Portrait de Maher Khlifi, promoteur du projet «Ahmini», portant sur la micro assurance dédiée à la femme rurale, qui a remporté le 5e prix Andi Fekra.
Par Zohra Abid
Lorsque Maher Khlifi a pris le micro pour présenter son projet, les invités de l’opérateur historique de télécommunications, d’Express FM et de Mindshare, promoteurs depuis 5 ans du concours entrepreneurial Andi Fekra, étaient curieux de savoir ce qu’il allait dire.
Le jeune ingénieur de Kairouan, qui parlait hier soir, lundi 25 décembre 2017, lors d’une cérémonie officielle, à l’hôtel Le Paris, aux Berges du Lac de Tunis, a trouvé les mots qu’il faut pour raconter son idée de projet inspirée de son propre vécu. Son récit a suscité une forte émotion dans l’assistance, qui retenait à peine ses larmes.
Des mots venant du cœur
Le projet en question renvoie à une triste actualité. Il concerne les ouvriers des chantiers et les travailleurs agricoles, notamment ceux qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Ils n’arrivent pas, dit-il, à payer une assurance maladie et leurs employeurs ne leur paient pas, eux non plus, des cotisations sociales. C’est le cas, d’ailleurs, de sa propre mère, qui travaillait dans les champs et faisait partie de cette communauté d’oubliés, exposés à tous les dangers, dont les accidents de la route.
«Qui parmi vous n’a pas été choqué par les images des accidents dont sont victimes des agricultrices entassées les unes sur les autres à l’arrière d’un camion qui les transportait vers ou du lieu de leur travail. Plusieurs meurent sur les routes. Ces femmes sont également exposées au calicivirose» (maladie infectieuse transmise à l’homme par les chats et les chiens, Ndlr !), lance Maher Khlifi, en évoquant la triste fin de sa défunte mère atteinte par cette maladie. «Lorsqu’on s’en est aperçu, la maladie était déjà au stade final. Elle est décédée en 2013. Et cette histoire a un lien étroit avec mon projet « Ahmini »», a ajouté le jeune ingénieur qui dédie son projet à la mémoire de sa mère et à toutes les femmes rurales, victimes de la marginalisation.
Encouragé par Youssef Chahed
Lors de sa visite à Kairouan, fin novembre dernier, Youssef Chahed a rencontré un groupe de jeunes porteurs de projets dont Maher Khlifi. Le chef du gouvernement a été très touché par l’histoire de ce jeune homme de 32 ans, qui a su transformer son drame personnel en un projet socialement utile, et il l’en a félicité chaleureusement.
«Selon les dernières statistiques du ministère de la Femme, 89% de travailleurs dans les chantiers et les champs ne sont pas assurés. 31% sont exposés à des risques de santé. 1100 personnes sont atteintes de la calicivirose, dont 8% seulement peuvent s’en sortir si elles sont prises en charge à temps et correctement. C’est pour ces gens-là que j’ai conçu mon projet d’assurance maladie», explique Maher Khlifi.
Maher Khlifi, l’heureux lauréat.
Le projet «Ahmini» (littéralement : protège-moi), dont le coût est estimé à 54.000 DT, a décroché plusieurs prix, dont celui du meilleur projet africain de l’année. «Une rencontre aura lieu le 3 janvier prochain avec le ministère de la Femme, celui des Affaires sociales, La Poste Tunisienne et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) pour la signature d’une convention de partenariat portant sur ce projet», a annoncé le jeune homme, heureux de voir son idée intéresser des responsables du gouvernement et des institutions disposées à aider à sa concrétisation.
Le principe du projet «Ahmini»
Grâce à «Ahmini», la communauté des travailleurs et travailleuses marginalisés pourra désormais se prendre en charge. Les travailleuses agricoles pourront payer leur assurance, quand elles le peuvent et là où elles sont, même chez l’épicier du coin, en déduisant 1 dinar de leur solde de téléphone, poursuit le lauréat.
Nour Akrimi, la 3e finaliste.
«La cotisation pourra se faire à partir de 1 DT. 1% de frais sera déduit sur chaque affilié. Et tous les adhérents seront pris en charge au moindre pépin», indique Maher Khlifi, qui était heureux de constater que le vote a finalement porté sur son projet, celui du jury et celui des présents dans la salle, qui ont été très nombreux à cocher la quatrième case.
Même s’ils n’ont pas eu le chèque de l’excellence de 20.000 DT, qui est revenu à Maher, les 3 autres candidats n’ont rien à regretter. Car, ils ont bien été pitchés et beaucoup appris d’une formation de près de 9 mois qui va leur permettre, à eux aussi, d’aller de l’avant avec leur projet.
Mohamed Khalil a tout pour faire aboutir son projet de recyclage des déchets du café. Bahri Abdelaziz a déjà monté son projet dédié au charbon vert. Nour Akrimi, la 3e finaliste était, elle aussi, comblée avec son projet dédié aux malvoyants. Elle était rayonnante devant les caméras et les micros, dont celui d’Express FM, qui transmettait l’événement en direct sur les ondes.
Sonia Logani et son équipe.
Surprise sur antenne
«Depuis le lancement du concours, on a vu participer pas moins de 5000 porteurs d’idées. Mieux encore, le niveau des projets est en train de s’améliorer au fil des ans», a fait remarquer Sonia Logani, directrice de communication de TT, qui était entourée de ses collègues, dont Fatma Raïes.
Dans la salle, Taïeb Ata, le gagnant de 2015 pour son projet de «Collecte, valorisation et recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques», a tenu à témoigner de son expérience. «Il y a 2 ans, jour pour jour, j’étais dans cette même salle à attendre le verdict. Aujourd’hui, mon projet a bien pris et tout marche au mieux», a lancé le jeune entrepreneur qui a pris une bonne dose de confiance en lui.
Mohamed Khalil présente un projet de recyclage des déchets de café.
Youssef Fennina, directeur du Centre d’orientation et de reconversion professionnelle (CORP), a surpris tout le monde en annonçant l’octroi d’un prix à un 5e gagnant: Nizar Zaïer, spécialisé dans l’animation pour les jeunes dans les régions du sud qui, selon lui , souffrent d’un manque flagrant d’activités artistiques et culturelles.
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