L’auteure, dramaturge, comédienne et metteure en scène, s’insurge contre la décision irresponsable prise par les autorités, en plein confinement sanitaire de prévention contre la propagation du coronavirus (Covid-19), d’autoriser des tournages de feuilletons télévisés pour les veillées du mois de ramadan. Ce n’est pas seulement ridicule, c’est criminel…
Par Leila Toubel *
Il y a des gens qui meurent par milliers tous les jours; les cercueils sont conduits seuls vers les tombes, sans adieux; la vie ne compte plus les êtres humains qui la quittent; elle est à genoux, suppliant la faucheuse d’arrêter son ravage. Tout est figé, sauf les larmes pleurant à longueur de journée et pendant la nuit, la nuit où on oublie tous les rêves pour ne retenir en soi qu’un seul, celui de ne pas perdre un être cher, de ne pas tomber malade, et si cela arrive, de trouver un lit dans un hôpital et, si on meurt, rêver d’être enterré dignement.
Le monde, hébété et impuissant, a arrêté toutes les machines, annulé toutes les grandes manifestations, économiques, culturelles, artistiques et sportives; les pertes se comptent par des centaines de milliards, mais que vaut l’argent quand il s’agit de la vie humaine ?
Je m’indigne haut et fort et je me soulève contre la décision d’autoriser la reprise du tournage des feuilletons télévisé pour le mois de ramadan.
Je ne me permettrai pas de répondre à l’insolence de certaines personnes, qui, pour défendre l’indéfendable, se sont permises de traiter de tous les noms celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec cette décision. Je m’adresse donc aux décideurs politiques, à monsieur le chef du gouvernement et à madame la ministre des Affaires culturelles, et je leur dis ceci : je ne savais pas que vous étiez plus soucieux du divertissement des Tunisiens que de leur vie.
Tous les arguments évoqués pour justifier cette décision irresponsable sont insensés et infondés, parce que le coronavirus, et je ne vous apprends rien, n’a pas le temps de regarder les feuilletons : il se propage, se transmet et tue sans regarder les visages et sans même savoir dans quel pays il est.
Vous avez une idée du nombre de médecins qui ont contracté la maladie malgré toutes les précautions prises et combien sont partis laissant une mère, une épouse et des enfants ?!
Nous sommes des centaines d’artistes confiné-e-s depuis des semaines, notre activité artistique, qui est notre gagne-pain, est à l’arrêt, on ne se donne même pas le droit de nous plaindre, bien au contraire, nous essayons d’aider à rendre ce drame vivable et ce confinement supportable, chacun fait sa part comme il peut pour sauver notre pays, alors faites la vôtre. Et pour commencer, annulez cette décision insensée !
* Comédienne et dramaturge.
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