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Madame la Mairesse de la capitale, ayez pitié des JCC !

L’auteur interpelle Mme la Mairesse de Tunis, Souad Abderrahim (Ennahdha), qui semble totalement indifférente à l’état de saleté des rues du centre-ville de Tunis, offrant un spectacle désolant aux invités des JCC 2018.

Par Mohamed Ridha Bouguerra *

Madame la Mairesse, vous avez inauguré votre mandat sous le feu des projecteurs et l’œil des caméras, loin des ors de la République. Nous vous avons vue le tuyau à la main en train de nettoyer les artères de notre bonne ville et même de mettre une nouvelle couche de peinture, je crois, sur nos trottoirs. Certains vous ont félicitée et ont considéré cette initiative comme de bon augure pour une débutante en la matière, voire un exemple à suivre. D’autres en ont souri et n’y ont vu qu’une opération de communication destinée à la consommation interne et qui n’aurait pas de lendemain. À qui donner, finalement, raison ?

Pour trancher il suffit de parcourir quelques rues de la capitale. Je ne vous demanderai pas, Madame la Mairesse, d’arpenter les tranchées boueuses de nos quartiers populaires, ni de visiter rue de Madrid et ses environs encore moins rue Al-Jazira mais, juste, de quitter momentanément votre luxueux bureau et d’inspecter la vitrine de tout notre pays, à savoir l’avenue Habib Bourguiba et quelques-unes des artères adjacentes si animées en ce moment par tous ces jeunes amoureux du cinéma.

Madame la Mairesse, vous êtes encore bien jeune mais croyez, svp, un cinéphile qui a connu la première édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) en 1966, et qui vous assure que jamais notre fête du 7e art ne s’est déroulée, malheureusement, dans un cadre aussi déplorable.

Madame la Mairesse, je vous prie de vous rendre rue Ibn Khaldoun, rue de Marseille, rue du Caire, rue Radhia Haddad, pour ne parler ici que de celles les plus fréquentées par nos invités étrangers et par notre belle jeunesse !

Madame la Mairesse, quel triste spectacle vous leur offrez là ! Des immondices à chaque pas ! Que dis-je, vous marcherez sur les papiers gras mouillés par la pluie et vous risquerez de vous étaler comme cela a failli, personnellement, m’arriver hier soir ! Des gobelets vides ou à moitié pleins, des bouteilles en plastique vous sauteront partout aux yeux ! Les sacs poubelles des restaurants et autres gargotes vous offriront généreusement leurs contenus repoussants pour le grand bonheur des chats et chiens errants. Des barrières métalliques enlaidissent affreusement les marches du cinéma le Colisée qui a perdu son lustre depuis longtemps bien que l’on continue, ironiquement probablement, à l’appeler la Reine des salles ! Des clochards et des clochardes occupent les trottoirs, exhibent leurs tares physiques en toute impudeur et exposent à la vue de tous l’extrême indigence dans laquelle vivent, bien tristement hélas, certains des nôtres !

Avouez, Madame la Mairesse, que vous auriez pu et même, dirais -je, dû, offrir à cette 27e édition des JCC un environnement plus digne, non seulement de votre bonne ville mais aussi du doyen des festivals arabes et africains du cinéma.

Quand je pense que vous avez caressé, a-t-on appris, le projet de concourir pour le prix de la meilleure ville du continent africain ! C’était, certainement, avant d’avoir ouvert grand les yeux sur la réalité qui est la nôtre et pour laquelle vous n’avez encore apporté aucun changement, hélas, depuis que vous présidez aux destinées de notre capitale.

Madame la Mairesse, les JCC vont s’étaler sur une semaine alors vous avez encore une chance pour les sauver. C’est le moment pour vous de descendre sur le terrain, mettre les mains dans le cambouis et mouiller votre chemise !

Alors de grâce, ayez pitié de ce que l’on désigne, pompeusement, par les noces du cinéma afin que nos invités et les foules de jeunes cinéphiles gardent un meilleur souvenir de cette 29e session. Et afin que les plus âgés comme votre serviteur et ses semblables retrouvent le Tunis de leur jeunesse et partent, un jour prochain, avec la conscience d’avoir transmis le flambeau dans l’état, au moins, où ils l’ont reçu !

Pour réussir un si modeste programme le prestigieux titre de Mairesse vous suffit largement sans avoir à ambitionner plus comme celui, solennel, à titre d’exemple, de secrétaire d’État.

* Professeur des universités, Docteur honoris causa de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand.

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