Un colloque sur «La nécessité du Théâtre» s’est tenu dans le cadre de la première édition du Festival national du théâtre tunisien, organisé par l’Institut supérieur des sciences informatique du Kef, le samedi 21 septembre 2019.
La première édition du Festival national du théâtre tunisien a été inaugurée, vendredi 20 septembre, au Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef, avec au programme notamment une cérémonie d’hommage aux comédiens et dramaturges qui ont pris part active à la création de la première troupe permanente du Kef, dont feu Moncef Souissi.
Ce festival propose, outre les représentations de pièces théâtrales, des compétitions, des colloques, des workshops, des expositions, des hommages et plusieurs autres activités destinées notamment aux enfants.
Ainsi, dans la deuxième journée de la première édition du festival, le comité directeur du festival a organisé une rencontre de réflexion sur le thème de «La nécessité du théâtre» avec la participation de Mohamed Mediouni, Mounir Argui, Saadok Mejri et la modération de Anis Hamdi.
À l’ouverture de ce colloque, Mohamed Mediouni a posé la question de la nécessité du théâtre dans un contexte national et arabe en général. Tout être humain, a-t-il fait savoir, a besoin d’une éducation idoine qui lui permet de communiquer avec l’autre, dans un processus dialectique de compréhension de soi et du monde qui l’entoure.
Le conférencier a passé en revue l’histoire du théâtre dans les pays arabes en partant de Marouan Al-Naqash (1817-1955) qui a fondé un théâtre avant de le fermer plus tard en s’excusant d’avoir transformé l’espace en une église.
Le conférencier a évoqué ensuite l’expérience du Syrien d’Abou Khalil al-Qabbani, qui l’a conduit à fuir en Égypte pour y établir le premier noyau du théâtre.
Le phénomène de rejet du théâtre et l’hostilité à son égard n’est pas une réaction au contenu des œuvres présentées mais il s’agit d’un rejet total de l’existence même du théâtre considéré comme dangereux du fait même qu’il pose des questions fondamentales, développe une vision autre de la vie et des rapports humains.
Le théâtre est perçu comme dangereux par les conservateurs, a t-il dit, parce qu’il est une expérience liée à la citoyenneté et une quête de liberté et de libération.
Mohamed Mediouni a expliqué que le danger de l’acte théâtral réside dans la faculté de ce dernier à créer des mondes imaginés à partir d’un discours qui fait exploser toutes les idées reçues sans aucune référence aux autorités autres que celles du théâtre, qu’elles soient politiques, sociales ou religieuses, citant dans ce contexte le grand critique d’art et dramaturge syrien Saadallah Wannous qui avait écrit : «Le théâtre est dangereux parce qu’il est théâtre», une citation qui résume en soi toute la problématique du théâtre comme pratique artistique et comme forme de communication.
Mohamed Mediouni a aussi évoqué l’histoire de l’enseignement en Tunisie en remontant à l’époque d’Abdelaziz Thaalbi, qui fut un Zitounien. Le conférencier a rappelé qu’à cette époque il y avait un consensus sur la nécessité du théâtre entre des groupes censés avoir des différences idéologiques, à savoir les adeptes de la Zitouna et ceux de Sadiki car ce mode d’expression permet la confrontation idéelle et contribue à la construction d’une société civile responsable à l’instar des associations théâtrales, ce qui explique l’importance du mouvement théâtral tunisien et son rôle précurseur dans le développement du théâtre dans le monde arabe.
Pour sa part, l’acteur et metteur en scène Mounir Argui a soulevé plusieurs questions fondamentales : «Existe-t-il un théâtre en Tunisie ou existe-t-il un théâtre dans un dialecte tunisien ? Qu’avons-nous préparé pour le théâtre ? Pourquoi ne pas construire des théâtres dans des établissements d’enseignement?», autant de questions qui demandent une longue réflexion.
Le théâtre tunisien est un théâtre amateur en termes de cadres, de législations, d’infrastructures et de conditions de production, a déclaré Mounir Argui, soulignant que la législation en place est obsolète puisqu’elle remonte à 1986 et n’a subi aucune actualisation.
Mounir Argui a rappelé que le théâtre connaît partout dans le monde une profonde transformation avec l’utilisation de grands moyens techniques sophistiqués rendant le dramaturge tunisien incapable de suivre ce développement, en raison des possibilités financières limitées.
«Nous rêvons encore en Tunisie et le rêve est la source de notre force pour surmonter les obstacles de la réalité», a conclu l’artiste, tout en rappelant les réalisations accomplies tant sur le plan de l’infrastructure et des subventions et qui restent en deçà des besoins.
Source : communiqué.
Donnez votre avis