Par la faute de tous, la confusion menace sérieusement la Tunisie qui pourrait rater l’occasion en or de réussir son pari démocratique…
Par Marwan Chahla
Parce que les voyants sont au rouge, de quelque côté que l’on se tourne, et que plus rien (ou presque) ne semble marcher comme on l’aurait souhaité pour notre pays, faut-il baisser les bras et céder le terrain aux fossoyeurs de la révolution?
Nos «élites», ces élites!
A quoi assistons aujourd’hui? Au mécontentement de la rue dont le droit de manifester pacifiquement ne sera jamais interdit, car il est inscrit noir sur blanc dans la Constitution. Cette rue en colère explique qu’elle a trop attendu que ses droits à «la liberté, la dignité et l’emploi», promis par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis janvier 2011, soient reconnus, respectés et suivis de réponses concrètes. Nul ne saurait contester la légitimité de ces revendications. Nul ne pourrait trouver à redire, non plus, que, faute de n’avoir pas été écoutée, l’impatience des oubliés de la révolution se soit transformée en une prise d’assaut des rues de certaines de nos villes.
Cependant, ce recours à la descente dans la rue, lorsqu’il n’est pas responsable, lorsqu’il n’est pas bien préparé et encadré ou lorsqu’il est mal intentionné, comporte des risques, ouvre toutes grandes les portes à la confusion et peut donner lieu à des dérapages regrettables.
Faut-il, au nom de cette liberté d’opinion et de manifestation chèrement acquise, déclarer forfait face à la surenchère populiste des «élites» de notre pays – qu’elles soient de gauche, de droite ou du centre? Nous savons qu’elles ont toutes failli dans leurs rôles d’opposition ou à la direction des affaires du pays. Elles ont toutes, sans aucune exception, montré les limites de leurs propositions et donné la preuve de leurs indigences programmatiques. Nous savons aussi que, individuellement ou en formations politiques et groupes parlementaires, ces «élites» ne sont mues que par des motivations égoïstes et des considérations – bien qu’elles osent prétendre le contraire – étroitement personnelles et partisanes.
Les myopies de nos «élites» ont creusé un fossé abyssal qui les sépare irrémédiablement de la majorité des citoyens tunisiens – toutes catégories sociales confondues. Ces cécités ont usé jusqu’à la corde la crédibilité de notre classe politique, au point qu’elle soit devenue méconnaissable et indigne de la confiance qui a été placée en elle.
Ces incompétences de nos dirigeants ont donné naissance au désespoir et à l’appauvrissement généralisés qui sont devenus chaque jour encore plus irréparables.
Pour un point de pourcentage de TVA?
Et toutes ces carences des «élites» ont fait perdre à la Tunisie un temps précieux, contraint l’Etat à des endettements et des déficits sans précédent, retardé la mise en œuvre des réformes dont notre économie a tant besoin et paralysé la croissance et la création d’emplois.
Sept années de révolution et une succession de sept gouvernements pour en arriver à ce constat désastreux et à ce doute que l’unique success story des «printemps arabes», celle qui a eu l’honneur de se voir décerner le prix Nobel de la paix, peut, elle aussi, trébucher et tomber dans l’anarchie… pour une loi de finances mal comprise et mal expliquée ou une augmentation d’un point de pourcentage de la TVA.
Evidemment, les ménages tunisiens éprouvent le plus grand mal à remplir leurs couffins et à régler leurs notes d’eau et d’électricité. Evidemment, les créanciers de la Tunisie – et ils sont nombreux – frappent à la porte pour réclamer leur dû. Evidemment aussi, le dinar est à son plus bas, notre pays importe beaucoup plus qu’il n’exporte, l’inflation est à 6,4% et le chômage se rapproche des 16%…
La liste de nos échecs économiques est longue.
Tous ces insuccès sont les nôtres, nous qui avons, par ailleurs, accompli de nombreuses et brillantes réussites. Oui, nous possédons la liberté de parole, nous avons démocratiquement élu un parlement et un président de la république, nous avons – au prix le plus fort! – combattu et vaincu le terrorisme, nous avons su convaincre les visiteurs étrangers que la Tunisie est de nouveau un pays sûr, notre croissance économique est sur une bonne voie et elle est capable de faire mieux, et les investisseurs nationaux et étrangers ne demanderaient plus qu’à contribuer à cette relance.
Il est vrai que l’on aurait pu faire plus et plus rapidement. Mais, hélas, notre révolution était unique et il nous fallait en inventer le bon mode d’emploi. Il nous fallait, et il nous faudra encore, tout construire par nous-mêmes…
Nous sommes au milieu du gué et deux ou trois années de travail et de discipline devraient suffire pour que la Tunisie soit remise sur les rails. Deux ou trois autres années d’efforts pour dissiper définitivement cette crainte que notre pays risque de sombrer dans le chaos.
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