Partant du cas évoqué ici par l’auteur et des explications données suite à l’incident qu’il eut ce weekend avec le maire de Kélibia (Cap Bon), Jamel Hajjem, on peut se demander combien de projets sont ainsi bloqués et retardés pendant des années par une bureaucratie, ici municipale, aux motivations douteuses, et qui ne respecte même pas ses règles et procédures.
Par Sahbi Gorgi *
Le maire de Kélibia a refusé la présentation d’un projet d’architecture dans la commission de permis de bâtir qu’il préside.
Ce projet était à l’ordre du jour et la procédure demande une présentation de l’architecte. Le maire n’a même pas daigné me recevoir pour une explication ou des excuses.
Je suis l’architecte d’un projet immobilier à Kélibia dans la zone de Kélibia la blanche.
Le projet a été traité en tant qu’opération d’ensemble vu que la surface du terrain le permet dans le plan d’aménagement urbain. La hauteur autorisée du projet étant d’un RDC et trois étages.
Malgré la régularité de la procédure et le respect total du règlement, quelques riverains influents dans la région ont signifié leur refus catégorique du projet et déclaré la guerre au promoteur immobilier.
Le projet aurait pu être déjà réalisé depuis des années
Le promoteur immobilier, ne voulant pas retarder son projet et froisser de futurs voisins, a tout essayé pour trouver avec les riverains et la municipalité une solution intermédiaire qui puisse arranger tout le monde.
Nous avons entre-temps compris que nos riverains influents veulent seulement la mort du projet étant situé entre eux et la mer… ils veulent garder l’exclusivité de la vue malgré qu’ils soient en troisième rangée…
J’en suis à ma 10e variante… et le blocage dure depuis cinq ans… malgré l’intervention, à plusieurs reprises, des ministères des Affaires locales et celui de l’Equipement. Le promoteur a déjà dépensé des millions de dinars en achat terrain, intérêts bancaires, reprises d’études… alors que le projet aurait pu être déjà réalisé depuis des années avec toutes les retombées conséquentes.
La direction régionale de l’équipement considère qu’elle ne peut traiter que des aspects techniques et exige que le projet passe dans sa forme totalement réglementaire. La municipalité avec ces quelques riverains campent sur leur positon du refus catégorique des trois étages. Et le promoteur dans tout ça perd de l’argent.
Suite à ce blocage totalement kafkaïen, le promoteur a décidé d’intenter un procès au tribunal administratif en parallèle les négociations entre municipalité, riverains et direction régionale de l’équipement.
Négociation «politique» directe entre promoteur et municipalité
La dernière proposition était d’accepter le projet techniquement, puisque la commission de permis de bâtir ne peut traiter que cet aspect, et laisser la liberté à la municipalité de refuser «politiquement» le projet. Ce qui ouvrira la porte à une négociation directe entre promoteur et conseil municipal.
Pour cette dernière commission, le président de la municipalité a refusé d’étudier le projet arguant de l’absence du sous-directeur de la direction régionale de l’équipement de Nabeul alors que celle-ci était bien représentée dans la commission.
Celle-ci était réglementaire et a d’ailleurs siégé pour d’autres projets et non le mien.
Que le président de la municipalité refuse mon projet, je peux comprendre même si je ne suis pas d’accord. Mais qu’il me manque de respect en refusant ma présentation et me recevoir sans aucun forme d’excuse est inadmissible. J’ai fait deux heures de route; je suis arrivé à l’heure bien avant tous les membres de la commission; le projet était bien inscrit à l’ordre du jour; j’ai été invité pour le présenter, c’est la procédure…
Tant de projets bloqués et tant d’argents gaspillés dans ce pays à cause de procédures inextricables et kafkaïennes. Ça doit changer, les mentalités, les procédures, les textes… il faut dénoncer ce type d’attitude de la part d’autorités locales et d’élus locaux qui jouent contre les intérêts de leur région et bloquent leur développement économique.
J’en appelle au ministre des Affaires locales pour que les architectes se fassent respecter dans les municipalités, car les incidents se répètent dans le cadre de cette commission de permis de bâtir.
J’en appelle aussi aux ministres des Affaires locales et de l’Equipement pour trouver une solution à ce blocage inadmissible depuis cinq ans.
Entre-temps, à Kélibia, de grand immeubles poussent comme des champignons, y compris au voisinage de mon projet, sans aucune autorisation et parfois même sur des sites archéologiques… une densification sauvage… qui en profite ?…
* Architecte urbaniste.
Témoignage vidéo de l’architecte.
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