Ceux qui sourient en entendant parler de menace de mort contre Abir Moussi se trompent lourdement en ne prenant pas cette menace au sérieux. Explications…
Par Imed Bahri
Dans une déclaré samedi 13 août 2022, coïncidant avec la célébration de la Journée nationale de la femme, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, a affirmé être visée par un plan d’assassinat.
«Il existe des informations sérieuses sur l’existence d’un plan d’assassinat», a-t-elle déclaré à l’agence Tap, appelant les services de sécurité à assumer pleinement leurs responsabilités dans la protection des dirigeants de son parti.
Karim Krifa, numéro deux du PDL, avait fait état, jeudi, en conférence de presse, de l’existence d’un plan de neutralisation d’Abir Moussi, ajoutant : «Nous avons recueilli des informations sur ce complot et le lanceur d’alerte a été entendu».
Me Moussi, qui s’exprimait en marge de la célébration par son parti à Sousse du 66e anniversaire du Code du statut personnel, n’a pas donné plus de détails à ce sujet et les autorités sécuritaires n’ont pas encore réagi.
Il n’en reste pas moins que cette affaire doit être traitée avec tout le sérieux requis. Car Mme Moussi est parmi les dirigeants politiques les plus exposé en Tunisie, autant sinon plus que le président de la république Kaïs Saïed.
Pro-Saïed et islamistes : une même hostilité aux Destouriens
Les groupes islamistes, le parti Ennahdha en tête, auxquels elle a mené et mène toujours la vie dure, la considèrent comme leur principal ennemi, bien avant M. Saïed qui partage leurs idées conservatrices et auquel beaucoup d’entre eux ont voté en 2019. Et, on le sait, quand ces gens-là mettent quelqu’un dans leur viseur, ils ne sont pas du genre à reculer ou à tergiverser. On en a déjà eu la preuve avec l’assassinat des deux dirigeants de gauche Chokri belaid et Mohamed Brahmi, en 2013.
Sur un autre plan, et si Mme Moussi est classée seconde derrière le président Saïed dans les intentions de vote pour la prochaine présidentielle, son parti fait la course en tête, selon tous les sondages, pour les législatives, prévues pour le 17 décembre prochain. Et l’avance du PDL sur tous ses concurrents, y compris Ennahdha, est assez importante pour espérer la voir fondre en quatre mois.
En tant que présidente d’un parti de premier ordre, Mme Moussi, on le sait, bénéficie d’une protection sécuritaire rapprochée. Cela prouve, s’il en est besoin, qu’elle est réellement menacée. Et il suffit de lire les commentaires au vitriol de ses adversaires sur les réseaux sociaux pour prendre conscience de la réalité de cette menace.
Les ennemis de Mme Moussi ce sont les islamistes d’Ennahdha et les partisans de Saïed, plus que jamais unis contre un ennemi commun, qui a souvent tendance à les mettre dans le même sac et à dénoncer leurs accointances qui ne sont pas seulement idéologiques.
En effet, derrière l’apparence d’hostilité qu’ils entretiennent à l’égard du parti islamiste, les partisans du président de la république ont beaucoup de points communs avec leur soi-disant ennemis nahdhaouis. Et leur principal point commun reste, bien entendu, la haine vouée à Mme Moussi et à son parti.
Une cible de choix
Il faut dire aussi que Mme Moussi collectionne les ennemis. Sûre d’elle, confiante en son charisme qui lui attire de plus en plus d’admirateurs chaque jour – ses meetings sont très spectaculaires aussi bien à Tunis qu’à l’intérieur du pays –, et convaincue de son destin politique – elle postule déjà pour la présidence de la république –, l’avocate a la langue bien déliée, et si elle n’hésite pas à s’attaquer frontalement à ses adversaires, elle dérape rarement, aidée en cela par ses talents d’oratrice et sa grande culture juridique.
Certes, beaucoup la trouvent acariâtre et clivante, parfois excessive dans ses prises de position, et écrasant sous son poids un parti dont elle reste l’unique porte-voix, mais tous lui reconnaissent de grandes qualités : la fidélité à ses premiers choix, la sincérité et la droiture qui font d’elle le dirigeant politique le plus constant et le plus cohérent. Cette constance et cette cohérence tranchent avec l’inconstance et l’incohérence de la plupart des autres figures de la scène tunisienne, qui retournent souvent la veste, changeant d’alliance comme de chemise et comptant sur l’amnésie des électeurs, qui sont inconstants et incohérents comme eux.
Pour toutes ces raisons, Abir Moussi reste l’«homme à abattre» en Tunisie, car elle éclipse, par son leadership naturel, beaucoup d’hommes dont elle contrarie les ambitions. Ce qui en fait aussi une cible privilégiée, c’est cette manière qu’elle a de crever l’écran : pour ceux qui veulent provoquer des désordres en Tunisie – Dieu sait qu’il y en a, qui veulent arrêter net la transition démocratique dans notre pays –, elle offre une cible de choix.
Aussi ceux qui sourient en entendant parler de menace de mort contre Mme Moussi se trompent-ils lourdement en ne prenant pas cette menace au sérieux.
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