Les transferts de devises des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) pourraient contribuer à éviter le recours à l’endettement extérieur.
Par Hakim Tounsi *
Selon les statistiques de la Banque Mondiale, les transferts en devises des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) seraient parmi les plus faibles des pays du monde arabe. Le pays qui a le plus bénéficié des transferts de ces économies en 2019, selon ces mêmes statistiques, est l’Egypte qui a reçu 26,8 milliards $ soit 8,9% de son PIB, suivie par le Liban avec 7,5 milliards $ (12,7% du PIB), le Maroc (6,7 milliards $, 5,6%). La Tunisie avec 1,9 Milliard $ et 4,9% du PIB arrive derrière la Jordanie (4,5 milliards $,10,2 % du PIB) et le Yémen (3,8 milliards $, 12,6% du PIB). L’Algérie se classe après la Tunisie avec seulement 1,8 Mds $ représentant 1% de son PIB.
Il est évident que les chiffres sont à lire avec une grande retenue et sagesse car ils restent à analyser et à relativiser pour comparer le comparable.
L’Egypte aurait 9,5 millions d’expatriés avec une diaspora majoritairement établie dans les pays arabes du Golfe alors que les Marocains ont une diaspora de 4,5 millions de personnes avec un profil général qui se rapproche plus de celui de la diaspora tunisienne qui compte environ 1,4 millions d’âmes. Marocains et Tunisiens sont installés à plus de 80% dans les pays européens.
Une question d’interprétation des statistiques
Un critère majeure demeure nécessaire pour une bonne interprétation des statistiques est celui de la source des données. C’est ainsi qu’il y a une différence très importante par exemple entre les émigrés tunisiens vivant à l’étranger et les TRE. La Banque Mondiale évalue les émigrés tunisiens vivant à l’étranger en 2019 à 813.200 personnes alors que d’autres sources avancent le chiffre de 1,4 millions. La différence s’explique par le fait que beaucoup de personnes portent la nationalité tunisienne mais ne sont pas des migrants. Elles sont ou nées dans leur pays d’accueil ou définitivement stabilisées ou ayant acquis la double nationalité pour beaucoup d’entre elles. Ces personnes ne sont pas comptabilisées parmi les migrants.
Des statistiques qui restent encore à majorer si nous prenons en considération les Tunisiens nés à l’étranger qui n’ont aucun contact avec l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE) et qui ne sont pas recensés par les consulats ou encore les migrants clandestins ou en situation irrégulière dont le nombre exact reste inconnu mais probablement supérieur à 250.000 personnes. Ainsi le nombre de 2 millions de porteurs de la nationalité tunisienne vivant à l’étranger provisoirement ou d’une manière permanente ne serait pas farfelu.
Une marge potentielle de progression des transferts
Dans tous les cas les transferts de fonds soulagent non seulement les familles qui en bénéficient mais constituent une source importante de soutien pour la balance des devises fortes des pays.
Pour 2020 et contrairement aux attentes de fortes baisses dues à la pandémie de la Covid qui a précarisé la situation de beaucoup d’expatriés, les transferts en devises des tunisiens et des marocains ne connaîtront qu’une légère baisse de l’ordre de 5% par rapport à leur niveau de 2019. Un enseignement réconfortant attestant du fort attachement de ces communautés à leurs familles et à leurs pays d’origine.
Néanmoins, la Tunisie garde une marge potentielle de progression des transferts en devise de sa diaspora pour se hisser au niveau du Maroc et atteindre un taux de 6% de son PIB au lieu des 4,9% actuels. Ceci aurait généré à la Tunisie en 2019 une recette en devises de l’ordre de 3 milliards $ au lieu des 1,9 Mds$ réalisés. Des efforts restent à faire pour atteindre cet objectif notamment par la réduction des coûts des transferts et un meilleur rapprochement entre l’Etat tunisien et ses structures avec sa communauté vivant à l’étranger.
Mieux collecter l’épargne et favoriser l’investissement
À rappeler que la Tunisie est le seul pays nord-africain disposant d’une licence de banque 100% française (donc européenne) qui est la Tunisian Foreign Bank (TFBank) qui a un accès direct au marché financier européen et qui pourrait aider à la facilitation des transferts des devises de la diaspora, à mieux collecter son épargne et favoriser ses investissements en Tunisie.
A titre d’exemple, des pays comme le Pakistan ou le Bangladesh ont respectivement réduit le coût des transferts pour le premier et offert un taux de change bonifié comme une aide sociale en plus pour renforcer les envois formels, pour le deuxième.
En ce qui concerne 2021, les prévisions des experts penchent pour une nouvelle réduction de l’ordre de 5% des transferts de devises vers leurs pays d’origine des expatriés de pays comme le Maroc ou la Tunisie.
* Economiste, dirigeant fondateur du TO Authentique, Paris.
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