Du marché de poisson qui pue aux rues étroites, en passant par les trottoirs pleins d’obstacles et sales : n’est-il pas temps pour Sfax de regagner sa dignité?
Par Dr. Maher Bahloul*
Sfax, la deuxième plus grande ville de la Tunisie, se prépare à accueillir des festivités culturelles pendant l’année 2016. En effet, elle célèbrera son statut de Capitale culturelle du monde arabe; et plusieurs délégations afflueront de plusieurs pays, arabes et autres, pour y célébrer cet évènement.
Regagner les couleurs et les senteurs d’antan
L’image de la Tunisie dans les pays arabes est celle d’un pays verdoyant ! ‘‘Tunisie, la verte’’ (تونس الخضراء). Pour les pays occidentaux, nous sommes le pays du ‘‘Jasmin’’. La verdure et le jasmin symbolisent notre pays et nous devons contribuer, chacun de son côté, à préserver cette bonne réputation.
Malheureusement, aujourd’hui, il suffit de faire un petit tour du côté de Sfax pour voir à quel point cette réputation est malmenée.
Que l’on soit visiteur pour la première fois ou revenant pour la énième fois, le marché de poisson de Sfax pue. Même le lundi, quand il n’y a pas d’activité et que tout est fermé, une odeur nauséabonde envahit le voisinage du marché. Qu’aucun responsable parmi les centaines qu’a connus la ville n’ait pu mettre fin à cette insoutenable pollution olfactive est étonnant.
Un effort collectif et citoyen doit être fait pour désinfecter le marché de poisson et améliorer l’atmosphère de Sfax partout que ce soit au centre-ville ou dans les rues de la vieille ville. Ceci implique une meilleure hygiène et la mise en place d’une campagne de plantation pour refleurir la ville.
Une ville condamnée à l’asphyxie.
Avant l’échéance de 2016 toute proche, les municipalités de Sfax doivent se mobiliser pour nettoyer les rues de la ville et assurer une propreté décente qui reflète l’intérieur des maisons de Sfax, généralement très ordonnées et soignées.
Ceci est une responsabilité et nos agents et responsables municipaux sont appelés à la respecter. Le gouvernorat et la municipalité ensemble doivent comprendre que leur rôle dans cette initiative est primordial pour que la ville puisse regagner ses couleurs et ses senteurs d’antan.
Hormis les ordures, Sfax souffre d’un énorme autre fléau, qui est d’ailleurs le problème de toutes les villes en Tunisie, celui du manque d’espace public.
Des rues étroites et bloquées
A Sfax, les trottoirs déjà étroits ont été grignotés. Du centre-ville jusqu’à la Rue de Tunis Km 10, les trottoirs ont la même largeur ! Nos ingénieurs semblent avoir pris la décision depuis des décennies d’opter pour l’étroitesse et ils s’y sont maintenus.
Inconscience ou insouciance obligent, la municipalité a de plus décidé de planter des arbres au milieu de trottoirs qui n’ont même pas un mètre de largeur, rendant le passage des piétons presque impossible (voir photo1).
En traversant la rue avec une collègue américaine, en visite en Tunisie pour la première fois, était perplexe : «Pourquoi cette étroitesse d’esprit?», m’a-t-elle demandé. Des rues étroites et bloquées partout par des obstacles sont un signe de nonchalance inacceptable et une limitation d’esprit affligeante dans la conception de la ville. L’aménagement urbain a ses normes et toutes ces normes sont bafouées à Sfax. Une ville où le citoyen ne peut pas emprunter le trottoir est une ville condamnée à l’asphyxie.
Des trottoirs encombrés et impraticables.
Une saleté omniprésente
Sfax est sale. Quand ce ne sont pas les voitures ou les arbres qui bloquent la circulation des piétons, ce sont certainement les ordures et les matériaux de construction qui le font. Même devant le beau bâtiment du Gouvernorat, les détritus s’amoncellent à un point tel que l’on est en droit de de se demander comment et pourquoi le Gouverneur de Sfax ne réagit pas. Si une telle saleté est tolérée devant son propre lieu de travail, alors que dire pour les autres parties de la ville? (voir photos 2 et 3)
Au-delà de cette saleté omniprésente, de ce laisser-aller et de cette anarchie citoyenne qui crève les yeux, on continue à Sfax à subir une panoplie de problèmes qui empirent de plus en plus chaque jour, tels que la mendicité, la délinquance mineure dans les rues, le stationnement anarchique, la vente à la sauvette sur les trottoirs et sur les chaussées, le non-respect de la priorité routière, le manque d’aménagement urbain, le mauvais goût dans la construction, le manque de parkings devant les magasins et les marchés de gros, et la liste est encore longue.
Même devant le beau bâtiment du Gouvernorat, les détritus s’amoncellent.
N’est-il pas grand temps de moderniser cette ville et de lui conférer la dimension qu’elle mérite comme capitale non seulement arabe mais également méditerranéenne : des rues larges, des avenues bordées d’arbres, des trottoirs spacieux, des places publiques avenantes et surtout un aspect propre.
Sfax pourra-t-elle regagner un minimum de civisme et de propreté en devenant la «Capitale du monde arabe»? Ceci requiert une mobilisation de notre gouverneur et nos maires, de toutes les autorités locales et surtout de la société civile. Mais faut-il déjà commencer !
Les gouvernements successifs de Ben Ali ont laminé la ville. Si la corruption, la mauvaise gestion, la faiblesse de l’Etat et le manque de civisme succèdent à la politique sectaire et défaillante de Ben Ali, alors Sfax sera perdue à tout jamais !
* Diplômé de l’université Sorbonne-Paris III (France) et de Cornell University (Etats-Unis), enseigne au département d’anglais de l’American University of Sharjah (Emirats arabes unis).
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