L’auteure de cette lettre de lecteur, signant par un pseudonyme, est une Tunisienne résidant à l’étranger. Elle y relate ses interminables tribulations dans les méandres de la bureaucratie tunisienne, bête et méchante, pour avoir voulu acquérir une maison en Tunisie. De quoi vous détourner définitivement de toute envie d’investir dans votre pays natal. Cherchez le véritable perdant…
Par Michele Hoareau *
Tunisienne résidant à l’étranger, nous avons le droit à un abattement de 5% sur les coûts d’enregistrement de l’acquisition d’une maison, c’est-à-dire au lieu de payer 6% les frais d’enregistrement au ministère des Finances, nous ne payons que 1%, selon des conditions bien spécifiques tels que, l’envoi de la somme en euros sur un compte en Tunisie, et la preuve que cet argent à servi à l’acquisition du bien… Jusque-là, pas de problème, et il est normal d’avoir ces barrières de contrôle pour éviter les abus. Mais voilà… ceci est de la pure théorie. Voici 2 mois que je me décarcasse, en ayant fait 4 aller retour, Marseille-Tunis, pour gérer ce dossier (si simple en apparence). Voici une histoire concrète…
J’ai fait le choix d’acquérir un bien immobilier à Tunis à 150 000 dinars. Je devrais officiellement payer 9000 dinars, mais grâce à la Loi de Finance, je ne paye que 1500 dinars (en théorie). J’ai fait appel à un expert pour m’accompagner dans les démarches. Celui-ci me demande 8% de l’abattement, ainsi que les frais au réel… selon lui cela représente 1400 dinars… Je paye donc 1500 dinars à l’Etat et 1400 dinars à l’expert… nous atteignons 2900 dinars. Mais ça ne s’arrête pas là, puisque le banquier me prend des frais de 150 dinars pour la transaction et pour les attestations demandées par l’Etat.
Je dois ensuite faire tout une panoplie de photocopies et de légalisations de documents. J’en ai eu pour 115 dinars (en comptant les agents municipaux qui décident de ne pas vous rendre la monnaie sur deux légalisations et sur un billet de 10 dinars, prétextant qu’ils n’ont pas de monnaie, alors que la caisse est pleine)… mais qu’il en soit ainsi… nous en sommes à 3166 dinars…
Il s’agit ensuite d’obtenir une attestation de résidence (alors que je réside en France), qui me permettra d’obtenir une déclaration à zéro de mon imposition tunisienne (alors que je travaille en France) et on me ballade entre le service des finances, le commissariat, et la municipalité… Qu’il en soit ainsi… ici ça ne m’a coûté que 10 dinars le coût des légalisations, du timbre et des photocopies. Nous en sommes donc à 3176 dinars…
Muni des attestations de banque, de la déclaration de non-imposition en Tunisie, et d’une multitude de documents (complètement inutiles), il s’agit là d’obtenir une fiche de mouvement (attestant mes entrées et mes sorties en Tunisie, et donc que je n’ai pas séjourné en Tunisie plus de 3 mois). Direction le ministère de l’Intérieur (service des Tunisiens à l’étranger), et là on me demande d’aller au tribunal pour obtenir un accord (rebelote dans de nombreuses démarches administratives, financières et bien entendu de légalisation et de pouvoir de procuration pour qu’une personne puisse me représenter. Nous en sommes à 3245 dinars….
De retour au ministère, tentative de corruption, un policier me dit clairement : «Pour avoir la fiche de mouvement, il va falloir payer une grosse somme, sinon vous ne l’obtiendrez jamais»… Coût de la somme : 2000 dinars… Nous en sommes à 5245 dinars…
Enfin, si je prends en compte les 4 billets d’avion aller-retour, les locations de voiture durant mes séjours, les taxis, les dépenses directes… cela revient à 8535 dinars et nous en sommes donc à 13 780 dinars…
En conclusion, au lieu de payer l’Etat 9000 dinars, je viens de débourser 11 780 dinars (13 780 moins les 2000€ de corruption du policier que je refuse de payer), et… je n’ai toujours pas mon document…
Si un très haut responsable lit ces quelques lignes, il devrait prendre les mesures nécessaires pour décider les Tunisiens résidents à l’étranger à investir dans leur pays, ou alors de supprimer ces «fausses facilitations» censées les inciter à le faire.
Je lance cette bouteille à la mer, en espérant que des responsables puissent mesurer l’importance de ces fuites financières pour l’Etat.
* C’est le pseudonyme d’une Tunisienne résidant à l’étranger.
Donnez votre avis