Des élues municipales prêtent serment à la municipalité de Tunis.
Les femmes qui refusent de mettre un voile sur la tête pour prêter serment forcent notre respect. Au lieu de les dénigrer pour plaire au petit peuple conservateur et bondieusards, on doit saluer leur sincérité et leur courage.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Les femmes qui prêtent serment dévoilées continuent de susciter la haine de la frange conservatrice et réactionnaire de notre société. Certaines femmes, au discours habituellement progressiste et tolérant, n’ont pas hésité à prendre part à la campagne de dénigrement menée contre elles invoquant le respect des traditions et la sacralité du Coran : «Ces élues refusent de porter le voile lors de la prestation de serment pour créer le buzz», vocifèrent-elles.
Un peuple de bigots et de bondieusards
Pourquoi les hommes ne se voilent-ils pas la tête lorsqu’ils prêtent serment? Seraient-ils plus «sains» que les femmes? Seraient-ils plus respectueux de la sainteté du Coran sans ce morceau de tissu sur la tête? Allah aurait-il exigé que les femmes, à la différence des hommes, soient flanquées de ce vilain morceau de tissu sur la tête au moment de prêter serment? D’où est venue cette tradition, aussi inexplicable que ridicule ?
Les femmes qui ne prêtent pas serment voilées ont du mérite. D’abord parce qu’elles refusent de se départir de leurs convictions, par lâcheté, pour plaire au bon peuple conservateur (qui est ultra majoritaire sous nos cieux) et pour ne pas s’attirer les foudres des bigots et des bondieusards gueulards de tout poil.
Ensuite, plutôt que de dénigrer celles qui prêtent serment «tête nue» et d’en faire des femmes mues par la quête inlassable du buzz, on devrait saluer leur courage. En effet, il n’est jamais facile pour une Tunisienne progressiste, aussi courageuse soit-elle, d’affronter la frange conservatrice et réactionnaire de notre société. Elle sait qu’en prêtant serment sans fichu, elle s’expose de la sorte aux pires insultes et avanies.
Il faut comprendre que ces femmes n’ont pas jeté aux orties cette tradition archaïque pour faire parler d’elles, elles ont prêté serment sans voile pour rester fidèles à leurs principes – une denrée rare dans ce pays d’hypocrites et de vendus.
Le voile est le symbole de l’oppression des femmes
Elles ont le droit de considérer que le voile est le symbole de leur oppression et qu’il représente une insulte pour les femmes qui n’en portent pas car considérées comme «impudiques», «dévergondées» et pas «assez musulmanes», voire «pas musulmanes du tout».
Elles savent que pour d’aucuns, vue sous cet angle-là, il devient licite d’agresser les femmes non voilées qui font fi des traditions formellement religieuses et liées au sacré.
Ces femmes estiment également que le voile est une insulte pour les hommes, censés être incapables de refréner leurs instincts, comme si en chaque mâle sommeillait un violeur en puissance prêt à prendre en levrette la première qui laisse échapper une mèche de cheveux.
Aux chiottes le voile et vivent les femmes qui prêtent serment avec les cheveux à l’air, flottants et libres de toute entrave.
* Universitaire.
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