Non, la mise en dépôt du journaliste Salah Attia pour les besoins de l’enquête sur les graves affirmations qu’il a faites sur Al-Jazeera ne signifie pas que la liberté d’expression est en danger en Tunisie. C’est la Tunisie tout entière qui est en danger, parce que les islamistes, qui ont aujourd’hui le dos au mur et qui sentent l’étau se resserrer sur eux, semblent avoir décidé de mettre le pays à feu et sang, pour provoquer un écran de fumée qui leur permettra de prendre la poudre d’escampette, comme ils l’ont déjà fait entre 1987 et 1989.
Par Ridha Kefi
Une nouvelle affaire a été déclenchée par les allégations du journaliste Salah Attia, avant-hier, vendredi 10 juin 2022, sur la chaîne qatarie Al-Jazeera, et dont la gravité ne saurait en aucun cas justifier la nouvelle campagne qui se dessine sur le thème de la liberté de presse en danger en Tunisie.
Cette campagne sera bien entendu lancée par le parti islamiste Ennahdha auquel appartient le journaliste et qui est sans aucun doute l’inspirateur de ses allégations, aussi infondées que tendancieuses et dangereuses, puisqu’elles visent à semer la confusion dans l’opinion publique, à attiser la tension actuelle entre l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et le président de la république Kaïs Saïed, à impliquer l’armée nationale – dont on connaît la rigoureuse neutralité – dans les querelles politiques et à remonter les Tunisiens les uns contre les autres, dans ce qui s’apparente clairement à un appel à la haine et à la violence, un délit sanctionné par la loi.
Une mascarade médiatico-politique qui se prépare
Quelques bonnes âmes charitables – biens pensants, idiots utiles ou fieffés opportunistes de la famille abusivement appelée progressiste et moderniste – se joindront à cette campagne et les chancelleries des pays occidentaux seront mises à contribution avec quelques appels à libérer le journaliste incriminé et à s’émouvoir de la liberté de presse en danger, mais toute cette mascarade qui se prépare ne saurait travestir la vérité et la cacher aux Tunisiens.
Salah Attia, rappelons-le, a toujours servi de propagandiste pour le parti islamiste Ennahdha. Et ce depuis le temps de Ben Ali. Quand le parti islamiste cherchait, en 2008, à se rapprocher de l’ancien dictateur à travers une proximité naissance avec son gendre préféré, le très pieux Sakher El-Materi, c’est Salah Attia qui a été chargé d’écrire des articles mielleux dans le quotidien Assabah à la gloire de Ben Ali, de son épouse Leila et de son gendre Sakher.
Au lendemain de la révolution de 2011, le journaliste a laissé tomber le masque et est devenu clairement l’un des propagandistes attitrés du parti islamiste, souvent chargé de défendre ses politiques et ses positions sur les chaînes de télévision et les studios des radios, nationales et internationales. Aussi sa sortie d’avant-hier, par sa teneur et sa gravité, ne saurait-elle être assimilée à un acte spontané, à une simple intervention d’un journaliste qui a dérapé en annonçant des faits complètement bidons et difficile à admettre.
Le choix du média n’est pas anodin lui non plus puisqu’il s’agit d’Al-Jazeera, une chaîne au service du mouvement international des Frères musulmans et qui compte parmi les soutiens les plus inconditionnels d’Ennahdha, diffusant à partir du Qatar, l’émirat qui finance ouvertement le parti islamiste tunisien et qui utilise une partie de ses richesses pétrolières et gazières pour semer la zizanie dans le monde arabe, de la Syrie à la Tunisie, en passant par l’Egypte et la Libye.
Pour revenir aux propos du journaliste, il faut être vraiment stupide ou ignorant pour donner crédit à ses graves allégations ou pour croire qu’elles ont été avancées en toute bonne foi, au prétexte que tout journaliste peut se tromper. Non, étant journalistes nous-mêmes, nous sommes biens placés pour juger des véritables motivations de Salah Attia, qui n’est pas tombé de la dernière pluie, puisqu’il a survécu à une dictature, celle de Ben Ali, et a servi une autre, celle d’Ennahdha.
D’une pierre plusieurs coups
En affirmant que l’armée tunisienne a refusé d’appliquer des instructions émanant du président de la république Kaïs Saïed pour boucler les bureaux de l’UGTT et mettre en résidence surveillée ses dirigeants, et en prenant le soin d’ajouter que l’armée a poussé la désobéissance à son chef suprême jusqu’à informer les dirigeants de la centrale syndicale de ce ce qui se tramait contre eux, Salah Attia n’y est pas allé de main morte. Il a en effet cherché à faire d’une pierre plusieurs coups.
Un, enfoncer un coin entre le chef du syndicat, Noureddine Taboubi, et le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, dont les relations sont actuellement à leur plus bas niveau. Deux: faire accréditer la thèse, très chère à Ennahdha et ses larbins, d’un Saïed putschiste, qui serait tenté de militariser son pouvoir. Trois: laisser planer le trouble et la suspicion dans les relations entre l’armée et son chef suprême.
De là à voir dans les déclarations de Salah Attia, un véritable tir croisé, une volonté évidente de remonter les institutions de la république les unes contre les autres, de semer le désordre et de provoquer des violences dans le pays, il y a un pas qu’un juge un tant soit peu objectif et soucieux de préserver la paix publique ferait par devoir professionnel, acquit de conscience et patriotisme.
Qu’on ne compte donc pas sur nous pour faire du corporatisme bon enfant et de crier avec les loups islamistes et autres idiots utiles pour prendre la défense d’un agitateur politique que nous n’acceptons pas de considérer comme un confrère, tant il fait honte à notre profession.
Non, la liberté d’expression n’est pas en danger. Elle n’a jamais été autant respectée qu’elle l’est aujourd’hui. C’est la Tunisie tout entière qui est en danger, parce que les islamistes, qui ont aujourd’hui le dos au mur et qui sentent l’étau se resserrer sur eux, semblent avoir décidé de mettre le pays à feu et sang, pour créer un écran de fumée qui leur permette de prendre la poudre d’escampette, comme ils l’ont déjà fait entre 1987 et 1989.
A bon entendeur salut!
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