Décédé aujourd’hui, jeudi 25 juillet 2019, à l’hôpital militaire de Tunis, à l’âge de 93 ans, le président de la république, Béji Caïd Essebsi, restera dans l’histoire comme le premier président tunisien élu suite à des élections pluralistes et démocratiques.
Par Yüsra Nemlaghi
Vieux routier de la politique, dont la carrière remonte aux premières années de l’indépendance tunisienne, en 1956, Béji Caïd Essebsi a été un compagnon de route des principaux leaders du mouvement national, d’Habib Bourguiba à Ahmed Mestiri, en passant par Bahi Ladgham, Mongi Slim et autres Taieb Mehiri.
Le défunt a occupé plusieurs postes au gouvernement (Intérieur, Défense, Affaires étrangères), présidé l’Assemblée, passé par l’opposition et eut plusieurs traversées du désert. Mais les Tunisiens lui doivent, surtout, d’avoir su conduire, avec beaucoup de doigté, la transition démocratique, suite à la révolution de janvier 2011, en tant que Premier ministre d’abord, puis comme président de la république.
Un sauveur, un pacificateur et un rassembleur
Même si beaucoup des positions de Béji Caïd Essebsi ont suscité des polémiques, notamment son alliance avec le parti islamiste Ennahdha au lendemain des présidentielles et législatives de 2014, il restera dans la mémoire des Tunisiens comme un sauveur, qui a su calmer les esprits et ramener la paix dans les cœurs après le double assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi par des extrémistes religieux, en 2013, alors que le pays était au bord de la guerre civile. Sa forte personnalité, sa pédagogie et son bagou lui ont fait gagner le cœur des Tunisiens et, surtout, des Tunisiennes, et triompher des extrémistes de tous bords.
C’est donc l’un de leurs leaders politiques les plus importants des cinquante dernières années que les Tunisiens et les Tunisiennes viennent de perdre aujourd’hui.
Né le 29 novembre 1926, à Sidi Bou Saïd, Béji Caïd Essebsi, avocat de son état, était un ancien compagnon de route de Habib Bourguiba, premier président de la république tunisienne, qui le fera nommer directeur de la sûreté nationale, puis secrétaire d’État adjoint au ministère de l’Intérieur, avant de lui confier la conduite de ce département, puis celui de la Défense.
Élu à l’Assemblée, en 1969, dans la circonscription de Tunis, il sera ambassadeur en France en 1979, avant de réintégrer le gouvernement en qualité de ministre des Affaires étrangères.
L’homme de l’après-14 janvier 2011
Après le coup d’État du 7 novembre 1987, Caïd Essebsi intègre le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), de l’ancien président Ben Ali, puis redevient député avant d’être élu président de la Chambre des députés pour seulement un an.
Ensuite, ce sera de nouveau la rupture et la traversée du désert pour Béji Caïd Essebsi qui reprendra son métier d’avocat, jusqu’à la révolution de 2011, suite à laquelle il sera désigné Premier ministre. Il assurera une transition sans heurts et organisera l’élection de l’Assemblée nationale constituante (ANC).
La prise du pouvoir par les islamistes d’Ennahdha, en janvier 2012, et l’entrée du pays dans une phase de turbulences l’obligent, cependant, à sortir de sa retraite et à fonder, en juin 2012, le parti Nidaa Tounes, regroupant la famille libérale et moderniste, qui contribuera au rééquilibrage de la scène politique tunisienne outrageusement dominée par les islamistes.
C’est au nom de ce parti que Béji Caïd Essebsi sera élu quatrième président de la république, en décembre 2014. Mais Nidaa Tounes, qui remporte les législatives et accède au gouvernement, ne tarde pas à imploser et à éclater en morceaux, devant le regard impuissant de son fondateur.
Les Tunisiens, qui vouent beaucoup de respect à ce Tunisois, né dans une famille originaire de la Sicile en Italie, ne comprennent pas pourquoi il a laissé le parti qu’il avait fondé et imposé sur la scène politique se transformer, rapidement, en simple appareil désarticulé entre les mains de son fils Hafedh.
L’attachement à la famille et au clan, cher aux Siciliens comme aux Tunisiens, voisins et parfois parents, n’explique pas tout…
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