Voilà des mois que le débat agite la société tunisienne, depuis que le président Béji Caïd Essebsi a appelé le chef du gouvernement Youssef Chahed à réformer les lois sur l’héritage pour assurer une part égale aux femmes.
Par Meriem Majdoub
Cette proposition qui constituera, à n’en pas douter, un pas en avant pour le droit des femmes, divise la société tunisienne depuis des mois sans que rien ne semble venir le trancher définitivement.
L’héritage en Tunisie
À l’heure actuelle, conformément à une circulaire datant de 1973, les femmes tunisiennes héritent systématiquement de seulement la moitié de la part de leur frère. Il y a donc une grande différence de statut entre les hommes et les femmes en Tunisie quand il s’agit de l’héritage. Dans certaines campagnes du pays, la tradition veut même que tout revienne au garçon.
Évidemment, les défenseurs d’une telle loi invoquent sa présence dans le Coran. Effectivement, c’est un argument de poids pour un pays très majoritairement musulman. De plus, cette loi est souvent justifiée par le devoir que l’homme aura de prendre soin de son futur foyer et de sa future famille, alors que la femme pourra se reposer sur son mari, qui aura donc lui aussi hérité de plus que ses sœurs.
Des arguments qui s’essoufflent
Alors que la France réfléchit à taxer davantage l’assurance emprunteur en 2019, notamment pour diminuer son impact sur l’héritage, les arguments contre l’égalité entre les hommes et les femmes commencent à s’essouffler en Tunisie.
En effet, alors que d’autres pays légifèrent de plus en plus pour que l’héritage soit une occasion de redistribuer les richesses acquises plutôt que d’aider à les concentrer, l’attachement à cette loi de 1973 est difficile à comprendre.
Ceux qui souhaitent l’égalité entre les hommes et les femmes dénoncent des mécanismes sociaux et structurels inconscients que les hommes entretiennent pour conserver leur pouvoir. On sait, effectivement, que l’absence de loi sur la redistribution de l’héritage a tendance à centraliser le pouvoir dans les mains de ceux qui l’ont déjà.
Plus d’égalité
Le président a lancé ce débat en justifiant son utilité dans le cadre d’une recherche de l’égalité totale et dans tous les domaines entre les femmes. Effectivement, si l’héritage est un levier puissant de concentration de la richesse et du pouvoir qui provoque déjà de nombreuses inégalités entre les hommes selon leur famille de naissance, il entretient alors un fort rapport de dominance entre homme et femme.
Selon le président, au-delà de la question de l’héritage et de ce qu’en dit le Coran, c’est la question d’une société plus juste où les femmes ne naîtront plus d’abord enchaînées à leur père, puis à leur mari, dans l’incapacité de jouir des mêmes droits et des mêmes chances que leurs frères.
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