Bouzid Nsiri a été récemment nommé directeur général de l’Institut national de la statistique (INS), mais si ses prédécesseurs sont tous réputés pour leurs expertises scientifiques et/ou académiques dans le domaine de la statistique, on ne connaît pas grand-chose sur celles du nouveau promu. Et les autorités n’ont pas cru devoir nous éclairer à ce sujet.
Jamel Sakrani *

Depuis sa publication comme premier journal tunisien le 27 juillet 1860, le Jort est considéré comme le journal officiel de l’Etat et la référence dans l’application des textes juridiques et des annonces officielles destinés au public. Les règles et les modalités de publication ainsi que leur application sont fixées par la loi n° 64 du 5 juillet 1993.
Il est nécessaire, lors de l’élaboration de tout texte juridique, de toujours vérifier et mesurer sa conformité ainsi que son adéquation avec les dispositions générales et les droits et libertés stipulés dans la constitution, notamment l’engagement de l’Etat à garantir le droit à l’information (article 38). C’est pourquoi tous les établissements publics disposent des services juridiques et législatifs chargés de cette mission.
Par conséquent, la présidence de la république, la présidence du gouvernement et le ministère de l’Economie et de la Planification, comme tous les établissements étatiques, disposent tous de leurs services de consultations juridiques et législatives, généralement sous forme de directions générales.
Par ailleurs, l’Imprimerie officielle dispose d’un système d’information très avancé permettant de vérifier la conformité des textes avec les règles et les formalités de publication.

Malgré toutes ces précautions, le décret n° 169-2024 a été publié au Jort n°42 du 22 mars 2024 sans aucune information pour le public sur le grade de celui qui va conduire le plus grand recensement dans l’histoire de la Tunisie, qui est un champ non seulement important mais obligatoire pour la nomination de tous les fonctionnaires et les chargés de missions.
Etant donné que le décret 168-2024 publié dans le même Jort est venu annoncer le limogeage d’un ingénieur général en statistiques, Adnen Lassoued, qui a succédé à Hédi Saidi, ingénieur d’Etat en statistiques, lequel a succédé à Jaleleddine Ben Rejeb, docteur en méthodes quantitatives et enseignant universitaire en statistiques, on est en droit de se demander qui est Bouzid Nsiri, nouveau directeur général de l’INS, s’il a les compétences requises pour un poste aussi important et exigeant une compétence de pointe. Qui a validé sa nomination? Pour quelles raisons et pour quoi faire?

D’autant que le nouveau promu n’est pas connu pour être un éminent statisticien : c’est un agent de l’Etat, il a occupé le poste de directeur général des études, de la planification et des systèmes d’information au ministère de l’Education, et pendant son mandat, il a fait l’objet d’une enquête lancée par l’inspection administrative et financière. Il a été nommé ensuite secrétaire général du Comité national pour l’éducation, la science et la culture (décret n°285 publié au Jort 41 du 25 avril 2023) et limogé de cette fonction le 24 octobre 2023, le jour même de l’ouverture de la Conférence internationale sur la perte d’apprentissage organisée à Tunis par l’Alecso. Avant d’être nommé à la tête de l’INS, il était un fonctionnaire sans fonction à l’école Deuxième chance au même ministère.
Il est à noter que M. Nsiri est conseiller général en éducation, et qu’il appartient à un corps spécifique. D’où la nécessité d’avoir l’accord préalable de ses supérieurs sur son détachement pour travailler au sein d’un autre ministère. Est-ce que l’ancien ministre de l’Education Mohamed Ali Boughdiri a donné son accord pour son détachement? A moins que son limogeage 10 jours après la nomination de M. Nsiri à l’INS n’ait un lien avec un hypothétique refus de signer un tel détachement. A vrai dire, on n’en sait rien, et on n’affirme rien, mais on aimerait bien être éclairé à ce sujet.
* Ancien cadre du ministère de l’Education.