Au lendemain du dépôt de la demande pour la constitution du parti Tahya Tounes, le parti en cours de constitution a tenu une conférence de presse, jeudi 21 février 2019, à l’hôtel Africa de Tunis. La route semble bien balisée, pourvu que l’on évite les erreurs du passé.
Par Zohra Abid
Au moment où une majorité de Tunisiens se détournent de la politique, comme en témoignent les sondages d’opinion, un nouveau parti, le 217e du nombre (excusez du peu !) dans un pays comptant 12 millions d’habitants, vient d’annoncer sa naissance, de dévoiler son logo (avec les 2 doigts de la victoire pointés vers le ciel, sur le fond rouge du drapeau national) et de détailler sa feuille de route jusqu’à son congrès constitutif électif, prévu le 28 avril prochain, soit 9 mois avant les prochaines élections législatives et présidentielles auxquelles, on l’imagine, il sera l’un des plus importants prétendants.
Les dates clefs précédant le congrès
Avant d’annoncer la création du comité d’organisation du congrès qui sera présidé par le juriste Chawki Gueddas, président de l’Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP), en tant que personnalité nationale indépendante, et qui sera assisté par un comité consultatif d’experts, présidé par Najla Braham, juge administrative et ancienne membre de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Selim Azzabi, coordinateur national de Tahya Tounes, a déroulé la feuille de route du nouveau parti.
Pour pouvoir participer au congrès en tant que membre, il faut adhérer à la plate-forme de Tahya Tounes. Les demandes d’adhésion doivent être présentées entre le 2 et le 17 mars prochain, soit en ligne sur le site dédié ou en contactant directement le siège, à la Place Pasteur, à Tunis.
Le dépôt des listes électorales et l’authentification des listes d’adhérents seront effectués entre le 17 et le 24 mars. Pour la validation des listes électorales, un rendez-vous est pris entre le 25 et le 31 mars. Suivra l’organisation et la répartition des listes du 1er au 12 avril.
L’organisation du processus électoral au niveau des localités, avec l’installation d’un ou de plusieurs bureaux de vote dans chaque circonscription municipale, aura lieu les 13 et 14 avril.
Le processus de dépouillement et de décompte des votes aux niveaux local, régional et national aura lieu, quant à lui, du 22 au 28 avril, date de l’annonce des résultats du congrès constitutif électif de Tahya Tounes lors d’un meeting populaire, en présence des représentants des structures locales, régionales et nationales. Ce sera aussi l’occasion pour présenter les dirigeants nationaux du nouveau parti, les grandes lignes de son programme et de ses préparatifs pour les prochaines échéances électorales.
Les jeunes à la barre
Au-delà de la polémique provoquée par le choix de Chawki Gueddas pour présider le comité d’organisation du congrès, on retiendra l’espoir suscité par l’annonce de la naissance de ce parti auprès de pans entiers de la famille socio-démocrate et centriste, orpheline depuis l’implosion de Nidaa Tounes, qui avait porté (et déçu) ses espoirs lors des élections de 2014.
On retiendra aussi la jeunesse de sa direction actuelle, incarnée par Selim Azzabi, l’ancien ministre chef de cabinet du président de la république, âgé de seulement 40 ans, qui, malgré ses divergences avec Hafedh Caïd Essebsi et la manière avec laquelle ce dernier gère les affaires de Nidaa Tounes, a tenu à souligner tout le respect qu’il voue pour le président de la république, Béji Caïd Essebsi, qui crut en lui et lui fit confiance et auprès de qui il a beaucoup appris.
Autre élément de la pépinière de Nidaa Tounes, et qui bénéficia de la même confiance du chef de l’Etat, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, personnalité fédératrice autour de laquelle le nouveau parti s’est constitué (c’est un secret de polichinelle), ne rejoindra pas de sitôt Tahya Tounes: il doit rester concentré sur sa mission à la tête du gouvernement, surtout en cette phase délicate et difficile que traverse la Tunisie, marquée par une crise sociale et économique. Le plus urgent pour lui c’est de veiller à consolider les prémices d’une reprise de la croissance, observées au cours des six derniers mois, et mettre en place les conditions idéales pour la tenue des prochaines élections. En d’autres termes: toute chose en son temps… Il faut savoir se hâter lentement…
Le nouveau parti, on le sait, regroupe d’anciens dirigeants de Nidaa Tounes, notamment les membres du bloc parlementaire de la Coalition nationale, d’anciens d’Afek Tounes, d’Al-Joumhouri, des Destouriens et beaucoup d’indépendants. Il est en train de conclure des alliances avec des partis de centre gauche et de centre droit, le but étant d’arriver, aux prochaines élections, avec une famille centriste enfin réconciliée, apaisée et réunie. C’est, en tout cas, le seul moyen pour elle de peser face au parti islamiste Ennahdha, qui, profitant de l’effritement de Nidaa Tounes, se tient aujourd’hui au cœur de la scène politique, jouant au marionnettiste et au métronome par qui tout doit passer.
Eviter surtout les erreurs de Nidaa Tounes
Le mot de la fin, ce sera pour Aymen, un artiste en herbe de 25 ans, venu assister à la conférence de presse par curiosité. «Je me cherche encore en art comme en politique. Aujourd’hui, je doute de tout et je ne suis sûr de rien. Face à ce bac à sable mouvant de la politique qu’on voit sur les plateaux ou sous la coupole du Bardo, on sent vraiment une sorte de dégoût», dit-il
Aymen, un démocrate progressiste, a voté, en 2014, pour Nidaa Tounes et il a même cherché à intégrer ce parti, mais il a vite déchanté et s’est sauvé. C’était en 2016. «Ce n’est pas ça que je voulais vraiment. Ces querelles interminables de leadership, ces ambitions démesurées, ces ego gonflés, ces convoitises, ces croche-pieds, ces coups bas…», avoue-t-il, en admettant que la fuite et l’abstention ne peuvent également constituer une solution. «Il faut participer et, surtout, aller voter pour faire barrage aux extrémistes de tous bords. Mais, pour le moment, aucun parti ne trouve grâce à mes yeux. Je suis prudent et toute ma crainte est que ce nouveau parti fasse la même faute que Nidaa. D’ailleurs, je revois les mêmes visages de 2014. Ceci me donne à réfléchir», conclut-il, perplexe.
Cette perplexité, partagée par beaucoup de Tunisiens, c’est aux dirigeants de ce nouveau parti de trouver les mots, les gestes et les actes forts pour la dissiper…
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