Ahmed Seddik/Hichem Fourati.
Une partie des documents saisis au ministère de l’Intérieur relatifs à l’affaire Mustapha Khedher a été ajoutée au dossier du terroriste Abou Bakr Al-Hakim, impliqué dans l’assassinat du député de gauche, Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013.
C’est ce qu’a indiqué le ministre de l’Intérieur Hichem Fourati, lors de son audition par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), aujourd’hui, lundi 19 novembre 2018, en ajoutant que ces documents, saisis en décembre 2013 chez Mustapha Khedher, un ancien militaire proche d’Ennahdha, condamné en 2014 à 8 ans de prison pour détention de documents sécuritaires confidentiels, ont toujours été à la disposition de la justice et qu’une partie se trouve dans les archives du tribunal de Tunis.
Ces documents ont été récupérés, le 13 novembre courant, par le juge d’instruction de la chambre 12 près du pôle judiciaire antiterroriste, chargé des affaires Chokri Belaid et Mohamed Brahmi.
«Nous n’avons jamais nié l’existence d’une salle d’archive abritant les documents en question, mais c’est le terme « chambre noire » (utilisé par le comité de défense de Belaid et Brahmi, Ndlr) qui dérange car il laisse penser que la saisie s’y trouvant est non déclarée et que le ministère de l’Intérieur cache des informations d’ordre sécuritaire», a ajouté M Fourati, en précisant qu’un espace de 3 étages est dédié aux archives au siège de son ministère et que les documents relatifs à l’affaire Khedher étaient stockés dans un bureau surveillé par des caméras et des ressources humaines.
Le ministre a rappelé qu’un état desdits documents a été élaboré en mars 2016 par un cadre du ministère et le responsable de la direction des archives et que, le 9 novembre courant, le ministère public a ordonné l’ouverture d’une enquête. Rappelons que le juge d’instruction de la chambre 12 avait fait sceller la pièce le 12 novembre courant, avant d’y revenir le lendemain, pour récupérer les documents et les transférer au pôle judiciaire. Un PV a été dressé à cet effet portant le N°579.
Selon le ministre de l’Intérieur le juge chargé de cette affaire a intégré une partie des documents au dossier N°28156/12 relatif au terroriste Abou Bakr Al-Hakim.
En réponse à ces clarifications, le député Front populaire Ahmed Seddik a assuré qu’il y a de la désinformation et que le terme «chambre noire» est dicté par le fait que les documents saisis chez Mustapha Khedher, le 19 décembre 2013, ont été placés dans ladite pièce sans avoir été déclarés et que l’état de ces documents n’a été effectué qu’en 2016 et ce sur instruction de l’ancien directeur général de la sûreté nationale, Abderrahmane Haj Ali, qui a ainsi fait appliquer la loi.
«Près de 3 ans se sont écoulés entre le dépôt de la saisie dans la chambre noire et l’établissement de l’inventaire. La justice n’a saisi les documents que la semaine dernière, alors que le comité de défense des deux martyrs Belaïd et Brahmi a toujours évoqué leur existence et appelé à les intégrer aux dossiers des assassinats politiques», perpétrés en 2013 par des extrémistes religieux, a déploré Seddik, en assurant que les informations diffusées par le comité de défense ont été puisées dans des documents de justice et ne sont pas des accusations sans fondement.
Ahmed Seddik a ajouté que des parties ont mis la pression et ont manipulé les documents, en précisant que seuls 4 cartons ont atterri au siège du ministère et que d’autres ont disparus. «Que s’est-il passé durant ces 3 ans ? Qu’en est-il des documents que l’on dit illisibles et dont on a perdu toute trace ? Où sont les documents qui ont été saisis et placés dans des voitures, appartenant au ministère de l’Intérieur, le jour de l’arrestation de Khedher et qui n’ont jamais été déclarés?», a-t-il demandé aux ministres de l’Intérieur et la Justice .
De son côté, la députée Bochra Belhaj Hmida s’est étonnée du refus du ministre de l’Intérieur de recevoir le comité de défense de Belaïd et Brahmi, avant cette audition, expliquant que des informations importantes auraient pu être fournies aux enquêteurs.
«Depuis 2013, il y a eu plusieurs ministres et aucun d’eux n’a déclaré l’existence de cette pièce. Pourquoi a-t-il fallu que le comité en parle dans une conférence de presse pour que la justice réagisse?», a-t-elle demandé à M. Fourati.
Notons que Mustapha Khdher est détenu depuis 2014 après avoir été condamné à 8 ans de prison ferme pour détention de documents sécuritaires confidentiels. Il est présenté par le comité de défense de Belaïd et Brahmi comme un homme de l’ombre du parti islamiste Ennahdha, qui aurait été chargé de diriger une organisation secrète en lien avec des groupes terroristes en Syrie et des services secrets étrangers.
Y. N.
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