Condor, entreprise algérienne spécialisée dans l’électronique, l’électroménager et le multimédia, a décidé d’investir 5 millions d’euros (15 MDT) pour créer, à Béja (nord-ouest de Tunisie), une usine de montage de téléviseurs, d’une capacité de 300.000 unités par an avec en prime 1000 emplois.
Par Khémaies Krimi
Cette décision a créé l’événement en matière de partenariat économique entre le Tunisie et l’Algérie.
L’usine dont la production est destinée, en grande partie, à l’exportation (25% pour le marché tunisien et 70% vers l’Afrique), sera opérationnelle en 2019.
Ce projet pionnier se distingue par 3 caractéristiques majeures qui ne manqueront d’en faire, à moyen terme, une succes story.
La première a trait au fait que l’investissement est financé en grande partie par des banques tunisiennes.
La deuxième réside dans l’accueil favorable que lui ont réservé les autorités tunisiennes. Abderrahmane Benhamadi, Pdg de Condor a été reçu pendant 45 minutes par le président de la république Béji Caid Essebsi.
La troisième, enfin, consiste en la volonté déclarée du groupe, par la voix de son premier responsable, de ne pas s’arrêter là. Le groupe projette, en effet, d’intensifier ses investissements en Tunisie et d’y lancer, à court terme, une autre unité de montage de climatiseurs et autres équipements électroménagers.
Abderrahmane Benhamadi reçu à Carthage par le président Caïd Essebsi.
Les investisseurs algériens fuiraient leur pays de plus en plus protectionniste
Reste à s’interroger sur les motifs qui ont amené le groupe Benhamadi à choisir le site Tunisie pour sa production destinée à l’international. Car, cette n’est pas fortuite. Elle revêt une dimension géostratégique en ce sens où le groupe n’a osé enjamber la frontière pour venir s’implanter à Béja que parce qu’il a une nouvelle vision stratégique de ses affaires à l’international.
À travers cette implantation au nord-ouest de Tunisie, le groupe aurait, semble-t-il, anticipé sur la tendance du gouvernement d’Ahmed Ouyahia à protéger de plus en plus l’économie algérienne. Sa devise étant «Moins d’importations, plus de production».
Aux dernières nouvelles, l’exécutif algérien s’apprête à introduire, incessamment, dans la loi de finances complémentaire de 2018 une taxe supplémentaire provisoire préventive allant jusqu’200% sur les produits finis importés.
C’est peut-être pour contourner une éventuelle application de la réciprocité par les pays fournisseurs de l’Algérie (forte taxation des exportateurs algériens) que le groupe Benhamadi a décidé de se redéployer à l’international et de cibler un marché ouvert comme celui de la Tunisie. L’objectif est double : contourner cette rigidité protectionniste et utiliser le site Tunisie comme un marché relais pour y produire et exporter vers d’autres marchés.
Car n’oublions pas que le groupe Condor est prospère en Algérie. En plus de la commercialisation de ses différents produits sur un grand marché intérieur, Condor exporte vers la France, la Jordanie, la Mauritanie, le Sénégal et la Tunisie.
Quant au choix de la Tunisie, nous pensons que le groupe a vu juste. Au regard des multiples avantages qu’il offre (proximité, incitations fiscales et financières, garantie des transferts, justice indépendante…), le site Tunisie est en mesure de réunir les conditions idéales pour le développement des affaires du groupe Condor.
M. Benhamadi inaugure à Mghira au sud de Tunis, le 20 avril 2017, le showroom des produits Condor.
Le site Tunisie a tous les atouts pour attirer les investisseurs algériens
Point d’orgue de ces conditions, l’entrée en application, le 1er avril 2017, d’une nouvelle législation incitative à l’investissement étranger, la loi libérale sur l’investissement et l’indépendance de la justice assurée par la séparation constitutionnelle des trois pouvoirs (législatif, exécutif, juridictionnel).
Le site Tunisie présente, également, d’autres avantages géostratégiques significatifs. Au nombre de ceux-ci figurent l’ouverture institutionnalisée du marché tunisien sur le monde et l’intégration de plusieurs accords multilatéraux, régionaux et latéraux garantissant la liberté des échanges.
Pour mémoire, la Tunisie est membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis mars 1995 alors que l’Algérie n’a pas encore intégré cette organisation. Elle est associée à l’Union européenne, également depuis 1995, dans le cadre d’une zone de libre échange pour les produits manufacturiers. La Tunisie, qui a conclu, depuis 2004, un accord de libre échange avec la Turquie, est sur le point d’intégrer deux grands groupements africains qui intéressent particulièrement le groupe Condor.
Il s’agit de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), 20e puissance économique du monde avec un PIB estimé, en 2013, à 817 milliards de dollars. La Tunisie bénéficie, depuis juin 2017, du statut d’observateur dans ce groupement. Des négociations avancées sont en cours pour son intégration comme membre à part entière.
En outre, La Tunisie se joindra, officiellement, le 10 juin prochain, au Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), qui doit intéresser une entreprise exportatrice comme Condor, la Comesa étant une organisation internationale à vocation régionale de l’est africain dont l’objectif est de créer une union douanière entre ses vingt pays membres (Tunisie comprise).
Cela pour dire, que la Tunisie est sur la bonne voie pour mettre en place une économie libérale ouverte sur le monde et un Etat démocratique de droit et des institutions, et qui offre, désormais, tous les atouts pour rassurer les investisseurs algériens et les encourager venir faire des affaires en Tunisie.
C’est pourquoi l’implantation de Condor en Tunisie a, à priori, valeur de symbole. Nous espérons qu’elle aura un effet multiplicateur sur d’autres investisseurs algériens.
Les échanges économiques tuniso-algériens demeurent faibles
Pour être complet sur le sujet, il reste à dire un mot sur le partenariat et les échanges économiques tuniso-algériens.
À ce jour, 39 entreprises algériennes sont implantées en Tunisie, dont 13 opèrent dans le secteur textile et habillement. Dans l’autre sens, environ 100 entreprises tunisiennes sont présentes depuis longtemps sur le marché algérien, appliquant la règle 51/49% (l’investisseur algérien devant être majoritaire). Ces entreprises opèrent dans plusieurs secteurs, à savoir l’industrie automobile, les biens et services, l’ingénierie, les TIC, le tourisme, la distribution, l’habillement…
Au rayon des échanges économiques, l’Algérie est le 4e client et 7e fournisseur de la Tunisie. En 2016, la valeur des exportations tunisiennes vers l’Algérie a atteint 1.480 millions de dinars tunisiens (MDT) contre des importations de 1.440 MDT.
Par secteurs, les échanges commerciaux ont été focalisés sur l’exportation des industries mécaniques et électriques (ciment, semi-remorques, aluminium, emballage, pièces mécaniques…).
Pour les importations, plus de 95% du total des importations de l’Algérie sont des hydrocarbures. Sachant que les dernières années ont été marquées par la diversification des produits importés, notamment les jus de fruits, les articles d’emballage, les couches-bébé, les articles en verre, l’électroménager…
Condor Electronics : La technologie algérienne s’exporte en Tunisie
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