Dans ‘‘Madame courage’’, Merzak Allouache raconte la dérive d’une jeunesse algérienne condamnée à s’inventer un avenir par tous les moyens.
Par Hamadi Abassi
Après sa participation dans la sélection officielle Orizzonti à la Mostra de Venise en 2015, et son passage hautement remarqué au dernier Festival cinématographique du Caire, le dernier film du réalisateur algérien Merzak Allouache ‘‘Madame Courage’’ arrive aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC) précédé par des échos flatteurs.
Sur l’avenue Habib Bourguiba de Tunis, investie par les nombreux flâneurs et festivaliers à l’affût de films inédits, la bonbonnière du théâtre municipal transformée en salle de cinéma programmait, lundi, ce film évènement, que les cinéphiles tunisiens ne voulaient rater sous aucun prétexte.
Merzak Allouache.
Un nombreux public désordonné s’agglutinait sur les marches de ce vénérable édifice qui gardait obstinément ses portes closes malgré l’heure. Prévue pour 18 heures, la séance ne débuta qu’une heure plus tard, un temps nécessaire pour que les vigiles filtrent la foule compacte au portillon électronique de l’entrée.
Les damnés de la terre
Sous ce titre déconcertant ‘‘Madame courage’’, Allouache nous embarque dans un drame social poignant et grave, révélateur de la dérive d’une jeunesse algérienne condamnée à s’inventer un avenir par tous les moyens. Le film est une plongée en apnée dans l’univers sombre et glauque des damnés de la terre, des exclus et des marginaux, dans l’espace sordide des bidonvilles de Mostaganem, une grande ville côtière près d’Oran.
Avec ce film sulfureux, le réalisateur aborde un thème complexe et délicat à restituer, au risque de sombrer dans les poncifs et les clichés décevants.
Adlane Djemi incarne Omar un jeune desperado, chômeur, dealer, voleur et drogué.
A l’aide d’une caméra fouineuse qui traque le sordide d’une réalité sociale navrante, cet habile faiseur d’images filme la dérive de son héros, Omar, interprété par Adlane Djemi, troublant de réalisme et de justesse, un jeune zonard, chômeur, dealer, voleur à la tire, qui se défonce aux comprimés d’Artane, une drogue euphorisante et psychostimulante familièrement surnommée «Madame courage» parmi les consommateurs de psychotropes algériens.
Allouache filme en plan large ses personnages pour mieux s’approprier le désarroi de leur vie éclatée, ou abuse des gros plans pour capter l’humanité de ces jeunes desperados des cités sensibles.
Entre le trouble et l’espoir
La rencontre d’Omar avec Selma (Lamia Bouzouaoui), une jeune élève habitant la zone qu’il a délestée de son collier en or, va semer le trouble et l’espoir dans les tribulations de son existence mouvementée. Une éclaircie, aussitôt condamnée par les préjugés et l’intolérance d’un environnement social implacable.
Lamia Bouzouaoui incarne Selma, une lycéenne qui jette une rayon de soleil dans la vie morne de Omar.
‘‘Madame courage’’ n’est pas un film bavard, quoique les appels à la prière lancés par les muezzins du haut des minarets des mosquées et les prêches religieux diffusés en boucles par la radio se montrent plus éloquents que tout.
Sur le plan du style, le film oscille entre le ton d’une chronique sociale et une sorte d’ode à la jeunesse, qui traduit, en filigrane, un grand désarroi et une quête désespérée de survie.
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