La statue de bronze de la chamelle dénommée Fethia, installée au centre de la Marsa, ne fait pas l’unanimité des Marsois. Mais n’est-ce pas le propre d’une œuvre d’art d’interpeller les gens ? Par sa différence avec ses congénères, Fethia nous interroge sur les notions de diversité et de tolérance.
Par Karim Abdessalem *
Une statue représentant «Fethia» la fameuse chamelle du café Saf Saf vient d’être installée au centre de La Marsa. Elle est l’œuvre du maître sculpteur tunisien Sahbi Chtioui, résidant au Maroc et spécialiste du travail du bronze. Ses statues, du petit format à la taille monumentale, traitent généralement d’idées de paix, d’amour et de rapprochement des peuples. Le choix fait par le Roi Mohamed VI d’offrir au Pape François une création de Sahbi Chtioui est une marque de sa notoriété internationale.
Il faut signaler que la statue Fethia a été gracieusement offerte par l’artiste à la commune de La Marsa et que les frais de son transport de Casablanca à Tunis ont été intégralement assumés par des mécènes.
Ce don est offert à l’occasion de la célébration du 80e anniversaire de l’Avenir sportif de La Marsa (1939-2019). Sahbi Chtioui a répondu aux intentions des organisateurs des festivités qui tenaient, non pas simplement à organiser des événements classiques et éphémères, mais à rendre hommage à tous ceux qui ont porté haut et fort les couleurs du club en leur dédiant une œuvre pérenne.
L’artiste a choisi de sculpter Fethia car elle représente un des symboles de la ville de La Marsa. D’ailleurs, elle figure sur l’étendard de la ville et sur l’écusson de l’ASM.
L’histoire de Fethia remonte à bien avant la date de création de la municipalité de la Marsa (1912), lorsque le Cheikh Bahri a acquis un terrain où se trouvait un puits. Il y construisit un café maure et une noria qui devait tourner à l’aide d’une chamelle pour puiser l’eau. Le Cheikh donna à son café le nom du magnifique arbre qui couvrait la place : le «Saf Saf» ou peuplier et il dénomma la chamelle Fethia, nom qui fût transmis de génération en génération.
C’est ainsi que Fethia est devenue indissociable du Saf Saf, lieu marsois mythique immortalisé par la célèbre chanson de Nâama ‘‘Le puits, le Saf Saf et la noria’’.
Sahbi Chtioui a choisi de ne pas sculpter la chamelle trait pour trait. Avec ses 2.30 m de haut et 1.30 m de large, son cou disproportionné, sa tête tournée vers l’arrière et ses dessins de cité balnéaire aux flancs, elle est clairement différente des autres chamelles. Certains la trouvent majestueuse alors qu’elle est exécrée par d’autres.
Parce qu’elle n’est pas du goût de tout le monde ou parce qu’on eut préféré tel ou tel endroit pour son placement, Fethia était sujet à polémique bien avant son installation.
Le propre d’une œuvre d’art est d’interpeller les gens. Par sa différence avec ses congénères, Fethia nous interroge sur les notions de diversité et de tolérance.
* Médecin et activiste de la société civile.
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