L’impact direct du conflit libyen pourrait se traduire, en Tunisie, entre autres conséquences, par une baisse de la croissance économique, une exacerbation des tensions sociales et une persistance de l’instabilité politique. Et cela ne manquera pas d’avoir des conséquences pour toute la région méditerranéenne.
Par Amine Ben Gamra *
Si la Libye sombre dans la guerre civile, de nombreux réfugiés viendraient dans la Tunisie voisine et exerceraient, ainsi, une demande additionnelle sur les produits subventionnés dans notre pays tels que les pâtes, le sucre ou le lait. Mais pas seulement. Les prix des services connaîtront la même hausse. Idem pour ceux du loyer. Ce qui ne manquera pas d’alimenter l’inflation. On peut ajouter à ces impacts, la réduction des envois de fonds des travailleurs tunisiens en Libye et la baisse du pouvoir d’achat des Libyens résidents en Tunisie.
Les conséquences d’une guerre aux frontières tunisiennes
Par ailleurs, si une guerre venait à se déclencher aux frontières tunisiennes, la facture économique serait, à bien des égards, lourde à supporter pour les milliers de travailleurs tunisiens actuellement installés en Libye et dont la majorité seraient amenés à rentrer au pays où ils grossiraient les rangs des sans-emploi représentant plus de 15% de la population active.
Pour couvrir ces pertes par le biais de la fiscalité, l’Etat devrait recourir à de fortes augmentations d’impôt, tandis que les nécessités de financement du budget de l’Etat augmenteraient les besoins de financement extérieur et aggraveraient l’endettement du pays, représentant actuellement plus de 70% du PIB.
C’est pourquoi nous pensons que la Tunisie a besoin, aujourd’hui, d’un plan de sauvetage mis en œuvre sous l’égide de l’Onu. Elle a aussi besoin de toutes aides qu’elle pourrait obtenir de ses différents partenaires internationaux pour sécuriser sa frontière sud-est.
La Tunisie est un vecteur important de la sécurité dans la partie centrale de la Méditerranée. L’Europe et les États-Unis peuvent difficilement se permettre de voir le chaos en Libye se propager à l’ouest et au nord. Des pans entiers de la côte libyenne sont sous le contrôle de plusieurs milices, lesquelles organisent les flux de migration clandestine entre le sud du Sahara et les côtes du sud de l’Italie.
Pour un plan de sauvetage sous la conduite de l’Onu
La Tunisie peut se prévaloir des conséquences de ce chaos annoncé sur sa stabilité et, par conséquent sur celle de toute la Méditerranée centrale, pour lancer le projet d’un plan de sauvetage conduit par l’Onu, auquel prendraient part aussi tous les autres protagonistes concernés par le conflit libyen, notamment l’Union européenne, les Etats européens directement impliqués dans le conflit libyen, comme la France, l’Italie et l’Allemagne, ou même encore l’Otan, dont la Tunisie est un «allié majeur non membre» depuis 2015, et ce pour le volet sécuritaire et militaire.
Il s’agit de ne pas laisser la Tunisie se débattre seule dans les problèmes qui résulteront d’une aggravation des tensions militaires en Libye, alors que son économie vacille dangereusement, traverse une grave crise et menace de se détériorer davantage et d’avoir de graves conséquences sur les plans politique, social et sécuritaire.
* Expert Comptable.
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