La crise au sein de Nidaa Tounes a atteint un tel degré de pourrissement que le silence ambigu de son fondateur, Béji Caïd Essebsi, en est devenu insupportable.
Par Ridha Kéfi
Avec ce qui vient de se passer ce matin à Hammamet, lorsque un groupe de soi-disant militants, armés de bâtons et d’armes blanches, ont empêché, par la force des muscles, la tenue d’une réunion du bureau exécutif de Nidaa Tounes, la crise sévissant à l’intérieur du parti au pouvoir a atteint un tournant qui rend presque impossible toute solution à l’avenir.
La division semble, en effet, définitivement consommée entre, d’un côté, la direction légitime, incarnée par le bureau politique et le bureau exécutif, et à leur tête le président Mohamed Ennaceur et le secrétaire général Mohsen Marzouk, et de l’autre, les «putschistes» menés par Hafedh Caïd Essebsi, le vice-président – qui veut être calife à la place du calife – et Ridha Belhaj, chef du cabinet du président de la république Béji Caïd Essebsi.
L’engagement direct et public de M. Belhaj ajoute de l’huile sur le feu et implique, d’une certaine façon, directement, la responsabilité du président de la république, dont le silence (embarrassé ou complice ?) qu’il a observé jusque-là est de moins en moins acceptable.
Béji Caïd Essebsi est d’autant plus appelé à intervenir qu’il est :
– le fondateur du parti et le principal artisan de son succès aux élections législatives et présidentielle ;
– le père de Hafedh Caïd Essebsi, qui conduit le clan des «putschistes» et sème la zizanie parmi les troupes, en s’appuyant sur un groupe d’anciens RCDistes, d’hommes d’affaires issus de l’ancienne nomenclature de Ben Ali et de quelques aventuriers opportunistes;
– et, last but not least, la seule personnalité «nidaiste» faisant tant soit peu l’unanimité et qui, de ce fait, peut être écoutée et aider à rapprocher les positions des «frères ennemis».
Cela dit, le silence de M. Caïd Essebsi ne peut avoir que deux explications. Ou bien il est totalement dépassé par la situation et n’arrive pas à raisonner son propre fils et le groupe d’agitateurs qui manipulent ce dernier. Auquel cas, son image de rassembleur en prendrait un grand sacré. Car que penser d’un président de tous les Tunisiens qui se révèle incapable de mettre de l’ordre dans… sa propre famille?
Seconde explication plausible : Caïd Essebsi père soutient (en sous-main et par l’intermédiaire de Ridha Belhaj), Caïd Essebsi fils. Ce qui, on l’imagine, ternira aussi, considérablement et définitivement, son image d’héritier de Bourguiba et de sauveur de la Tunisie.
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