages politiques sordides, de chantages, de coups bas, de pots de vin éclatent régulièrement, impliquant les responsables et députés, dont un grand nombre appartient à l’ex-premier parti du pays.
Le vote sanction des législatives partielles de la circonscription d’Allemagne est une condamnation sans appel de la délinquance politique, qui a esquissé un retour en force dans le pays, durant les trois dernières années.
* Médecin.
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