Les Palestiniens massacrés à Nuseirat n’existent pas pour les médias occidentaux

Samedi 8 juin 2023, près de 300 Palestiniens ont été sauvagement massacrés dans une opération israélo-américaine pour libérer seulement 4 détenus israéliens. Pire, le traitement médiatique occidental s’est focalisé uniquement sur la libération des Israéliens, l’effusion de joie en Israël et a complètement passé sous silence les centaines de Palestiniens brutalement assassinés. Pour eux, ils n’existent tout simplement pas. L’illustration même du cynisme colonialiste et de la froideur occidentale qui semblent ne pas avoir pris une ride en dépit du temps qui passe. 

Imed Bahri

Le site britannique Middle East Eye a évoqué l’omission mesquine et pernicieuse par les médias occidentaux du carnage de centaines de Palestiniens par l’armée israélienne lors de son opération dans le camp de Nuseirat -centre de la bande de Gaza- où elle n’a récupéré que quatre détenus israéliens.

La journaliste palestinienne Linah Alsaafin est revenue sur la couverture médiatique de l’opération militaire conjointe américano-israélienne dont le bilan humain s’est élevé à 1 000 entre morts et blessés Palestiniens dans le camp des réfugiés de Nuseirat samedi, ces médias ne parlent guère de l’héroïsme ou de la précision de la célébration que les gros titres des médias occidentaux ont fait avec enthousiasme en première page.

L’auteure estime qu’il s’agit d’«un monde dystopique où le meurtre flagrant d’au moins 50 000 hommes, femmes et enfants en l’espace de huit mois justifie à peine que les échelons dirigeants de l’ordre gouverné par le pays du Nord clignent les yeux, on pourrait pardonner de penser que tout l’opération qui détruit des centaines de vies civiles tout en récupérant quatre captifs est un motif de célébration.» Elle ajoute que ce qui est encore pire, c’est lorsque les 274 Palestiniens tués et les 698 blessés dans le massacre du camp de réfugiés de Nuseirat sont ignorés, sont délibérément omis de la couverture médiatique occidentale ou sont ensuite brièvement reconnus dans un titre ou le sont vaguement dans un sous-titre.

Les Palestiniens tués oubliés par l’actualité

Alsaafin donne un exemple tiré de la couverture dominicale du New York Times, le décrivant comme un journal qui a volontairement détruit les derniers vestiges de sa crédibilité pour servir de raccourci flagrant à la propagande israélienne, comme il l’a fièrement affiché dans son titre: «L’armée israélienne libère 4 otages dans le cadre de la mission à Gaza», la couverture était accompagnée d’une photo souriante d’un prisonnier israélien libéré (mentionné par son nom) entouré de soldats victorieux. Quant aux Palestiniens tués, ils ont été relégués en marge de la même actualité.

L’auteure donne un autre exemple et constate que la BBC et Reuters ont suivi une veine similaire en choisissant un titre qui disait: «4 otages israéliens libérés lors d’un raid sur le centre de Gaza» et «Les forces israéliennes sauvent quatre otages vivants de Gaza, dit l’armée.»

CNN a choisi de se concentrer sur les questions logistiques plutôt que sur les pertes massives et a rapporté que «l’opération israélienne de sauvetage des otages a nécessité quatre semaines de préparation».

L’auteure passe ensuite au Washington Post qui a employé un ton plus direct titrant: «Un rare jour de joie dans le sang avec le sauvetage de quatre otages vivants». Le deuxième titre disait toujours: «Les quatre otages israéliens ont été sauvés vivants.» La nouvelle mentionnait dans une note de bas de page que le nombre n’était pas concluant pour les Palestiniens tués, et mentionnait donc la phrase: «Les responsables disent qu’au moins 210 personnes ont été tuées à Gaza.»

Le Sunday Times a utilisé un ton sans retenue, qui ressemblait à une description de l’intrigue redondante d’un film d’action hollywoodien lorsqu’il a décrit l’opération israélienne comme un raid audacieux. La couverture médiatique continue dans la même veine à la page suivante où le journal écrit: «Une frappe chirurgicale, une violente fusillade et des célébrations ont brisé le calme de samedi.»  

L’auteure rappelle avec regret le massacre provoqué par la frappe israélienne : les corps mutilés de Palestiniens jetés dans les rues du marché et des dizaines de bâtiments et de maisons détruits complètement effacés. Elle ajoute qu’en fin de compte, ces gros titres n’ont rien de surprenant mais sont plutôt le produit de décennies de déshumanisation généralisée. La déclaration publiée par le Département d’État américain au sujet de l’opération ne mentionne pas les Palestiniens tués, car les cadavres noirs et bruns n’ont pas d’importance pour les intérêts de l’impérialisme.

Un «racisme colonial pur»

Elle estime que le fait que l’opération de sauvetage de quatre Israéliens se fasse au détriment de quelques centaines de Palestiniens est comme le dit Maya Mikdashi, universitaire et rédactrice en chef de Jadaliyya, un «racisme colonial pur». Il n’y a aucune raison de se réjouir du fait que 274 Palestiniens ont dû être brutalement assassinés pour que ces quatre israéliens puissent retourner dans leurs familles en bonne santé et en bon état contrairement aux formes brisées et squelettiques des Palestiniens libérés des prisons israéliennes. De toute façon, personne ne devait être assassiné puisque le Hamas aurait proposé de libérer des civils captifs en octobre dernier en contrepartie du fait que l’armée israélienne n’envahisse pas la bande de Gaza.

Il ne fait aucun doute que le recours à la force militaire meurtrière n’est pas la voie la plus pratique pour libérer les détenus israéliens. La majorité des 105 prisonniers israéliens ont été libérés grâce à une trêve temporaire qui a également permis la libération des prisonniers palestiniens en novembre dernier.

Cependant, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, fier auteur de ce génocide, et les cadres extrémistes tout aussi violents qui composent son gouvernement ont toujours été francs dans l’expression de leurs intentions. Il n’a jamais été question de libérer les détenus israéliens ni d’assurer la sécurité d’Israël. Il s’agissait plutôt d’anéantir la bande de Gaza, de réduire sa population et de déplacer de force les Palestiniens restants conformément à la vision d’une colonie de peuplement expansionniste.

Le président Joe Biden, sioniste ardent et franc, peut mettre fin à ce cauchemar vécu par 2,3 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza par un simple coup de téléphone mais ces massacres continus et cette barbarie innovante ne sont rien d’autre qu’une lâche façade qui protège ce qui est manifestement clair: Biden et Netanyahu se précipitent vers l’abîme et les effets de la prolongation de ce génocide se retourneront tôt ou tard contre leurs intérêts.