De toute évidence, l’événement agricole de cet automne en Tunisie a été, en octobre dernier, l’entrée en fonction effective du Fonds d’indemnisation des dégâts causés aux agriculteurs et pêcheurs par les catastrophes naturelles. Quel sera son rôle et son apport pour les agricultures, qui sont sous-assurés.
Par Khémaies Krimi
Pour saisir l’ampleur de ces dégâts résultant des catastrophes naturelles, notamment pour ceux qui ne sont pas assurés, une étude effectuée, au mois de décembre 2018, par la Caisse tunisienne d’assurances mutuelles agricoles (Ctama), sur l’assurance agricole, a évalué leur valeur à 345 millions de dinars tunisiens (MDT), en 8 ans.
L’entrée en application de ce fonds, instituée dans la loi des finances de 2018, vient contribuer à l’indemnisation des dégâts subis par les agriculteurs et pêcheurs par les calamités naturelles qui ne sont pas couvertes, jusqu’à ce jour, par aucun régime d’assurance.
Que va apporter ce Fonds ?
Concrètement, le Fonds garantit un dédommagement au taux de 60% des dégâts intervenus suite à des inondations, des tempêtes, le vent, la sécheresse ainsi que le gel. Selon les textes d’application du fonds, l’agriculteur assuré est indemnisé à partir d’un seuil minimum de dégâts fixé à 25%.
Ce nouveau Fonds est financé par trois sources : une subvention de l’Etat (30 MDT ont été alloués à ce fonds en 2018 et un montant équivalent en 2019), l’institution d’une taxe de 1% sur la production agricole et l’assurance agricole. Au total, le fonds dispose actuellement de plus de 90 MDT toutes sources de financement confondues.
Cela pour dire que ce fonds constitue une belle avancée dans la mesure où, depuis la création en 2012, de la première compagnie d’assurance agricole coloniale, ni l’Etat, ni les assureurs privés n’ont osé couvrir les grands risques tels que les inondations et la sécheresse en raison de leur coût élevé.
La seule fois où l’Etat y a pensé, c’était dans les années 80. Il a créé un fonds mais il n’a jamais été opérationnel. Tout ce qu’il a pu faire, depuis, c’est aider les agriculteurs en rééchelonnant leurs dettes.
La Ctama, doyenne des compagnies d’assurance agricole du pays, n’a pas fait mieux en dépit de quelques mesures prises en 2007 pour faciliter l’accès des agriculteurs à cette branche d’assurance. La compagnie a réduit ses tarifs aux taux de 40% pour la grêle et incendie récolte, et de 30% pour la mortalité de bétail.
L’assureur, qui s’est vu confier la gestion du fonds suite à un appel d’offres, n’assure, de nos jours et jusqu’à l’entrée en fonction de ce fonds, que le corps navires de pêche, les chambres frigorifiques, la mortalité du bétail, grêle et incendie récolte, matériel agricole et multirisques serres.
L’agriculture, un secteur sous-assuré
Moralité de l’histoire : le secteur agricole, qui compte 520.000 agriculteurs d’après l’étude de la Ctama, est toujours une activité sous-assurée.
Par les chiffres, la part de l’assurance agricole dans l’activité globale du marché des assurances est estimée à 3% en 2016 contre 5,7% en 2011 tandis que les agriculteurs assurés ne représentant que 8% seulement du total recensé.
L’étude justifie ce faible chiffre par quatre facteurs : le morcellement des terres (3/4 des agriculteurs gèrent des exploitations de moins de 10 hectares), l’assimilation fâcheuse de l’agriculteur à une catégorie sociale pauvre et vulnérable, le coût élevé de l’assurance agricole (250 DT pour l’assurance grêle et mortalité de bétail et l’absence de campagnes de communication et de sensibilisation.
Mention spéciale pour le recul qu’a connu l’assurance agricole depuis le soulèvement du 14 janvier 2011. À ce sujet, l’étude de la Ctama révèle un chiffre d’affaires réalisé par la branche en 2016 de l’ordre de 5,6 MDT contre 9,3MDT en 2010.
Quant à nous, nous pensons que ce Fonds d’indemnisation des dommages agricoles liés aux calamités naturelles tombe à point nommé au regard des projections pessimistes qui pointent à l’horizon (2030). En effet, avec l’avènement du réchauffement climatique qui commence à gagner en visibilité (sécheresse, grêle et fortes précipitations qui gagnent en fréquence et en gravité), sans assurance agricole, les petits exploitants agricoles ne seront pas à coup sûr, en mesure de trouver ni le temps ni les ressources nécessaires pour se remettre.
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